Carl Lewis, légende de la piste, n'est pas tendre pour son sport et pour ses successeurs de l'équipe américaine: selon lui, l'athlétisme est tout simplement en train de mourir, et ses compatriotes ne triompheront pas aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro.

«King Carl» n'est pas encore rentré complètement dans le costume d'ambassadeur de la candidature de Los Angeles à l'organisation des JO de 2024.

À cinq mois des JO de Rio, alors que le Comité olympique américain réunit cette semaine à Los Angeles ses principales chances de médaille à Rio, il a livré un état des lieux peu reluisant et dénué de tout patriotisme.

«Notre sport est en train de mourir. Quand Michael Johnson, moi-même, Jackie Joyner-Kersee et Edwin Moses avons pris notre retraite, l'athlétisme était au sommet», a-t-il rappelé, quelques instants après avoir participé au lancement officiel de la commission des athlètes de Los Angeles 2024, dont il est l'une des figures de proue.

«Depuis, son déclin est régulier: tout le monde dit que ce sport va bien, mais il faut se souvenir que pour les Mondiaux de Rome (en 1987) ou d'Helsinki (en 1983), il y avait 60 000 spectateurs dans les tribunes», a poursuivi le nonuple champion olympique.

La formation pointée du doigt

«Maintenant, il y a 25 000 personnes pour des Mondiaux, 60% des meetings au calendrier il y a 20 ans ont disparu et les commanditaires sont partis», a-t-il martelé.

À portée d'oreille des dirigeants du mouvement olympique américain, dans un grand hôtel de Los Angeles, Lewis prédit même une campagne décevante pour l'athlétisme américain dans les épreuves masculines des JO de Rio.

«Regardez ce qu'il s'est passé lors des Mondiaux 2015 (de Pékin), on n'a quasiment rien gagné chez les messieurs», a regretté celui qui a remporté huit titres mondiaux et un total de 10 médailles en quatre Championnats du monde, en référence aux quatre titres américains décrochés en Chine, dont un seul en sprint (4 x 400 m).

Un échec qui, selon lui, a pour origine le manque de qualification et de formation des entraîneurs dans les écoles et les collèges.

«Quand je vois des jeunes athlètes dans les compétitions universitaires, il y aurait tant de choses à changer dans leur façon de courir. L'entraînement (les premières années) n'est pas du tout ce qu'il devrait être», a-t-il regretté.

La longueur? «Affreux, pathétique»

Mais ce qui désole encore plus Lewis, c'est le niveau actuel de sa discipline de prédilection, le saut en longueur, sur laquelle il a régné sans partage au niveau olympique de 1984 à 1996.

«C'est la discipline qui est dans le pire état au niveau mondial, c'est affreux», a-t-il asséné.

«Avec son record personnel datant d'il y a 80 ans, Jesse Owens aurait été troisième du concours des Jeux olympiques de Londres en 2012», a-t-il noté, en référence à son illustre prédécesseur, vainqueur de quatre titres olympiques à Berlin en 1936.

«Est ce que vous voulez vraiment voir des concours gagnés avec des sauts à 26 pieds (7,92 m)? Ils ne savent pas sauter, mais comme ils gagnent quand même, ils n'essaient pas de s'améliorer. À mon époque, quand je sautais 26 pieds, je demandais à ce qu'il ne soit pas mesuré», a-t-il fulminé.

À Londres, lors des JO de 2012, le Britannique Greg Rutherford a remporté le titre olympique avec un saut de 8,31 m, très loin du record du monde de l'Américain Mike Powell (8,95 m) établi en 1991 lors d'un duel épique avec Lewis durant les Mondiaux de 1991.

«Mike et moi, nous sautions régulièrement à 28 pieds (8,53 m, NDLR). La génération actuelle? Rutherford? Je suis désolé mais c'est pathétique, il ne devrait pas gagner comme cela», a conclu le roi des JO de 1984 de Los Angeles.