(Mont-Tremblant) Il y a eu les terreurs nocturnes, puis l’anxiété extrême. Sont ensuite apparues les pensées suicidaires, qui ont mené à l’automutilation. Au bout de 19 ans de souffrance, Esthéban Archambault a trouvé en 2021 le remède qui lui permet de tenir tête à ses démons : l’entraînement.

Vendredi après-midi, Esthéban Archambault nous rejoint sur la terrasse du centre média, tout près de la ligne d’arrivée. Il affiche le sourire chaleureux d’un athlète qui attend ce week-end depuis un bon moment. Il est d’ailleurs un des rares à prendre part aux deux épreuves de la fin de semaine : le triathlon 5150 du samedi et l’Ironman 70,3 du dimanche.

« En fin de semaine, c’est un entraînement », nous fait-il savoir en précisant qu’il est en pleine préparation en vue de son premier Ironman complet, à la fin d’août. Rien que ça !

Mais qu’est-ce qui peut donc inciter un jeune homme de 21 ans à pousser ainsi son corps ? Pour répondre à cette question, il faut faire un saut dans le temps de… 20 ans.

Esthéban Archambault n’a pas de souvenirs de ses terreurs nocturnes, alors qu’il n’était qu’un bébé. « Je me levais la nuit et je faisais de l’angoisse », résume-t-il. C’est ce que ses parents lui ont raconté.

Au fil des années, cette anxiété a empiré. Considérablement.

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Esthéban au départ du 5150, samedi matin, avec 1,5 km de natation

« En troisième année, je n’étais pas capable de dormir dans mon lit, relate-t-il. Du jour au lendemain, je ne voulais plus. »

Encore à ce jour, Esthéban ignore l’élément déclencheur derrière cette anxiété profonde. Il croit que tout a commencé après qu’il a regardé un film de zombies avec son frère.

« C’est vraiment stupide, dit-il en riant. Mais je voyais des zombies partout. C’étaient vraiment des grosses crises pendant trois mois. […] Je pensais à si la porte était barrée. Je me levais pour aller barrer la porte. Personne ne devait dormir avant moi, sinon ça me stressait. C’était comme une course pour dormir. »

Du haut de ses 8 ans, le petit Esthéban souffrait, même s’il était entouré d’une famille aimante.

La noirceur

Les années ont passé et, une fois au secondaire, le jeune homme s’est mis à flotter dans une noirceur abyssale et insoutenable. Les pensées suicidaires ont commencé, puis l’automutilation.

« J’étais tanné de faire de l’angoisse. Je me demandais à quoi ça servait de vivre. J’avais zéro fun. Ça ne valait pas la peine de vivre pour ça, il n’y avait aucun avantage », explique-t-il sans détour.

Au fil des années, les parents d’Esthéban l’ont amené consulter tous les spécialistes possibles et imaginables, sans jamais trouver d’antidote à ses maux.

« Mes parents ont été A1 tout le long, insiste-t-il à deux reprises pendant notre entretien. […] C’était un mal de vivre, littéralement. C’est une malédiction, le sceau maudit. »

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Après 40 km de vélo, on passe à la course à pied.

Le natif du village de Saint-Rémi-d’Amherst a bien essayé les médicaments, sans succès. Il se sentait constamment comme à un lendemain de veille, comme si son cerveau était « dans la mélasse », illustre-t-il, ce qui nuisait à ses études.

« J’étais à bout encore, mais je trouvais que ça ne servait à rien. Un robot, littéralement. »

Esthéban n’a jamais fait de tentative de suicide, mais « ç’a passé proche ». Souvent. Jusqu’au jour où, après une première année pandémique difficile mentalement, il a commencé à courir. Puis à nager. Il s’est d’ailleurs trouvé un emploi comme sauveteur. Ses entraînements le fatiguaient suffisamment pour lui permettre de dormir le soir ; c’est ce dont il avait besoin.

« C’est vraiment à partir de là que j’ai fait un comeback dans ma vie. […] Je suis passé de ne rien faire, sur le bord de péter bientôt dangereusement, à faire du sport, trouver un emploi. »

Un beau jour, alors qu’il surveillait la piscine, son regard a été attiré par le logo de Tri-Action Mont-Tremblant. En novembre 2021, il commençait à s’entraîner pour un premier triathlon avec l’aide d’un entraîneur, Gilbert Ayoub.

Toute sa vie

Aujourd’hui, Esthéban vit encore avec son anxiété ; elle sera sans doute toujours là. Certains moments sont plus difficiles que d’autres. Mais ultimement, il a trouvé son propre remède. S’entraîner lui permet de « déjouer » son cerveau.

« Tout ça, c’est juste une fausse impression de la vie. Ça me surprendrait que quelqu’un là-bas pense ça de la vie, dit-il en pointant les touristes. C’est moi qui pense ça. »

Celui qui étudie maintenant en denturologie a complété l’année dernière son premier demi-Ironman en 5 h 55 min. Et le voilà qui se lance dans un Ironman complet en août prochain.

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Esthéban en voie de compléter les 10 km de course

Mon but, ce serait d’être dans l’équipe canadienne, faire des sprints, des 5150 dans le tapis. Faire des podiums pour Triathlon Québec, j’aimerais ben ça.

Esthéban Archambault

Esthéban n’y va pas par quatre chemins : il aura besoin de se surpasser physiquement toute sa vie pour réussir à vaincre ses démons.

« Un esprit sain dans un corps sain. Let’s go, on y va. »

Besoin d’aide ?

Si vous avez besoin de soutien, si vous avez des idées suicidaires ou si vous êtes inquiet pour un de vos proches, appelez le 1 866 APPELLE (1 866 277-3553). Un intervenant en prévention du suicide est disponible pour vous 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Consultez le site de l’Association québécoise de prévention du suicide
Consultez le site de Suicide Action Montréal