Après 18 ans à habiller et à « faire fleurir » la femme québécoise, la marque de mode montréalaise Annie 50 tire sa révérence. Une décision annoncée par ses fondatrices, Amélie Gingras-Rioux et Annie Chagnon, mercredi, et qui s’explique par les contrecoups combinés de la pandémie et de l’inflation.

Créée en 2005, avant que la mode rapide étende son hégémonie, Annie 50 a participé à la naissance d’un mouvement marqué par l’émergence de plusieurs designers québécois offrant du prêt-à-porter. S’inspirant d’abord des années 50 — d’où le nom de la marque — les créatrices ont par la suite exploré d’autres époques, proposant des vêtements colorés, souvent classiques, avec une touche d’originalité et beaucoup de féminité.

Mais voilà que les effets de la pandémie et de l’inflation ont raison de leur passion. L’entreprise, qui comptait cinq employés jusqu’en décembre dernier, ferme ses portes. « On se bat contre la fast fashion, déplore Amélie Gingras-Rioux, directrice générale d’Annie 50. Au début, c’était plus facile dans un sens. Les premières années étaient plus douces en termes de profits. Dans les dernières années, il y a eu la pandémie. On s’est endettées avec des prêts du gouvernement. »

PHOTO ALEXANDRE PASKANOI, FOURNIE PAR ANNIE 50

Les designers Amélie Gingras-Rioux et Annie Chagnon, fondatrices d’Annie 50

Si l’entreprise a tiré son épingle du jeu en 2020 en se tournant vers la fabrication de masques en tissus, 2021 a été une année de « grande noirceur ». « On fait des robes festives, des robes pour le bureau, et plus personne n’allait nulle part », explique-t-elle en entrevue. Les ventes ont repris au printemps 2022, pour chuter de nouveau pendant l’été. Une situation que la directrice générale explique par la hausse de l’inflation et du taux directeur.

« Je ne voulais plus vivre dans ce stress continuel de ne pas savoir si je vais pouvoir payer mes employés, de financer la prochaine collection, de payer le loyer à temps. J’étais angoissée. » Après qu’elle lui eut fait part de sa décision de quitter l’entreprise, sa partenaire a choisi elle aussi de ne pas poursuivre. « C’est mon bébé de 18 ans et je le laisse aller. C’est une décision qui est extrêmement difficile et qui fait mal », dit Annie Chagnon. « Pour travailler dans le milieu de la mode au Québec, il faut être passionné, parce que ce n’est pas payant », ajoute-t-elle.

  • Collection printemps-été 2023

    PHOTO FOURNIE PAR ANNIE 50

    Collection printemps-été 2023

  • Collection printemps-été 2023

    PHOTO FOURNIE PAR ANNIE 50

    Collection printemps-été 2023

  • Collection printemps-été 2023

    PHOTO FOURNIE PAR ANNIE 50

    Collection printemps-été 2023

1/3
  •  
  •  
  •  

Les deux designers disent avoir toujours refusé de lésiner sur la qualité de la confection. La durée de vie de leurs vêtements était au cœur de leurs préoccupations. Or, les coûts de production sont en hausse, le textile comme la main-d’œuvre locale. « On a dû augmenter le prix de nos produits, mais les gens n’ont pas plus d’argent », constate Amélie Gingras-Rioux.

Les entrepreneures déplorent le peu de soutien accordé aux créateurs de mode québécois. « Les produits québécois, c’est le fromage, le sirop d’érable. Ça se passe juste en épicerie », note Amélie Gingras-Rioux. Elle aimerait voir la création d’un logo permettant d’identifier plus clairement les vêtements fabriqués ici, ainsi que des campagnes de promotion et de sensibilisation financées par le gouvernement. Car, il reste, selon elle, encore beaucoup d’éducation à faire sur la valeur réelle d’un vêtement.

C’est justement vers l’éducation que souhaite se tourner Annie Chagnon qui a entrepris un baccalauréat d’enseignement en formation professionnelle et technique, au terme duquel elle souhaite enseigner le design de mode. Quant à sa collègue, elle réfléchit à la possibilité de démarrer une entreprise de service-conseil pour les PME.

Cette fermeture, c’est aussi la fin d’une relation solide entre les designers et leur clientèle. « On reçoit une vague d’amour sur les réseaux sociaux, par courriel, se réjouit Amélie Gingras-Rioux. On a été submergées par les commandes depuis mercredi matin. Les gens nous envoient des mots et nous disent : « J’ai encore plein de robes d’Annie 50 dans mon garde-robe et je vais les porter encore longtemps. » » La fin d’Annie 50 ? Peut-être pas pour tout de suite dans le cœur des fidèles.

La présente collection printemps-été est toujours offerte dans les points de vente. L’entreprise écoule son stock, au rabais, dans sa boutique en ligne. Elle participera à la braderie de l’avenue du Mont-Royal (25 au 28 mai) et à la Virée des ateliers (2 au 4 juin).

Consultez le site d’Annie 50