Sasha Ghavami est devenu une sommité dans le milieu sportif en matière de représentation d’athlètes. Sa carrière a cependant pris une tournure inattendue lorsqu’il a décidé de se lancer en affaires avec sa mère. Cinq ans plus tard, il partage sa mère avec plus d’une centaine de jeunes rêveurs.

Ghavami nous avait donné rendez-vous au Toi, Moi & Café à Rosemère, sur le boulevard Curé-Labelle, mercredi dernier. L’endroit était bondé de jeunes travailleurs. Les fils de chargeurs d’ordinateurs portables serpentaient entre les tasses et les assiettes sur presque toutes les tables. Les rayons du soleil se faufilaient entre les stores en bois et les strates de lumière s’affaissaient dans le restaurant comme dans un diner du Vermont.

Hoda est arrivée la première. En se dirigeant vers le fond du restaurant en tentant de s’accrocher à un regard, elle arrive finalement à l’avant-dernière table. « C’est vous ? », dit-elle avant de pousser un rire sans retenue comme il y en aura des dizaines au cours du repas.

En attendant son fils, comme la plupart des mères, elle parle de ses exploits. Dit combien elle est fière de lui. « Sasha n’est pas capable d’accepter un non. C’est pour ça qu’il est là où il est rendu. Il est toujours occupé. »

En parlant du loup, sa progéniture se pointe quelques minutes plus tard avec un polo blanc bien mis et sa mallette.

Notre photographe Hugo-Sébastien les attendait sur la terrasse pour une séance photo. La chimie est palpable et leurs regards ne mentent pas.

Si leur entreprise VA-AS recrutement universitaire fonctionne si bien depuis cinq ans, c’est principalement grâce à cette connexion. Le duo n’est pas seulement complémentaire. Il est aussi compatible.

Depuis mai 2018, Hoda et Sasha ont aidé plus d’une centaine de jeunes à obtenir une place dans des universités ou des collèges préparatoires, aux États-Unis et au Canada, pour poursuivre leurs études tout en pratiquant un sport de haut niveau. Vingt-six de leurs athlètes ont été placés à l’université. Vingt-cinq dans les collèges. L’autre moitié n’a simplement pas encore l’âge requis pour être placée officiellement.

La matriarche s’y connaissait brièvement en la matière, parce que son autre fils, le frère de Sasha, avait déjà fait les démarches il y a une dizaine d’années pour poursuivre sa carrière de tennis dans les rangs universitaires.

Comme elle a aidé mon frère, il y a d’autres parents de notre entourage qui lui ont demandé de les aider à naviguer dans le processus.

Sasha Ghavami, à propos de sa mère

Aujourd’hui, leur mission est d’aider les étudiants athlètes et leur famille dans leur processus de placement universitaire. Leur mandat auprès d’un jeune prend fin lorsqu’il entre finalement à l’université. En tel cas, c’est mission accomplie.

Ghavami a déjà sa propre agence avec laquelle il gère la carrière de joueurs de la NFL et de la LCF. Ces deux projets sont complètement distincts.

Pour le recrutement universitaire, « c’est [sa] mère qui runne le show », dit-il en se reculant et en mettant ses mains en l’air, comme pour s’en laver. « Moi, je suis là en appui, j’aide. On se répartit les tâches. »

Jamais de temps morts

Une mère, ça travaille à temps plein. À l’occasion de la fête des Mères, plusieurs sont en mesure de le réaliser. Lynda Lemay ne s’était pas trompée.

Puisque Hoda et son fils s’occupent de joueurs de hockey, de football, de tennis, de golf et de soccer, entre autres, les périodes de répit sont rares.

« Je dis toujours que c’est ma troisième carrière et c’est de loin la meilleure, raconte-t-elle avec son charmant accent anglais. Oh, mon Dieu, c’est quelque chose ! J’ai l’honneur de suivre des jeunes qui m’impressionnent. Ils travaillent fort, ils sont persévérants. On a de beaux athlètes au Québec. Même s’ils ne deviendront peut-être pas tous des athlètes professionnels, ce qu’on vit avec eux, ce sont les plus belles années de leur vie. »

Dorénavant, son téléphone n’arrête jamais de sonner. Quand ce n’est pas un athlète qui lui écrit pour lui annoncer son dernier bon résultat, c’est l’entraîneur d’une université américaine qui l’appelle pour connaître le profil d’un éventuel espoir.

Ghavami continue de lancer des fleurs à celle qui lui a donné la vie il y a 31 ans : « Je trouve ça extraordinaire. Au début, elle n’était pas habituée au monde du sport. Mais ma mère, c’est une mère. Une vraie mère. Donc quand on a des jeunes qui embarquent, elle les traite comme ses enfants. »

L’idée de créer un lien avec les athlètes et leur famille est essentielle. C’est même fondamental pour Hoda, qui refuse de se faire vouvoyer. L’impression d’avoir une famille de plus en plus élargie la garde bien vivante et surtout plus jeune. Elle a l’impression d’être une mère au pluriel.

« Quand on a des clients, ça peut être cliché, mais ils deviennent membres de la famille. Donc c’est impossible que je laisse un jeune tomber. Je deviendrais folle. S’il met tous les efforts, je dois l’aider. »

Fiston se souvient avec nostalgie de leurs débuts. Avec du recul, il ne peut qu’être ravi d’avoir eu l’audace d’impliquer sa mère dans l’aventure. « Elle a tellement progressé avec le temps et ça me rend très fier. Elle est embarquée dans le projet sans savoir si on allait avoir un seul client, et après cinq ans, ça va super bien. »

Le duo parfait

Si les histoires de réussite de père en fils ou de mère en fille font souvent la manchette, celles de mère et fils sont plus inhabituelles. Pourtant, aucun des deux ne semble s’en soucier outre mesure. Pour eux, la recette fonctionne. Et c’est l’essentiel.

« Même s’il y a des désaccords… c’est mon fils. Il n’y a rien de plus fort que ça. Qu’est-ce que tu veux que je te dise ! »

Hoda assure que son fils et elle finissent toujours par trouver un terrain d’entente, mais cette faculté de parfois exprimer ses idées et ses opinions librement, même si elles sont contraires, est nécessaire au succès du duo. « On est capables de se dire non, mais on travaille bien ensemble, parce qu’on ne va jamais prendre de décision sans se consulter », précise l’agent.

La serveuse interrompt la conversation pour prendre les commandes. Un wrap pour Hoda et un simple latté décaféiné pour Sasha.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Sasha Ghavami et sa mère gèrent ensemble une compagnie de conseils pour les athlètes étudiants.

Il y a une raison pour laquelle on travaille ensemble. Ma mère a acquis de l’expérience. Moi, les crédits universitaires, les règlements NCAA, les cours, les inscriptions, je ne savais pas comment ça marchait, mais ma mère, oui.

Sasha Ghavami

S’il a sa carrière à lui, Ghavami est pâmé devant les réussites de sa mère, car il n’y a rien de banal dans ce qu’elle fait au quotidien. « C’est de toute beauté, parce que voir qu’elle a embarqué là-dedans et qu’elle réussit, je trouve ça hyper stimulant. »

La majorité de leurs entretiens ont à voir avec l’entreprise et l’avenir des jeunes, même dans les fêtes familiales, « on va se dire les vraies affaires », concède Ghavami, mais leur relation semble être à toute épreuve.

Une relation mère-fils exemplaire dans laquelle règnent un respect mutuel et une admiration réciproque, mais surtout un amour sincère et éternel.

« Je suis fier de ce qu’on a réussi à faire ensemble. Ma mère, au-delà de tout, je l’aime. La clé de notre succès, c’est qu’on reste nous-mêmes, à l’aise et honnêtes. On travaille en équipe et on garde ça simple. »

« Bon, je paye ton café parce que tu es mon fils et je t’aime aussi », s’exclame Hoda en se levant.

Au même moment, son téléphone se met à sonner. Elle répond et le passe ensuite à Sasha. « Tu vois, on ne mentait pas », dit-elle en riant.