C’est la Saint-Valentin lundi ? En 23 ans de vie de couple, je n’ai jamais fêté ça. Je dirais même qu’on se fait un devoir, mon chum et moi, de fuir une fête où on est obligés de s’aimer un jour en particulier. Je suis persuadée que les chicanes de couple grimpent le 14 février, parce que l’un ou l’autre se sent déçu ou obligé. C’est beaucoup trop de pression.

Je ne vais pas vous dire une niaiserie du genre « on ne fête pas la Saint-Valentin parce que c’est la Saint-Valentin chez nous tous les jours ». Comment pourrais-je le savoir, puisque je ne l’ai jamais fêtée de toute façon ? La Saint-Valentin, c’est comme le mariage : ce n’est pas parce qu’on consacre une journée ostentatoire à l’amour en sortant les fleurs et les beaux habits (ou des dessous affriolants et des menottes) qu’on est capables de traverser le temps à deux.

Pour qu’un couple fonctionne, il faut s’occuper de soi d’abord, car ce n’est pas la tâche de l’autre de le faire.

Rien n’empêche les petites attentions, qui sont importantes, mais sans vouloir taper dans le cliché, il faut savoir se faire plaisir et s’aimer soi-même pour que l’autre puisse faire pareil de son bord. Les anglophones appellent ça le self-care, qui est selon moi la voie royale d’un couple heureux. Son importance est très bien démontrée dans l’excellent dossier de ma collègue Émilie Côté.

Mon chum et moi ne sommes pas de grands consommateurs, mais nous avons nos lubies personnelles. Lui, ce sont les trames sonores de films d’horreur et le cheddar de luxe, et moi, les petits pots de crème et les parfums.

Je n’ai aucun intérêt pour la mode ou la décoration, mais la salle de bains est mon royaume et prouve que je suis une spécialiste du self-care.

Tout a commencé avec la marque Yves Rocher, une sorte de club Columbia des produits de beauté. J’ai appris alors à profiter des cadeaux avec achat en recevant avec excitation des boîtes pleines de produits pour le corps.

J’ai donc commencé à me crémer à 20 ans, et je n’ai jamais arrêté depuis. Holt Renfrew ou le comptoir beauté chez Pharmaprix, c’est l’équivalent pour moi du bonheur que peut avoir un enfant au Toys “R” Us. Dans le confinement de l’affreux mois de janvier qu’on vient de passer, l’algorithme de Holt Renfrew m’a trouvée en me proposant une « trousse beauté et bien-être » d’une valeur de 800 $ pour 200 $. Je connais le prix de ces produits, c’était tout un deal, et je n’avais pas magasiné depuis un an. Sans oublier que je me trémousse dès que j’entends le mot « trousse ».

Et puis, il y a la poésie des produits de beauté, dont les descriptifs semblent rédigés par des écrivains spécialisés : Essence d’extrait vintage unique Amore Pacific, Poudre de beauté Résilience Aura Inner Beauty, Bain détoxifiant végétal Crush au charbon Bathorium, Sérum magique Crystal Elixir de Charlotte Tilbury, Le Sérum Clé de peau beauté, le Complexe de réparation synchronisée Advanced Night Repair, l’Huile-en-eau jeunesse Abeille Royale Guerlain...

De la poésie, je vous dis. Science-fiction-elle, ai-je envie d’ajouter.

Je ne suis pas conne, je sais très bien que ces petits pots de crème ne vont pas arrêter le temps et qu’ils sont moins efficaces que le Botox ou les agents de comblement. Mais ils sont beaux, ils sentent bon, ils me font plaisir, j’aime les tester.

Bien sûr, quand on avoue cela, il y a toujours des gens pour dire d’aller regarder le Pharmachien afin de comprendre l’arnaque de l’industrie des cosmétiques, mais je réagis comme une enfant, en me bouchant les oreilles et en chantant lalala.

En vérité, à fréquenter les produits de beauté, je suis devenue raisonnable. C’est assez simple, ce qu’il faut faire pour avoir une belle peau. La protéger contre le soleil, l’hydrater (les crèmes fonctionnent essentiellement quand elles hydratent, peu importe leur prix), toujours se démaquiller avant d’aller se coucher. Je reste fidèle à mes produits préférés – Skinceuticals, CeraVe, Clarins et le peeling Dennis Gross –, mais je ne peux simplement pas résister aux trousses d’échantillons, qui sont comme des sacs à surprises.

Ce n’est pas mon chum qui pourrait me donner ça en cadeau à la Saint-Valentin, parce qu’il n’y comprend rien. Et quand il rit de ma faiblesse, je l’attaque avec la « Brume réparatrice initiale visage » de Valmont ou je le menace de lui enlever ses points noirs sur le nez.

Bien au-delà de la banale coquetterie, il s’agit d’un rituel, une sorte de petite communion avec soi, un peu de douceur envers son propre corps qui affronte cette vie sans pitié.

Parce que l’amour, c’est un peu laisser l’autre se chouchouter. Après tout, je ne chiale pas quand il met des ananas sur sa pizza...