« Ici, c’était un terrain vague contaminé avec des tracks de chemins de fer et des conteneurs », raconte Christian Yaccarini.
Une place publique, des condos, des restaurants et des entreprises : fallait-il y croire ? « Il fallait surtout vouloir », nuance celui qui est considéré comme le maître d’œuvre de la revitalisation du Technopôle Angus dont on célèbre le 25e anniversaire.
Transformer une ancienne friche industrielle en milieu de vie était plus facile à rêver qu’à concrétiser. « Au début des années 1990, c’était la catastrophe dans l’est de Montréal. Les usines fermaient », raconte le président et chef de la direction de la Société de développement Angus.
À l’époque, Christian Yaccarini travaillait à la Corporation de développement économique communautaire (CDEC) de Rosemont–Petite-Patrie. « En septembre 1991, on a appris que les Shops Angus fermaient », se remémore-t-il.
Les Ateliers Angus ont été construits entre 1902 et 1904 à proximité du chemin de fer de son propriétaire, le Canadien Pacifique. Des milliers d’ouvriers y ont travaillé et y ont fait naître le quartier Rosemont.
Quand le CP a cessé d’y produire du matériel ferroviaire, il a envisagé de faire des résidences haut de gamme. « Avec 20 % de chômage dans le quartier, ce n’est pas ce dont on avait besoin. On avait besoin d’emplois », raconte M. Yaccarini.
Dans la perspective d’une relance économique, le CDEC a alors eu l’idée « un peu loufoque à l’époque » d’acquérir le terrain. On saute des étapes, mais le CP a fini par vendre le terrain à la CDEC qui a créé la Société de développement Angus (SDA).
À l’époque, les parcs industriels spécialisés étaient en vogue. Mais pour le conseil d’administration de la SDA, il ne fallait pas emboîter le pas. « Quand tu te spécialises dans un secteur et qu’il y a une crise, tu manges un coup », illustre M. Yaccarini en rappelant la faillite de Nortel Networks.
« Une approche multisectorielle »
La SDA a adopté une « approche multisectorielle » avec des PME québécoises plutôt que des multinationales « avec un propriétaire d’entreprise qui travaille sur le site ».
Des entreprises comme Alto Design, PMT, Effigis, Octasic et lg2 ont élu domicile dans le Technopôle Angus. La SDA a ensuite développé le caractère urbain du secteur en attirant des restaurants et des commerces.
Si tu veux créer un milieu de vie, il faut une place publique et des commerçants.
Christian Yaccarini
Aujourd’hui, des centaines d’habitants vivent aussi dans le Technopôle Angus, dont une fiducie d’utilité sociale – qui a servi de modèle au Québec – protège les terrains et les loyers de la spéculation immobilière.
Ce n’était pas prévu au départ que la SDA se lance dans le résidentiel, mais c’était une façon de faire un échange thermique avec les bâtiments de bureaux et de créer de l’habitation abordable pour des familles incapables d’acheter dans Rosemont. « Avec beaucoup de trois chambres à coucher », ajoute Christian Yaccarini.
Les bâtiments modernes du Technopôle Angus certifiés LEED se mêlent à celui du Locoshop Angus dont les structures d’origine rappellent les traces industrielles du passé.
Des bâtiments comme ça, on en fait des musées. On n’aurait pas pu développer ce projet-là sur un terrain anonyme sans histoire.
Christian Yaccarini
Il fallait même mettre en valeur l’histoire des Shops Angus, plaide M. Yaccarini. « Sur 90 ans, on estime que 120 000 personnes y ont travaillé. Il y a un attachement de la population à son passé. »
Commerces, parcs, entreprises, même des cliniques… Ce qui manque ? Une offre culturelle, d’où l’exposition en cours Les rendez-vous Angus, en collaboration avec Art Souterrain, qui a pour thème Faire lieu, prendre racine. Une fête citoyenne est aussi prévue le 14 septembre pour le 25e anniversaire avec de la cuisine de rue et la musique du Winston Band.
« L’histoire des usines Angus aurait pu s’arrêter en 1992, fait valoir Christian Yaccarini. Mais elle continue. »