L’ancien joueur de la LNH ne peut pas se rendre dans les CHSLD. Parce qu’il s’occupe de ses voisins. Et il veille aussi sur son père, ce qui lui permet de refermer une vieille blessure.

Grand cas a été fait de l’implication d’Enrico Ciccone, député libéral de la circonscription de Marquette, qui a répondu au cri du cœur du premier ministre François Legault, qui soulignait les besoins pressants de personnel dans les CHSLD.

Le geste de Ciccone s’inscrivait dans un mouvement plus vaste d’entraide collective qui doit prendre le dessus au Québec. Et il n’a pas agi seul. Deux de ses anciens comparses du monde des médias, Gilbert Delorme et Georges Laraque, ont eux aussi voulu l’épauler.

« Cicco m’a appelé. Dans le monde du hockey, il y a comme une confrérie parmi les batailleurs, parce qu’on a fait la job la plus difficile, raconte Laraque au bout du fil. Cicco fait ce que tout le monde devrait faire. Il ne fait pas juste parler, il agit. »

Mais voilà, ces situations sont parfois plus compliquées dans la vraie vie que sur papier. Delorme voulait bien aider, mais il doit garder ses petits-enfants. La raison : son fils travaille au CN, un service essentiel.

Laraque, lui ? Du temps, il en a en masse. Avec le monde du sport qui est paralysé, l’émission qu’il anime au 91,9 Sports a été suspendue.

Anaïs Feldhahn, qui travaille aux ressources humaines de CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, l’a donc appelé afin de s’informer de ses disponibilités et de savoir ce qu’il était prêt à offrir comme aide. Cet appel sert aussi à s’assurer que la personne qui propose ses services n’est pas elle-même à risque d’infecter des gens en CHSLD ou des proches qui sont vulnérables.

Le problème : depuis le début de la pandémie, Laraque est responsable des courses pour André Cyr et Eugénie Rochette, le couple qui demeure au sous-sol de son duplex à Saint-Hubert. M. Cyr a 68 ans, il se remet d’un lymphome et est aussi diabétique. Bref, il a le profil type de la personne qui doit être protégée à tout prix.

« Je fais leurs commissions de A à Z. Donc le risque que je les infecte est trop élevé, raconte Laraque au bout du fil. Anaïs va donc regarder ce que je peux faire d’autre pour aider, sans aller dans les CHSLD. Je suis prêt à faire n’importe quoi, des livraisons à domicile, peu importe. »

PHOTO FOURNIE PAR GEORGES LARAQUE

Georges Laraque en compagnie d’Eugénie Rochette et d’André Cyr

Alors non, Laraque ne viendra pas en renfort en première ligne, comme il le souhaitait. En attendant, il continue à aider ses voisins. Il le fait en prenant toutes les précautions. « J’utilise tellement de Purell, mes mains sont plus maganées que quand je jouais et que je me battais ! Elles sont rendues blanches ! », dit-il en rigolant.

Mais l’idée est d’aider, et c’est surtout ce message qu’il souhaite propager.

« On connaît tous des histoires de personnes âgées qui sortent de la maison pour des commissions, les gens les critiquent, mais souvent, c’est parce qu’elles n’ont personne pour s’occuper d’elles.

« Mes voisins ont une fille, mais elle a un système immunitaire très fragile, elle doit prendre les transports en commun pour son travail, donc elle a peur d’infecter ses parents. C’est pour ça que je me suis proposé. Je l’ai fait parce que je savais qu’ils n’oseraient pas demander de l’aide.

« C’est important d’avoir un sentiment du devoir pour nos aînés. Parce qu’un jour, ce sera nous, les aînés. »

Les retrouvailles

Cette volonté d’aider a aussi permis à Laraque de refermer une vieille blessure.

L’ancien homme fort ne s’en est jamais caché : sa relation avec son père a longtemps été très difficile, parce qu’elle se gérait souvent à force de « 50 coups de ceinturon », comme il l’écrit dans son livre, La force d’y croire, paru en 2011. La violence était omniprésente à la maison.

Il y a deux ans, cependant, Laraque avait publié sur Twitter une photo de lui avec son frère et son père à qui il a « finalement pardonné. Mieux vaut tard que jamais », avait-il écrit.

Edy Laraque a 68 ans. Son acuité visuelle a diminué ces derniers temps, au point où il ne peut plus conduire. Alors devinez ce que Georges fait.

Je m’occupe aussi de mon père, je fais les commissions pour lui. Si tu retournes dans mon livre, c’est assez dur de croire qu’on se parle aujourd’hui. On a passé dix ans sans se parler, et ça m’a pris quatre ans de thérapie pour qu’on reprenne contact !

Georges Laraque

« Même quand on a recommencé à se parler, je ne le voyais pas souvent, mais depuis le début de la crise [de la COVID-19], je le vois plus que jamais. Maintenant, il a besoin d’aide. Donc je mets le passé de côté et je le fais. J’espère que ça inspirera les gens. »

Comme tout le monde, Laraque a bien hâte que le confinement soit levé, que la vie reprenne son cours. Mais il est bien conscient que pour y arriver, il faudra se serrer les coudes.

« Cette pandémie-là, c’est une occasion qu’on a de s’aider et à la fin, c’est de ça qu’on pourra se souvenir, comment on s’est aidé comme société. C’est vrai que c’est long, mais si on trouve ça long, aidons-nous à passer à travers la crise ! »