En raison d’un boycottage de Boxe Canada, Tammara Thibeault n’aura pas la chance de défendre son titre aux Championnats du monde de New Delhi le mois prochain.

Placée devant le fait accompli, la boxeuse de Shawinigan s’en remet au choix de sa fédération nationale. « Je respecte la fédération, c’est la décision qu’elle a prise », a résumé Thibeault vendredi.

« C’est sûr que chaque athlète veut participer aux Championnats du monde. C’est une compétition importante, mais c’est vraiment hors de mon contrôle », a-t-elle ajouté de la Bulgarie, où elle lancera sa saison la semaine prochaine dans le cadre du tournoi Strandja Memorial.

La pugiliste de 26 ans, médaillée d’or chez les poids moyens à Istanbul en 2022, préfère mettre ses énergies sur ce qu’elle considère comme primordial cette année : sa qualification pour les Jeux olympiques de Paris de l’été 2024.

« C’est dans 17 mois, ça arrive vite. Je me concentre surtout sur les Jeux panaméricains [pour la qualification olympique]. »

« Je ne boxe pas pour l’argent »

Boxe Canada a annoncé cette semaine sa décision de boycotter les Championnats du monde féminins (du 15 au 26 mars) et masculins (Tachkent, Ouzbékistan, du 1erau 14 mai) pour protester contre l’inclusion des athlètes russes et biélorusses et la gestion de l’Association internationale de boxe (IBA).

Les États-Unis, la Tchéquie, l’Irlande et la Suède feront de même. La Grande-Bretagne sera absente de l’évènement féminin.

Dans un communiqué, la fédération canadienne a cité « la corruption au sein de l’Association internationale de boxe » et ses « inquiétudes significatives » par rapport « aux risques auxquels le sport fait face et son avenir dans le programme olympique ».

« Nous comprenons les implications que cette décision aura sur nos athlètes de l’équipe nationale, et nous travaillons avec diligence aux côtés de nos partenaires sportifs pour trouver un tournoi de remplacement approprié pour continuer à développer nos athlètes de haut niveau en préparation pour les qualifications des Jeux panaméricains ainsi que les Jeux olympiques », a déclaré le président Ryan O’Shea.

Les boxeurs de l’équipe nationale ont-ils été consultés ? « En tant qu’athlètes, notre travail, c’est de performer et de se préparer pour nos compétitions, a esquivé Thibeault. Tout ce qui est politique, tout ce qui concerne les décisions, ce n’est pas vraiment ma niche, ça ne fait pas partie de mon boulot. »

La native de Saint-Georges, en Beauce, préfère regarder vers l’avenir plutôt que de s’apitoyer.

« Les Championnats du monde, c’est une occasion de mesurer notre progrès face aux autres boxeuses. J’aurai d’autres occasions, comme cette semaine en Bulgarie », dit-elle.

PHOTO FRANÇOIS GERVAIS, ARCHIVES LE NOUVELLISTE

Tammara Thibeault

Oui, j’aurais voulu défendre mon titre, mais je suis déjà championne du monde, personne ne peut me l’enlever.

Tammara Thibeault

Le boycottage pourrait avoir une incidence financière très importante pour celle qui a aussi remporté l’or continental et aux Jeux du Commonwealth de Birmingham l’an dernier. Sa victoire aux derniers Mondiaux, en mai 2022, lui a valu un chèque de 100 000 $ US (soit l’équivalent de 128 290 $ CAN à l’époque).

« Moi, je ne boxe pas pour l’argent, a réagi Thibeault. Je boxe parce que j’adore ce que je fais. J’ai une passion pour mon sport. C’est ce qui est important. »

« Hyènes et chacals »

Jeudi, l’Association internationale de boxe s’est engagée à fournir une aide financière aux boxeurs des pays boycotteurs pour participer aux Championnats du monde, les estimant victimes de « jeux politiques » de leurs fédérations nationales respectives.

L’évènement étant ouvert, il est possible de s’y inscrire directement auprès de l’IBA.

« Les décisions en ce sens ont été prises dans le vide et ne reflètent pas les points de vue de leurs athlètes, entraîneurs, officiels techniques et administrateurs au sein de ces fédérations nationales », a plaidé le secrétaire général et directeur général de l’IBA, George Yerolimpos, dans une lettre ouverte.

Thibeault n’a certainement pas l’intention de répondre favorablement à cette invitation. « Mon travail, c’est aussi de respecter ma fédération. Je boxe pour le Canada. Je comprends leur décision. Je garde vraiment mon attention sur ce que je peux contrôler. »

L’IBA est suspendue par le Comité international olympique (CIO) depuis 2019 en raison de problèmes de gouvernance et de la manipulation de résultats aux Jeux de Rio en 2016. Une commission du CIO a organisé le tournoi olympique de Tokyo en 2021.

En décembre, le CIO a réitéré sa menace de retirer la boxe des Jeux de Paris en 2024, contestant la légitimité du président de l’IBA, le Russe Umar Kremlev, réputé proche du président russe, Vladimir Poutine.

En septembre, les délégués de l’IBA ont refusé la tenue d’une nouvelle élection à la présidence, en contravention d’une décision du Tribunal arbitral du sport. La prolongation d’un contrat exclusif de commandite par Gazprom, société de gaz naturel russe, est également décriée par le CIO.

Kremlev a affirmé que les dirigeants américains et irlandais qui ont voté pour un boycottage étaient « pires que des hyènes et des chacals ».

La boxe ne fait toujours pas partie du programme des Jeux de Los Angeles en 2028.

Au fait de toutes ces perturbations, Tammara Thibeault a néanmoins les yeux rivés sur le Strandja Memorial, le plus vieux tournoi européen tenu pour la première fois en 1950.

« Je suis hyper contente et excitée de remonter sur le ring. C’est vraiment un bon tournoi. C’est super pour ma progression et mon développement comme athlète. »

La boxeuse québécoise tentera d’assurer sa place pour les Jeux de Paris en atteignant au minimum la finale des Jeux panaméricains de Santiago, au Chili, à l’automne prochain.