Laisser un animal de compagnie roupiller aux côtés d’un enfant serait-il préjudiciable à la qualité de son sommeil ? Une étude menée par des chercheuses de l’Université Concordia vole dans les plumes de cette idée reçue après avoir recueilli des données au chevet de quelque 200 petits dormeurs québécois.

Il bouge, bave, se gratte, grogne en rêvant : le compagnon poilu du foyer, qu’il soit chien, chat ou autre, a-t-il sa place dans le lit des enfants ? Des parents préfèrent le voir dans son panier, loin des chambres à coucher, pour toutes sortes de raisons (allergies, hygiène, etc.), y compris la crainte qu’il ne perturbe le cycle de sommeil des plus jeunes et des adolescents.

Lors de l’épluchage des données d’une étude plus large portant sur la qualité du sommeil et ses effets sur la santé (à savoir Cœur en santé, soutenue par les Instituts de recherche en santé du Canada), certains aspects ont éveillé la curiosité des coautrices Hillary Rowe et Jennifer McGrath, chercheuses au Laboratoire de santé publique pédiatrique en psychologie de Concordia. Elles ont constaté qu’un enfant sur trois ménageait une place à son animal près de l’oreiller, les amenant à se questionner sur l’impact de cette pratique.

« Quand nous avons évalué différents aspects du sommeil, les enfants qui disent dormir fréquemment avec leur animal de compagnie ne présentaient pas de différence par rapport à ceux qui ne dorment jamais avec des animaux. Ceux-ci ne semblent pas, dans le cadre de notre étude, perturber leur sommeil », résume Jennifer McGrath, professeure de psychologie et directrice du laboratoire.

PHOTO MICHAEL GANNON, FOURNIE PAR L’UNIVERSITÉ CONCORDIA

Jennifer McGrath, professeure de psychologie et directrice du Laboratoire de santé publique pédiatrique en psychologie de Concordia

En outre, aucune différence notable n’a été relevée entre les trois tranches d’âge évaluées, si ce n’est que les adolescents tendaient à déclarer au contraire mieux dormir avec Fido ou Minet vautré à proximité.

Pour cette recherche, des familles étaient sondées à propos de leurs routines et conditions nocturnes, tandis que les enfants étaient équipés de sondes semblables à des montres connectées (actigraphes) permettant de dresser un portrait de la qualité de leur sommeil et d’enregistrer leurs ondes cérébrales. Un suivi quotidien, au cours duquel les participants évaluaient leur nuit, était assuré. Parmi les paramètres examinés se trouvaient l’heure du coucher, la durée du sommeil, le temps d’assoupissement, les réveils nocturnes et la qualité de la nuit.

« Quand nous demandions à quel point les enfants se sentaient reposés au terme de leur nuit, ceux qui dormaient avec leur animal déclaraient avoir eu un meilleur sommeil que les autres. C’est une perception subjective, mais elle est intéressante pour nous, car le sentiment d’une nuit réparatrice est un aspect important du sommeil, qui nous permet de chercher comment en améliorer la qualité », explique Mme McGrath.

Bienvenue à bord, Super Nounours

Les conséquences de la présence d’un compagnon nocturne auprès des enfants ont été jusqu’ici très peu examinées, contrairement au cas des adultes. La mise en regard des résultats révèle-t-elle une disparité entre ces deux groupes ?

« C’est légèrement différent. En consultant les études menées avec les adultes par d’autres chercheurs, nous avons appris que plus d’un propriétaire d’animal sur deux dort avec son compagnon. Les femmes disent même préférer dormir avec leur chien plutôt qu’avec leur conjoint, se disant moins dérangées ! Cela dit, les résultats suggèrent qu’il y a plus de perturbations en dormant avec un animal que sans. Mais les gens préfèrent tout de même le faire, par réconfort », indique Jennifer McGrath, nuançant la comparaison en raison des instruments de mesure peu précis utilisés pour étudier le cas des adultes.

« Il y a peut-être aussi une question d’espace dans le lit, les adultes étant plus imposants, qui pourrait expliquer cette différence », suppose-t-elle.

De nombreuses zones d’ombre restent à éclairer au sujet de ces pratiques nocturnes, notamment les raisons pour lesquelles les enfants choisissent ou non de dormir aux côtés de leur ami doux.

En attendant, peut-on les considérer comme des Super Peluches ? « En somme, notre étude suggère que si un enfant trouve du réconfort à dormir avec son animal, il n’y a pas de raison qu’il ne passe pas la nuit avec son Super Nounours », conclut la chercheuse, précisant que ce genre d’étude appelle aussi à un affinage des instruments d’évaluation du sommeil, pour mieux prendre en compte les cas de couchage partagé.

Un risque d’asthme ou d’allergies ?

Faire dormir des enfants main dans la patte avec un animal favorise-t-il le développement d’allergies ou d’asthme ? Au contraire, ont clamé des chercheurs allemands, qui ont suivi 2500 enfants pendant 10 ans, et observé une diminution des risques de devenir asthmatique de 79 %. « Plusieurs études démontrent que les enfants qui ont des contacts directs et prolongés avec des chats ou des chiens dans leur première année de vie ont moins de risques de développer des allergies plus tard au cours de leur vie », lit-on aussi sur le site internet du réseau vétérinaire québécois GlobalVet.