Cela semble anodin, mais nommer son animal de compagnie constitue tout un art, entre inspiration et visées d’éducation. Un petit répertoire récemment paru, Doux prénoms, recense plus de 3000 propositions, récoltées auprès de refuges et de cliniques vétérinaires. Le choix d’un nom adéquat est-il crucial ? Et comment l’inculquer à notre animal ? Réponses avec une spécialiste en comportement des bêtes à poil.

Bowie, Lavande, Spritz, Gougoune... le champ des possibles pour baptiser son animal a beau être quasi infini, il peut arriver que l’inspiration se tarisse. La vétérinaire urgentiste Dominique Grohman et Charlène Reneault, fondatrice du site c-tao.ca, qui soutient les refuges, ont eu l’idée d’inventorier tous les noms d’animaux qui leur sont passés entre les pattes et de les réunir dans un petit guide, en collaboration avec la SPCA Laurentides-Labelle. Le but ? Nourrir des idées, dresser un portrait des tendances, ou simplement divertir.

Pour les refuges ou les éleveurs, il peut constituer un outil appréciable, comme ils sont conduits à pratiquer ce rituel de désignation des centaines de fois. Agrémenté de photographies pour associer certains noms avec une truffe, le répertoire classe par ordre alphabétique plus de 3000 appellations de chiens, chats et autres, des plus extravagantes (Pyroxénite, Stallone...) aux plus courantes (Grisou, Léo...). Les noms courants et très courants y sont respectivement soulignés et encadrés, histoire de donner l’heure juste sur leur potentiel d’originalité ; on retrouve également une brève section sur les duos (Hansel et Gretel) et les portées à thème (ravissante trouvaille que celle des vents : Sirocco, Alizé, Mistral, etc.).

Après ce premier jalon, dont une partie des profits sera remise à des refuges, les autrices souhaitent continuer de nourrir cette compilation en incitant les propriétaires d’animaux à soumettre et à justifier les noms qu’ils ont choisis en écrivant aux autrices⁠1.

Éviter les confusions

Élire un nom n’est pas un acte innocent, comme le rappelle l’équipe de la SPCA Laurentides-Labelle en préface : « Pour nous, nommer un animal revient à honorer l’être qu’il est [...] et constitue le point de départ d’une relation naissante entre un homme et un animal. » Un point de départ, mais aussi un trait d’union, puisque le nom, si on le désire, peut se retrouver au cœur d’un volet éducatif, ne serait-ce que pour apprendre à un animal à y répondre. En la matière, la Dre Isabelle Bazin, vétérinaire spécialiste en médecine du comportement, dispose dans ses poches, entre deux gâteries, de quelques conseils bien aiguisés.

Premièrement, même s’il ne semble pas y avoir de littérature sur un nombre de syllabes idéal, les noms à rallonge ou excessivement courts risquent de compliquer les choses pour l’apprentissage. Surtout, la vétérinaire préconise d’éviter d’en choisir un trop proche de termes fréquemment utilisés au quotidien.

Si on utilise un mot prononcé tous les jours à toutes les sauces, ça va devenir plus difficile pour l’animal de faire la bonne association et de venir à nous, il faudrait que ce soit un nom un peu distinctif.

La Dre Isabelle Bazin, vétérinaire spécialiste en médecine du comportement au centre Daubigny de Québec

Autre astuce : essayer d’éviter un nom proche d’une commande (assis, couché, etc.), ce qui peut mener à quelques confusions ; notez à quel point « Lassie » et « Assis » ont une sonorité similaire. « Si l’animal connaît déjà son nom et qu’on veut lui montrer une nouvelle commande, on pourrait simplement choisir un mot différent du nom », suggère la spécialiste. Par exemple, pour un chien appelé Coucou, on pourrait substituer la commande « dodo » à « couché », et le tour serait joué.

Enfin, prenez garde à la multiplication et à l’abus de surnoms qui, bien qu’adorables, pourraient créer des interférences dans le processus.

PHOTO FOURNIE PAR ISABELLE BAZIN

La Dre Isabelle Bazin, vétérinaire spécialiste en médecine du comportement, accompagnée du regretté Jiminy

Tout chien et tout chat a le potentiel d’apprendre son nom. Adorable chiot ou vieux matelot, il n’est jamais trop tard ni trop tôt pour l’enseigner – les entraînements peuvent commencer aussitôt que l’animal interagit avec nous. « Il suffit de dire son nom, qu’il nous regarde, et le récompenser tout de suite avec une gâterie, puis renforcer cette association », explique la Dre Bazin. Pour éviter de forcer sur les gâteries, on peut puiser dans la portion de nourriture quotidienne, ou en garder quelques-unes sur nous pour les distribuer au gré de la journée. Deux points cruciaux : s’exercer quand l’animal est disponible et dans un environnement calme, et éviter de le gronder en prononçant son nom.

Rebaptiser Brutus ?

Et les animaux adoptés ? Peuvent-ils être perturbés par un changement de nom ? Si l’appellation précédente est inconnue et qu’un nom provisoire a été décerné par un refuge, pas de souci : il suffit de commencer l’entraînement depuis le début avec le nouveau nom choisi par les adoptants.

PHOTO FOURNIE PAR ISABELLE BAZIN

À La Presse, on est curieux ! Comment s’appellent les chats actuels de Mme Bazin ? Cléo et Charlotte, deux noms très courants au Québec, nous apprend le guide Doux prénoms.

Mais si l’animal y répond déjà, ce n’est pas une mauvaise idée de le garder. Pour ceux qui tiennent vraiment à le changer, il faudra recréer une association. « Il est possible de le changer, il faudrait alors prononcer le nouveau nom avant de dire l’ancien, puis récompenser l’animal, ce qui permettra avec le temps de faire la jonction », nous apprend la spécialiste. D’ailleurs, combien de temps sera nécessaire ? Difficile de l’estimer, car tout dépend de l’animal, de la qualité des friandises (les aime-t-il un peu ou à la folie ?) et de la fréquence des exercices.

Et les chats, souvent dépeints comme experts en snobisme, reconnaissent-ils leur nom ? Plusieurs études récentes démontrent que c’est bien le cas, même s’il leur arrive de nous ignorer superbement. Selon Isabelle Bazin, leur apprendre à y réagir n’a rien d’insurmontable, puisque la même méthode que celle destinée aux chiens s’applique. Mais elle insiste sur la qualité de la récompense, car si les caresses et l’attention peuvent fonctionner dans certains cas, « les résultats arrivent beaucoup plus rapidement et sont beaucoup plus constants quand on présente réellement une récompense, comme de la nourriture, chose qui renforce le plus un chat. Il pourrait très bien entendre son nom de 5 à 30 fois et décider de nous ignorer parce que pour lui, l’attention n’est pas quelque chose qui le récompense suffisamment pour qu’il fasse l’effort de venir ou de regarder ».

1. Écrivez aux deux autrices
Doux prénoms

Doux prénoms

Le bout du mille

21 pages