Peu après la victoire des Rangers du Texas sur les Astros de Houston – et leur qualification pour la Série mondiale –, leur voltigeur Adolis García, auteur du circuit gagnant, y est allé de 29 emojis « Chut ! » sur X.

Ce pied de nez aux partisans des Astros – qui l’avaient copieusement hué durant les trois derniers matchs – a vite fait réagir les partisans des Rangers. Des journalistes sportifs ont relayé le message et des centaines d’autres observations sur la victoire des Rangers ont suivi.

Depuis qu’Elon Musk a racheté Twitter l’an dernier, de nombreux utilisateurs ont abandonné la plateforme, poussés par plusieurs changements impopulaires. Certains disent qu’elle agonise.

Mais de même que de nombreux foyers ont conservé le câble pour regarder les matchs, les amateurs et les journalistes sportifs tiennent toujours à X, qui demeure la référence pour l’info en direct et les opinions à chaud sur les décisions des entraîneurs et des arbitres.

Communautés et amitiés virtuelles

Pour certains journalistes, abandonner des milliers d’abonnés et repartir à zéro ailleurs était inconcevable. De nombreux amateurs ne voulaient pas quitter des groupes où de véritables amitiés se sont nouées entre parfaits inconnus. Certaines facettes de X ont changé, mais le réseau fonctionne essentiellement comme avant pour suivre les résultats et regarder les faits saillants.

Selon Lisa Delpy Neirotti, chargée de cours en gestion du sport à l’Université George Washington, les amateurs ont plusieurs sources pour une couverture approfondie, mais l’instantanéité de X en fait le média idéal pour suivre le pointage des matchs et les nouvelles sportives de dernière minute.

« Si un entraîneur est viré ou si un joueur est échangé, boum, je regarde mon fil Twitter. »

PHOTO JIM WILSON, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

L’oiseau bleu de Twitter sur la façade du siège social à San Francisco, au début de 2023. Elon Musk, nouveau propriétaire de la plateforme, a remplacé le symbole familier par un X, l’un des nombreux changements qui ont aliéné les utilisateurs de longue date.

Mais il y a plus que le sport. Beaucoup continuent à utiliser X pour suivre et commenter la politique, la culture et d’autres sujets. Mais les amateurs de sport demeurent les utilisateurs les plus fidèles, représentant environ 42 % de l’auditoire, selon les chiffres de X (qui n’a pas répondu aux demandes d’entrevue).

Pourquoi changer si on est satisfait ? Les gens ont leurs habitudes, ils ne s’en iront pas s’ils continuent à obtenir le contenu qu’ils recherchent.

Lisa Delpy Neirotti, chargée de cours en gestion du sport à l’Université George Washington

Par ailleurs, le Twitter des sports survit au tumulte de l’ère Musk parce que les nouveaux concurrents plaisent moins aux amateurs de sport. Threads, de Meta, affiche les messages au moyen d’un algorithme plutôt qu’en temps réel : les évènements en direct sont plus difficiles à suivre. Bluesky, financée par le fondateur de Twitter, Jack Dorsey, affiche les messages dans l’ordre chronologique inverse, mais l’application reste accessible sur invitation et est moins active que Twitter.

Kennedi Landry, 25 ans, qui couvre les Rangers pour MLB.com, remarque que certaines personnes qu’elle suivait ont quitté X depuis un an. « Mais je crois que l’interaction avec l’auditoire demeure, pour l’essentiel, positive. »

Mme Landry utilise X pour interagir avec ses lecteurs, pour partager ses articles et pour couvrir les matchs en direct. « Il fonctionne et mes contacts avec les lecteurs me semblent encore productifs, alors je ne ressens pas le besoin pour l’instant de faire une transition complète. »

Josiah Johnson, animateur de Gil’s Arena, balado sur la NBA, dit que son fil d’actualités est resté intact malgré les bouleversements sur X. Il vient de s’inscrire à Threads, pour voir, mais avec 260 000 abonnés sur X, partir n’est pas facile.

« Ce serait dur de m’en aller et d’abandonner tout le travail que j’ai fait », a-t-il déclaré.

Pour moi, c’est Twitter. C’est comme ça. Je vais rester, quoi qu’il arrive.

Josiah Johnson, animateur de Gil’s Arena, balado sur la NBA

Au sein de la Twittersphère sportive, il existe de petites communautés où sont publiés des messages sur une équipe ou un sport spécifique. Il y a le Twitter du tennis, de la F1 et des Yankees. Et pour Shannon Enty, de Colleyville, au Texas, il y a le Twitter des Rangers.

Mme Enty s’est inscrite sur Twitter en 2009 ou 2010 pour suivre les animateurs de Ticket, une station de radio sportive de Dallas. Comme elle y suit aussi les Rangers, elle s’est mise à publier des messages sur l’équipe.

Au début, elle avait l’impression d’envoyer ses messages dans le néant.

Puis, quand plus de gens se sont inscrits, Mme Enty a vu une communauté se former. Peu à peu, elle s’est liée d’amitié avec certains partisans des Rangers, et en a même rencontré quelques-uns en personne.

Amis grâce au Twitter des sports

« Au départ, je suis entrée en contact avec tous ces gens sur le Twitter des Rangers, explique-t-elle. C’est drôle quand on y pense aujourd’hui : nous sommes devenus de bons amis. »

Mme Enty a remarqué que certaines personnes qu’elle suivait avaient quitté X récemment. « Mais ces gens ne sont pas des sportifs. Les sportifs sont restés. »

Mais certains amateurs sont partis. Casie LaBella, 49 ans, née à Chicago et vivant à Seattle, utilisait Twitter pour suivre l’actualité des Bears et des Cubs : « C’était comme si une quatrième personne de notre famille regardait les matchs : mon mari, mon fils, moi et mon téléphone. »

Mais après l’arrivée de Musk, Mme LaBella s’est inquiétée de la sécurité sur X. Elle est partie au printemps et a été l’une des premières à adopter Threads, dès son lancement en juillet. Mme LaBella dit qu’elle aime Threads, mais que ce n’est pas la même chose que l’ancien Twitter.

« Les humains veulent se connecter à d’autres humains, et je pense que Twitter avant Musk était très intéressant pour ça, a-t-elle déclaré. « Ça nous aidait à nous connecter, même si c’était juste en ligne. »

Cet article a d’abord été publié dans le New York Times.

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