Un examen est annoncé. Des battements cardiaques résonnent dans votre siège. Vous enfilez une veste chaude et lourde. Son poids vous étouffe. La voix d’une adolescente résonne : elle pense qu’elle va mourir. Vous ressentez tout de sa crise de panique. Voilà l’objectif de l’expérience immersive ÉpiSens : plonger les visiteurs au cœur des troubles de santé mentale.

Présentée à la bibliothèque de Saint-Hyacinthe jusqu’au 10 novembre, avant d’être accessible ailleurs au Québec, l’expérience permet de vivre de l’intérieur l’anxiété, la schizophrénie, la dépression et la bipolarité.

« Le fait de ressentir les symptômes associés à différents troubles de santé mentale peut diminuer les fausses croyances négatives », explique Guylaine Moore, directrice générale du Centre psychosocial Richelieu-Yamaska, qui a conçu le projet avec le centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est, CREO, une entreprise en création numérique et en communication scientifique, et Marjorie Montreuil, chercheuse à l’Université McGill.

ÉpiSens est une réponse aux nombreuses campagnes de sensibilisation qui ne fonctionnent pas, comme l’attestent de nombreuses études, affirme Guylaine Moore. « Par contre, les expériences immersives peuvent réellement réduire la stigmatisation », dit-elle.

Sensibiliser les jeunes

Puisque les troubles de santé mentale peuvent se révéler à l’adolescence ou durant les premières années de la vie d’adulte, le projet a été conçu pour rejoindre les jeunes en priorité.

L’exposition débute avec une vidéo dans laquelle le comédien bien aimé des jeunes Pascal Morrissette interprète un expert qui résume les réactions face aux troubles de santé mentale à travers l’histoire : trou percé dans le cerveau durant la période néolithique, punition pour péché au Moyen Âge, apparition des asiles et des maisons de correction à la Renaissance, usage d’électrochocs et de lobotomie, introduction des médicaments au milieu du XXsiècle, etc.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

L’expérience immersive ÉpiSens propose aux visiteurs des caissons immersifs.

Ensuite, le public a accès à quatre caissons immersifs. Le plus réussi est celui qui nous plonge dans la tête d’une adolescente en pleine crise de panique. On ressent son malaise, son étouffement, son cœur qui bat la chamade et son incapacité à se calmer.

Des jeunes qui connaissent une personne souffrant d’un trouble anxieux ont dit qu’ils comprenaient enfin ce qu’elle ressentait. Ils avaient une idée de ce que c’était auparavant. Ils pensaient vivre quelque chose de similaire en ressentant eux-mêmes du stress avant un examen. Mais désormais, ils comprennent qu’un trouble anxieux, c’est à un autre niveau.

Guylaine Moore, directrice générale du Centre psychosocial Richelieu-Yamaska

L’expérience qui nous fait visiter la tête d’un jeune trentenaire vivant avec la schizophrénie est aussi très éloquente. Pendant qu’il répond à un questionnaire, on entend les pensées qui se percutent dans sa tête, la conviction d’être au centre d’un complot, les voix et les menaces. « Les participants expérimentent le tout pendant trois minutes, alors que les personnes qui vivent avec un trouble au quotidien, c’est tout le temps, explique Guylaine Moore. Vivre cette immersion nous aide à développer notre empathie et notre bienveillance. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Les caissons immersifs abordent différents thèmes : la dépression, la bipolarité, la schizophrénie...

Pour comprendre la bipolarité, on observe l’agenda interactif d’une adolescente dans une période d’enthousiasme exacerbé et dans un moment dépressif, sans énergie, dans un trou noir, avec les pensées qui résonnent dans les haut-parleurs. L’immersion est moins percutante que les deux précédentes, mais demeure fort pertinente.

Le caisson immersif consacré à la dépression est un peu moins efficace pour nous faire ressentir pleinement les symptômes. On entend principalement le dialogue intérieur d’un jeune à son travail : ses pensées négatives tournent en boucle et sa perspective s’embrouille. Le texte nous semble toutefois moins naturel que les trois autres.

On a eu quelques doutes au sujet du jeu Le poids des mots, durant lequel on doit choisir quelle réponse fournir à une personne en détresse psychologique. Les choix de réponses nous semblent parfois télécopiés sur ce qu’un intervenant expérimenté dirait. Et non sur les réactions probables de monsieur et madame Tout-le-Monde.

Cela dit, ÉpiSens vaut le détour. Tant pour mieux ressentir ce que vivent les personnes aux prises avec des troubles de santé mentale que pour ouvrir le dialogue. « En raison des stéréotypes et de l’incompréhension en société, les gens qui vivent avec ces troubles n’en parlent pas, dit Guylaine Moore. Quand on échange, tout le monde chemine et on fait évoluer notre pensée. »

Consultez le site de Bibliothèques Saint-Hyacinthe pour ÉpiSens