Au téléphone, Hugo Barrette s’excusait de ne pas avoir d’anecdote particulière à raconter en cette crise du Grand Confinement.

Dans sa maison de Milton, en Ontario, le cycliste de 28 ans mène une vie presque normale. Son quotidien est modulé par ses deux entraînements, l’un avec des poids dans son garage, l’autre sur la route, seul. Coup de chance : le soleil est exceptionnellement généreux ces temps-ci dans la grande région de Toronto.

Sinon, il parle à son coloc, cycliste sur piste comme lui, et voit sa blonde, un autre membre de l’équipe canadienne, qui ne vit pas très loin avec une coéquipière. Il fait une grosse épicerie toutes les deux semaines, et c’est à peu près tout.

Le reste du temps, il fait de l’introspection. « Je suis presque né pour la quarantaine !, lance Barrette, mi-blagueur. J’aime être dans mes choses, à la maison. J’aime aussi être avec les gens, mais j’ai besoin de temps seul. J’en profite donc pour me ressourcer. »

« Je prends du temps pour réfléchir où j’en suis dans ma carrière, dans ma vie, enchaîne-t-il. Pour voir où je m’en vais aussi. Il y a les Jeux olympiques, mais après, qu’est-ce qui se passe ? C’est un bon moment pour songer à tout ça. Je m’assois littéralement sur le divan. Je peux être des heures à penser juste à ça ! »

Le natif des Îles-de-la-Madeleine s’estime chanceux de pouvoir vivre cette « période de calme total » en toute sérénité.

D’une part, il peut poursuivre l’entraînement de façon quasi normale, même si le vélodrome est fermé. « Au moins, on n’est pas pris comme la natation, qui est probablement dans le pire scénario, ou des sports comme ça. Quand je pense à Antoine Valois-Fortier et au judo… Tu n’as pas le choix d’être assez proche de l’autre personne. »

D’autre part, la saison sur piste venait de se terminer quand la moitié de la planète s’est encabanée à partir de la mi-mars. 

Ce n’est pas la fête, mais on est probablement le sport d’été qui est dans la meilleure situation.

Hugo Barrette, cycliste

Après quelques jours d’incertitude à la suite du report des Jeux olympiques de Tokyo, Barrette a eu la confirmation que les deux quotas de qualification obtenus par le Canada dans les épreuves qui le concernent, le keirin et le sprint individuel, seraient maintenus.

Privé de Championnats du monde après une contre-performance à la dernière Coupe du monde de Milton, à la fin de janvier, il admet qu’il a eu chaud.

Début septembre, il s’est fracturé l’omoplate gauche après une chute à l’ouverture des Championnats panaméricains, en Bolivie, où il visait un deuxième titre de suite au keirin et au sprint.

Le Québécois a mis les bouchées doubles pour revenir moins de trois mois plus tard à la Coupe du monde de Hong Kong. Après un passage par la Nouvelle-Zélande et l’Australie, il n’avait plus d’énergie pour l’étape canadienne.

« Ça a été fou raide de réussir à revenir sur pied et performer aux premières Coupes du monde de l’année. En me présentant à Milton, j’étais juste drainé. À vrai dire, c’est probablement l’une de mes pires performances [à vie]. Je n’avais plus rien. »

Heureusement pour lui, les résultats aux Mondiaux n’ont pas réduit les quotas canadiens.

Dans les circonstances, Barrette a bien accepté le report d’un an des JO des Tokyo. D’autant qu’il avait eu à surmonter une grave blessure à la tête quelques mois avant sa première participation à Rio, en 2016.

J’aurais eu assez de temps pour faire une bonne performance, mais est-ce que ça aurait été assez pour faire une performance olympique ? On ne le saura jamais.

Hugo Barrette, cycliste

« En ce moment, c’est un peu comme un second souffle. Je le vois vraiment comme une chance et je vais la prendre. »

Barrette avait déjà prévu de poursuivre sa carrière après 2020. L’ouverture d’un nouveau vélodrome couvert à Bromont, prévue dans un an, représente un attrait majeur pour celui qui a dû s’exiler à Los Angeles et à Milton depuis ses débuts.

Sa copine, l’Albertaine Kelsey Mitchell, quatrième en sprint aux Mondiaux, est vouée à un brillant avenir dans un sport qu’elle découvre à peine. « Ça fait aussi partie de l’équation. C’est inspirant et motivant, et je veux aussi progresser autant qu’elle. »