La rubrique où les journalistes de l’équipe des Sports répondent à une question dans le plaisir

Mathias Brunet

Au risque de passer pour chauvin, la rivalité Canadien-Nordiques demeure incontournable à mes yeux. Non seulement elle a animé mon adolescence, à une époque où j’écrivais des articles pour moi-même en rêvant un jour de couvrir des matchs pour La Presse, mais elle comporte trop de tentacules pour l’ignorer. C’était une rivalité entre deux clubs, les rouges et les bleus, mais aussi une guerre de brasseries, Molson chez les rouges, et O’Keefe chez les bleus, qui se battaient pour le marché de la bière au Québec ; une rivalité entre deux villes, Québec et Montréal, la première voulant prouver à la seconde qu’elle avait la dimension de la seconde et qu’elle pouvait aussi jouer dans les grandes ligues ; une rivalité politique, dans une grande période d’effervescence identitaire nationaliste avec, paradoxalement, un propriétaire à Québec, Marcel Aubut, ardent fédéraliste, qui jouait pourtant sur la fibre nationaliste de ses fans ; et enfin, une rivalité linguistique, entre les francophones qui voulaient se servir du symbole sportif pour achever leur émancipation et qui ont réussi d’ailleurs, sous la pression des Nordiques, en chassant l’élite anglophone à la tête du Canadien pour la remplacer par Ronald Corey et Serge Savard à compter de 1982.

Simon-Olivier Lorange

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

P. K. Subban et Milan Lucic lors d’un match entre le Canadien et les Bruins en 2014

Après que les deux équipes se furent tapochées dans un match hors concours, on s’est fait croire, il y a quelques jours, qu’une rivalité animait le Canadien et les Sénateurs d’Ottawa. Aussi, chaque fois que le CH affronte les Maple Leafs de Toronto, on entend les clichés d’usage sur l’unicité des chocs du samedi soir. Tout cela est bien gentil, mais aucun de ces cas de figure n’arrive, selon moi, à la cheville de la rivalité entre la Flanelle et les Bruins de Boston. Puisque les deux organisations sont à des étapes opposées de leur développement, l’animosité ambiante est actuellement en veilleuse. Mais on sent qu’une étincelle suffirait à faire exploser la poudrière. Les six duels en séries éliminatoires dans les années 2000 ont évidemment contribué à cette situation, sans compter les affrontements personnalisés : McLaren-Zednik, Pacioretty-Chara, Marchand-Subban, le doigt d’honneur d’Andrew Ference… Même Tim Thomas et Carey Price en sont venus aux coups ! Qui, au Québec, déteste sincèrement les Sénateurs ? Très bien. Et les Bruins ? Voilà.

Alexandre Pratt

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Sidney Crosby célèbre son but gagnant contre les États-Unis aux Jeux olympiques de Vancouver en 2010.

Canada–États–Unis, au hockey. Autant chez les hommes que chez les femmes. Depuis l’an 2000, cette rivalité nous a donné quatre finales au Championnat mondial junior et sept finales olympiques. Les buts en or de Sidney Crosby, aux Jeux de Vancouver, et de Marie-Philip Poulin, aux Jeux de Sotchi, ont marqué les esprits. J’ai aussi un vif souvenir de la finale du Championnat junior de 2017, disputée à Montréal. Thomas Chabot avait joué 44 minutes dans une défaite des Canadiens en tirs de barrage. Un des meilleurs matchs auxquels j’ai assisté en personne.

Jean-François Téotonio

PHOTO SERGIO PEREZ, ARCHIVES REUTERS

Lionel Messi, du FC Barcelone, et Cristiano Ronaldo, du Real Madrid, lors d’un match entre les deux équipes en 2017

Il n’y a qu’une seule réponse possible. Je suis même surpris qu’on se pose la question. La meilleure rivalité du sport professionnel, c’est celle qui oppose le Real Madrid au FC Barcelone. Sportivement, les clasicos sont toujours de grands spectacles. La tension est à son comble, dans les gradins comme sur le terrain. Parce que gagner un clasico, c’est presque comme mettre la main sur un trophée. Madrid a gagné 102 matchs officiels. Barcelone, 100. Un Madrid-Barça implique aussi un clash de philosophies sportives. Et ça n’a jamais été plus vrai que lors des années opposant le Madrid de José Mourinho au Barça de Pep Guardiola, entre 2010 et 2013. Du côté madrilène, le pragmatisme de Mourinho. Du côté catalan, le tiki-taka de Guardiola. En plus de mettre en scène Cristiano Ronaldo contre Lionel Messi, les deux dans la fleur de l’âge. Et tout ça, c’est sans parler du contexte sociopolitique qui oppose les deux clubs. Le Real Madrid, c’est le nationalisme espagnol. Le FC Barcelone représente à bien des égards l’identité catalane, ainsi que son mouvement souverainiste. D’où la devise Més que un club – plus qu’un club, en catalan. Les deux clubs sont parmi les plus riches au monde. Ce sont les deux équipes sportives les plus suivies sur les réseaux sociaux à l’international. C’est tout ça, et bien plus, qui est dans l’air lorsque les deux s’affrontent. Ça tombe bien, il y aura un clasico bientôt : le 29 octobre, au Camp Nou du Barça.

Jean-François Tremblay

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Lars Eller (81), du Canadien, gît sur la glace après une mise en échec d’Eric Gryba (62), des Sénateurs, en 2013.

On l’oublie, mais il fut un temps où un match entre les Sénateurs d’Ottawa et le Canadien de Montréal provoquait plus qu’un haussement d’épaules. Bien sûr que cette rivalité n’enlèvera jamais rien à celles avec les Bruins ou les Nordiques, mais entre 2013 et 2015, ça brassait le long de la 417. On se rappelle Lars Eller laissé dans une mare de son sang par une mise en échec à la tête d’Eric Gryba en séries en 2013. Puis l’entraîneur des Sénateurs Paul MacLean qui avait accusé Raphael Diaz pour sa passe suicide en sortie de zone. Puis Brandon Prust qui avait qualifié MacLean de « gros morse aux yeux globuleux » avant de souhaiter que Gryba ne soit pas suspendu, certainement pour régler lui-même le dossier. Avec cette lente évolution vers le coup de hache de P. K. Subban sur le poignet de Mark Stone en 2015, toujours en séries. Les bons temps pour tout le monde, sauf évidemment pour Mark Stone et Lars Eller.

Richard Labbé

PHOTO DENIS COURVILLE, ARCHIVES LA PRESSE

Un match de soccer intérieur opposant l’Impact de Montréal au Crunch de Cleveland en 1999

Bien sûr, je pourrais répondre par quelques classiques, comme Cowboys-Steelers, Canadien-Nordiques ou encore Cowboys-Niners, autant de rivalités qui ont déjà su meubler mon quotidien. Mais de toutes les rivalités, aucune n’a été aussi féroce que celle qui a opposé l’Impact de Montréal au Crunch de Cleveland dans l’univers du soccer intérieur. À titre d’expert en soccer intérieur – la forme la plus pure du soccer, comme le savent les puristes –, j’ai été témoin de ces batailles classiques sur le tapis sacré du Centre Molson, au tournant des années 2000. Combien de ces matchs se sont terminés en larmes, et dans les deux chiffres au tableau, au beau milieu de savants buts de trois points ou de ballons bondissant sur les bandes, devant des centaines de partisans ahuris devant l’immensité de cette rivalité qui n’a rien laissé sur le terrain ? Entre autres, personne n’a oublié les séries de la saison 1999-2000, où le Crunch, galvanisé par l’émotion, a pu éliminer l’Impact par deux victoires de 21-7 et 21-11. De l’émotion aussi pure et brute, on ne reverra plus jamais ça.

Appel à tous

Selon vous, quelle est ou quelle a été la meilleure rivalité dans le monde du sport et pourquoi ?

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