Notre journaliste se balade dans le Grand Montréal pour parler de gens, d’évènements ou de lieux qui font battre le cœur de leur quartier.

Frites Lesage, Le 281, Fairmount Bagel, la librairie Guérin et même La Boîte Noire !

Si 13 enseignes illuminent 24 heures sur 24 l’entrée du nouveau Centre des mémoires montréalaises (MEM), c’est en grande partie grâce à Matt Soar.

La veille de l’inauguration du musée consacré à la montréalité, le professeur de l’Université Concordia nous a accordé une visite guidée à travers la collection d’enseignes qui anime les murs de deux édifices du magnifique campus Loyola, rue Sherbrooke Ouest.

Il y a une quinzaine d’années, Matt Soar a fondé avec l’archiviste Nancy Marrelli le Projet d’enseignes de Montréal. À l’aide d’étudiants, ils ont récupéré et restauré des devantures de commerces qui font partie de l’histoire et de l’âme de Montréal – citons le célèbre magasin Warshaw du boulevard Saint-Laurent ou encore le fameux restaurant Bens, fermé en 2006.

  • Matt Soar, professeur à l’Université Concordia derrière le Projet des enseignes de Montréal

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    Matt Soar, professeur à l’Université Concordia derrière le Projet des enseignes de Montréal

  • L’enseigne de Frites Lesage

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    L’enseigne de Frites Lesage

  • Toutes les enseignes, dont celle du Warshaw, sont répertoriées sur le site web du Projet des enseignes de Montréal.

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    Toutes les enseignes, dont celle du Warshaw, sont répertoriées sur le site web du Projet des enseignes de Montréal.

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Catherine Charlebois, cheffe de section et conservatrice en chef du MEM (anciennement le Centre d’histoire de Montréal), a demandé à Matt Soar une grande faveur, soit qu’une douzaine d’enseignes déménagent de Loyola au Quartier des spectacles pour égayer tout en splendeur le hall d’entrée du nouveau musée.

« Catherine et moi partageons l’idée que la culture peut relever de l’ordinaire », expose Matt Soar.

On peut raconter l’histoire autrement que par des hommes riches et connus. Les enseignes racontent la vie de travailleurs, du quotidien, et c’est très révélateur de l’histoire de Montréal.

Matt Soar, professeur à l’Université Concordia et cofondateur du Projet d’enseignes de Montréal

Après tout, que serait la porte d’entrée du centre-ville à partir de l’autoroute Bonaventure sans les lettres rouges illuminées de Farine Five Roses ? L’entreprise Smuckers a par ailleurs cédé à la pression populaire et gardé le célèbre néon quand elle a acquis les droits de la marque. Elle a même investi des centaines de milliers de dollars pour le mettre en bon état. Ce n’est pas une simple enseigne, mais un emblème du patrimoine industriel de Montréal.

« Je suis le premier à en avoir appris sur Montréal avec les enseignes », signale Matt Soar. L’Américain d’origine a notamment eu un cours accéléré sur la loi 101 en voyant que de la peinture cachait des « since » remplacés par des « depuis » sur certaines façades.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Buywell, institution du centre-ville de Montréal pendant 85 ans, comptait parmi ses clients René Lévesque et Mordecai Richler.

D’une enseigne à l’autre

Mais comment les enseignes sont-elles venues à Matt Soar ? « J’étais intéressé par le concept de l’hypercommercialisme », raconte le Québécois d’adoption qui a quitté l’État du Massachusetts il y a 20 ans pour se joindre au corps professoral de Concordia. En 2007, il a organisé une conférence intitulée Logo Cites dans laquelle on présentait un documentaire de Gary Hustwit sur la police de caractère Helvetica. On y présentait aussi trois vieilles enseignes empruntées pour l’occasion : celles du Warshaw (préservée par les Amis du boulevard Saint-Laurent), de la Monkland Tavern (en anglais) et de la fruiterie de la Main Simcha (aujourd’hui dans les bureaux du festival Pop Montréal).

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Le magnifique campus Loyola, rue Sherbrooke Ouest

L’intérêt était si grand que Matt Soar a proposé à l’Université Concordia d’en faire un projet de collection. C’était sans savoir que l’aspect le plus valorisant allait se révéler à travers les histoires et les souvenirs que les gens lui racontent. Le photographe de La Presse Patrick Sanfaçon a vite replongé dans ses souvenirs d’enfance quand il a vu l’enseigne de Mars, un magasin sombre et un peu crade de la rue Sainte-Catherine où on vendait des bandes dessinées et des disques.

Pour nous, c’était nostalgique à souhait de revoir les enseignes de l’épicerie Steinberg et même du 281 ! Et que dire des lettres du Rapido, un restaurant où nous avons tant de fois échoué en fin de soirée devant une poutine avec des amis dans une autre vie.

  • Matt Soar a mis la main sur l’enseigne du Rapido, sous laquelle se réunissent des étudiants de l’Université Concordia.

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    Matt Soar a mis la main sur l’enseigne du Rapido, sous laquelle se réunissent des étudiants de l’Université Concordia.

  • L’enseigne de Steinberg

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    L’enseigne de Steinberg

  • L’entrepôt du Projet d’enseignes de Montréal

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    L’entrepôt du Projet d’enseignes de Montréal

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Matt Soar et son équipe continuent de récupérer des enseignes (nous avons même pu visiter l’entrepôt où on les accumule). Le mot se passe, mais comme sur Marketplace, c’est souvent à venir récupérer maintenant ou jamais. Il arrive aussi que des familles lui fassent des dons. En 2020, des membres des Steinberg lui ont offert une enseigne de leur célèbre chaîne d’épicerie fermée en 1992.

Beaucoup d’enseignes se dirigeaient vers les ordures alors qu’elles sont si riches en histoire, souligne Matt Soar. L’histoire de Montréal, mais aussi de familles, d’immigrants et d’habitudes de vie qui n’existent plus (comme aller louer un film à La Boîte Noire !).

C’est un rappel du passé. Des souvenirs, de la nostalgie… mais cela renvoie aussi à des lieux qui ont eu du sens dans nos vies et dans nos rapports aux autres.

Matt Soar, professeur à l’Université Concordia et cofondateur du Projet d’enseignes de Montréal

« Des milliers de gens ont fréquenté ces commerces et ces restaurants, c’était leur quotidien », fait valoir Matt Soar.

Le MEM sera ouvert au public à partir du 6 octobre au 1210, boulevard Saint-Laurent. Quant au campus Loyola de l’Université Concordia, il est situé au 7141, rue Sherbrooke Ouest.

Consultez le site du Projet d’enseignes de Montréal