Sid souffrait déjà d’épilepsie à 2 ans lorsqu’un chauffard ivre l’a renversé avec sa voiture.

Après cet accident, sa vie a basculé. Il faisait jusqu’à une centaine de crises d’épilepsie quotidiennement. Il a été opéré plusieurs fois au cerveau pour juguler ses crises épileptiques. Se sont succédé opérations, réadaptations et… misère. Son thorax arbore une longue cicatrice, car il a fallu lui installer un stimulateur cardiaque en cas de crise majeure.

ILLUSTRATION ANDRÉ RIVEST, LA PRESSE

Dans la piscine, sa coordination est mauvaise. Il nage lourdement, comme un robot. Il n’arrive pas à rejeter l’air de ses poumons lorsque sa tête est sous l’eau.

Il n’a pas d’endurance et il peine à doser ses énergies. Pourtant, il entame chaque longueur comme si c’était une course importante qu’il devait gagner à tout prix. En dépit de tout cela, il est un de nos bons nageurs.

Son problème n’est pas tant physique qu’intellectuel. L’accident lui a laissé de fortes séquelles.

Sid aime parler. Trop. Beaucoup trop.

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Aucun orthophoniste n’a réussi à rendre sa diction très claire. Il marmonne un charabia abondant qui n’est pas dénué de sens ou d’intérêt, mais sa diction requiert un niveau d’attention élevé pour suivre le fil de son discours.

Et discours, il y a. De longues tirades dignes des allocutions de Fidel Castro. Pas vraiment le genre de conversation idéale dans un vestiaire de piscine.

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En plus, il est vantard. Il veut tellement être admiré qu’il se dit le meilleur de tous dans tout. Pas une, mais deux parties parfaites d’affilée aux quilles, et bla-bla-bla… Quinze minutes avec lui m’épuisent. Imaginez les personnes de son entourage. Ce qui fait que tous le fuient un peu. Cela le prive de l’attention qu’il mérite. Plus on s’en éloigne, plus il requiert de l’attention. Comme s’il criait qu’il veut de l’amour.

De l’amour lui est un jour tombé du ciel. Sid n’avait pas connu son père. Sa mère et lui se sont séparés alors que le père ne savait pas qu’elle était enceinte. Un jour par hasard, l'homme apprend qu’il est père depuis 25 ans… Après de longues recherches, il retrouve enfin son fils qu’il sait handicapé.

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J’ai fait la connaissance de son père juste avant la modeste cérémonie de remise des médailles des finales provinciales des Jeux olympiques spéciaux. Une gueule de rock star, des dreads, des tatouages, une forte carrure. Il n’a pas l’air d’un ange, mais il fait forte impression.

La tête que Sid a faite lorsqu’il l’a aperçu ! On aurait dit qu’il avait vu Dieu en personne. Sid s’est rué pour l’enlacer, les yeux pleins d’eau.

Le pire, c’est que, mis au courant de la possible venue de son père pour les compétitions, Sid avait complètement perdu ses moyens tellement sa présence accaparait toutes ses pensées. Il a été si mauvais lors des compétitions qu’il a été relégué à une catégorie inférieure, ce qui lui a permis… de remporter plusieurs médailles !

Gagner quatre médailles devant son héros, le comble du bonheur pour Sid. Je t’aime, Sid.

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Comment Sid a-t-il été déclassé ?

Lors des compétitions pour les personnes ayant une déficience intellectuelle, les athlètes sont regroupés selon leurs résultats antérieurs. Une division peut contenir un maximum de huit athlètes, et il ne peut y avoir plus de 25 % d’écart entre le premier et le dernier. En sous-performant, Sid est sorti de cet écart et s’est retrouvé… premier de la classe inférieure !