Une fois par mois, La Presse, inspirée par le Questionnaire de Socrate du magazine Philosophie, interroge une personnalité sur les grandes questions de la vie. L’humoriste Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques, dont le spectacle Enfant du siècle est présenté jusqu’au printemps prochain partout au Québec, répond à nos questions.

Qui suis-je ?

Je m’appelle Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques. J’ai grandi au sein d’une famille heureuse, aimante, loyale, qui adore rire et qui a toujours valorisé la curiosité, l’effort et l’empathie en plus de placer l’émancipation, le respect et la culture au centre de sa vie. Aujourd’hui, du mieux que je peux, j’essaie d’être fidèle au milieu qui m’a façonné.

Sommes-nous libres ?

Je ne crois pas que nous soyons prisonniers d’un contrôle orwellien, mais je ne suis pas non plus certain de croire au libre arbitre. Je pense que, malgré nous, nos choix sont déterminés par l’éducation, l’époque et l’environnement dans lequel nous évoluons. Sauf si nous sommes dans une démarche de détachement qui isole, emprisonne dans des principes et finit souvent en vidéos bizarres… Cependant, je crois que nous avons la chance de vivre dans une société qui encourage l’émancipation personnelle et je pense sincèrement que c’est moins un signe de décadence que d’évolution et de prise en confiance en nos moyens.

Que retenez-vous de votre éducation ?

Que c’est la base de toute l’expérience humaine. Notre compréhension et notre rapport au monde en dépendent. C’est d’autant plus précieux parce que c’est un moyen exceptionnel pour s’élever en tant qu’individu. Par ailleurs, je retiens aussi le fait qu’elle n’a pas besoin d’être brutale ni sévère pour être rigoureuse et efficace. Mes parents ont toujours valorisé la bienséance, le respect et la rectitude tout en faisant preuve d’empathie, de gentillesse et d’attention, et je n’ai pas l’impression d’avoir reçu une éducation défaillante. Au contraire !

Un penseur/philosophe qui vous accompagne depuis longtemps ?

Albert Camus est devenu mon modèle absolu (sauf pour la portion adultérine). J’adhère totalement au fait que « la lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme… ». Je suis aussi fasciné par les travaux de Hannah Arendt (que j’aimerais comprendre plus spontanément, j’avoue…) parce qu’ils offrent, avec ceux de Camus, des réflexions exceptionnelles sur la liberté. Sinon, je m’ennuie sincèrement de Serge Bouchard. Je suis tellement reconnaissant de la confiance et du respect qu’il accordait à notre intelligence. Chaque fois qu’il partageait ses connaissances et ses réflexions, il nous offrait le cadeau de nous rendre plus intelligents et cultivés.

PHOTO DENIS GERMAIN, ARCHIVES LA PRESSE

Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques durant son spectacle solo Enfant du siècle.

La chose la plus surprenante que vous avez faite par amour ?

Changer de vie. Premièrement, c’est une entreprise de séduction qui m’a poussé à délaisser le théâtre pour tenter ma chance en humour. Deuxièmement, récemment, j’ai eu la chance de rencontrer quelqu’un qui m’a donné envie de me définir autrement qu’avec la réussite professionnelle. J’ai donc modifié mes horaires, suivi une psychothérapie, modifié mon alimentation et émondé l’arbre de mes priorités. En fait, j’ai tout changé pour essayer simplement (quoique laborieusement) de recentrer ma vie autour de ceux que j’aime plutôt que ce que j’aimerais être.

Qu’est-ce qui tourmente votre conscience ?

Le sort des adolescents. J’ai l’impression qu’on leur enlève les plus beaux privilèges de la jeunesse : l’optimisme et la naïveté. Après avoir été négligés pendant la pandémie, ils passent leurs journées dans des écoles horriblement vétustes et voient un gouvernement rébarbatif aux changements (nécessaires) qui amélioreraient concrètement leur vie et prouveraient qu’on les estime. En plus de les culpabiliser sur la détérioration du français et de rendre impossible leur accès au capital, on les condamne à régler la crise climatique. Bonne chance pour ne pas succomber au pessimisme, à l’individualisme ou, pire, au nihilisme.

Le lieu (ou l’état d’esprit) parfait ?

Partout où il y a des livres. Dès que je ne me sens pas bien, je cherche une bibliothèque et m’y engouffre des heures, voire des jours. Le calme, le silence, la solennité, même l’odeur de tapis inchangé depuis 1973… J’aime tout des bibliothèques. En plus, on est entouré des réponses à toutes nos questions.

Un avantage d’être égoïste ?

Le confort. L’autre n’existe pas. Autrement dit, tu adaptes tout en fonction de tes besoins et parfois tu t’attends même à ce qu’on s’adapte à tes envies. En plus de vivre dans le confort, ça doit être incroyablement libérateur d’échapper à la culpabilité de déranger, frustrer et faire chier tout le monde ! J’envie souvent les égoïstes.

Une qualité que vous n’aurez jamais ?

La concision. Étonnamment, c’est ma réponse la plus concise. Cela dit, est-ce qu’il fallait vraiment s’attendre à un miracle avec un nom comme le mien ?

Un rêve (ou un cauchemar) récurrent ?

Je rêve (et cauchemarde) tous les jours sur centris.ca et duproprio.com.

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