La plus belle portion d’un cauchemar est probablement le moment du réveil. Une des plus belles finalités qui soient. Après une longue nuit qui aura duré plus de deux ans, Pamela Ware s’est enfin réveillée.

Tout le monde a vu sa tentative de saut ratée en demi-finale de l’épreuve du 3 m aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021. Au bout du tremplin, la Québécoise a craqué. À la fin de son programme, au lieu de se propulser dans les airs, elle s’est jetée à l’eau. Les pieds devant, le corps crispé, le rêve brisé.

« Je ne savais pas si j’allais replonger, parce que ma confiance était à zéro. J’ai dû tout rebâtir et ça n’a vraiment pas été facile. Ça m’a pris un an à me retrouver », se rappelle la plongeuse en entrevue dans les bureaux de La Presse.

Mais Ware plonge à nouveau. Plus important, elle gagne à nouveau. Elle est revenue des Jeux panaméricains de Santiago avec trois médailles dans ses bagages. Lundi, ses deux médailles d’or et sa médaille d’argent étaient enroulées dans son sac à main.

Aussi magnifiques qu’uniques, ces médailles resteront à jamais le souvenir d’une époque révolue. « J’ai retrouvé l’amour pour le plongeon », dit-elle en frottant ses médailles déposées sur la table.

Rapidement, dans la conversation, son échec des Jeux a été mentionné. Elle y a fait allusion elle-même. Par habitude ou par crainte de se le faire rappeler. Depuis deux ans, elle est présentée comme la plongeuse ayant échoué aux Jeux olympiques.

« Je suis tannée », précise-t-elle.

Mais ça fait maintenant partie d’elle. Et cette parenthèse aux allures de paragraphe dans une carrière dont elle peut être fière fera toujours partie de son parcours. Elle ne peut pas le renier. « C’est arrivé et je ne peux pas le changer. Je suis passée à travers. »

Même si elle est devenue la plongeuse aux trois médailles et qu’elle est en plein cœur de la meilleure saison de sa vie, à 30 ans, qui plus est, elle « ne pense pas que ça va prendre les devants ». « Pour le reste de ma carrière, les gens vont parler de ça, et c’est correct. »

À ses yeux, même si ces médailles représentent tout l’or du monde, « c’est petit comparativement à quelqu’un qui tombe dans l’eau aux Olympiques ».

Repartir à zéro

« Proche. Très proche », répond Ware lorsqu’on lui demande à quel point elle est passée près de tout arrêter après son fiasco olympique.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

« Quand je montais sur le tremplin, je retournais directement à Tokyo. J’étais incapable de penser à autre chose. Pendant un an, sur le tremplin, je tremblais, j’avais envie de pleurer et j’avais des flashbacks de Tokyo. Je me disais que j’allais tomber dans l’eau. »

Les mois après les Jeux ont été pénibles. Saturés de doutes et de remises en question. Pas tant sur ses habiletés ou sa capacité à plonger, mais davantage sur son désir de renouer avec sa passion.

« Je ne pensais pas que j’allais pouvoir passer à autre chose. Je n’aimais plus la piscine, je n’aimais plus mon sport », évoque-t-elle.

L’évènement a été si frappant, si fort qu’elle en a été traumatisée. Chaque fois qu’elle remontait sur le tremplin dans un cadre compétitif, elle repensait à sa chute à Tokyo. Comme un flashback. Comme Scottie Ferguson dans le monumental Vertigo d’Alfred Hitchock, un policier apeuré par les hauteurs après une lourde chute.

Quand je montais sur le tremplin, je retournais directement à Tokyo. J’étais incapable de penser à autre chose. Pendant un an, sur le tremplin, je tremblais, j’avais envie de pleurer et j’avais des flashbacks de Tokyo. Je me disais que j’allais tomber dans l’eau.

Pamela Ware

Incapable d’expliquer comment elle y est parvenue, elle a finalement pu chasser ses pensées sombres. Sur le tremplin, dorénavant, elle voit plus clair. Elle ne pense à rien. Mais elle se sait plus heureuse. « J’embarque sur le tremplin et je souris. Je ne sais même pas la dernière fois que j’y ai repensé. »

Chose certaine, elle a relevé avec brio le défi qu’elle s’était lancé : ne pas abandonner.

« Avec ce qui est arrivé, je ne voulais pas finir comme ça. J’ai donc continué et je pense que c’était la meilleure décision de ma vie », raconte l’athlète de Greenfield Park.

Loin des projecteurs, elle s’est refaite. Elle est repartie de zéro, pour se faire oublier, le temps de tout oublier, justement.

Et lorsqu’elle est revenue aux Championnats du monde de Fukuoka, en juillet, les autres athlètes étaient pour le moins étonnés : « Oh, tu es encore là », lui ont dit certaines rivales.

À 30 ans, elle commençait la nouvelle phase de sa carrière avec une médaille de bronze à l’épreuve du 3 m. « Je sens que je suis à mon sommet. Je ne me suis jamais mieux sentie sur un tremplin. »

Retour heureux

Avec sa tenue aux Panams, personne ne peut douter de la volonté de Ware d’aller chercher, finalement, sa médaille aux prochains Jeux olympiques.

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Au Chili, elle a mérité l’or au 1 m, l’or au 3 m et l’argent au 3 m synchronisé avec sa coéquipière Mia Vallée.

À quelques mois de Paris, elle fait assurément partie des prétendantes les plus sérieuses.

Au Chili, elle a mérité l’or au 1 m, l’or au 3 m et l’argent au 3 m synchronisé avec sa coéquipière Mia Vallée.

Plonger en octobre est inhabituel. Ses repères ont été ébranlés et sa préparation était loin d’êtres optimale. « En arrivant là-bas, je ne me sentais pas prête, pas nécessairement bien, mais mon entraîneur m’a dit que même quand je ne me sens pas bien, je plonge bien. »

Elle aurait bien aimé réussir le tour du chapeau. « Il y a une de ces médailles dont je ne suis pas vraiment contente », souligne-t-elle au sujet de celle d’argent. Et elle prend la responsabilité de cette contre-performance d’équipe, si elle en est une.

Mais c’est difficile de demander la lune lorsqu’il y a quelques mois à peine, elle ne voyait même plus la lumière.

Le soleil s’est levé à nouveau et elle porte deux de ses éclats autour du cou. Fière et libérée d’un fardeau qui sera quand même toujours le sien. Mais elle n’aura plus besoin de s’expliquer, car ses médailles parlent d’elles-mêmes.