Des enfants l’appellent Mimi. Des professeurs qui partent à la retraite se font prendre en photo avec elle. Depuis plus de 30 ans, Micheline Benoît est brigadière aux abords de l’école primaire Sainte-Cécile, dans Villeray.
« Il y a certains enfants dont j’ai fait traverser les parents, souligne-t-elle. À l’automne, si je suis là, je vais commencer ma 33e année. »
Sur son dossard jaune, Micheline porte fièrement une épinglette qu’on lui a remise pour ses 30 années de service, auxquelles il faut en ajouter 2 comme surnuméraire. Il y a même eu une cérémonie au poste de quartier 31 sur l’avenue de l’Esplanade. « Quand j’ai ouvert la porte, les gens ont applaudi. Je ne m’attendais pas à ça, raconte-t-elle. Je me sens respectée par le SPVM et c’est important. »
Avant de devenir brigadière, Micheline gardait des petits à la maison, sans compter les siens qui ont aujourd’hui 39 et 43 ans. « J’ai eu un déclic en allant les chercher à l’école et en voyant le brigadier, se remémore-t-elle. J’aime être à l’extérieur, j’aime bouger, j’aime les enfants et je veux un travail sans patron derrière moi… Mais pourquoi je n’y avais pas pensé avant ? »
Elle avait alors le choix entre trois « traverses », et elle a été sous le charme de celle à l’angle de l’avenue De Gaspé et de la rue De Castelnau devant l’école Sainte-Cécile. « C’est tellement bien situé. Il y a le marché Jean-Talon, les cafés, les commerces. »
« Ses enfants sont moins tannants que lui l’était », blague Micheline alors que vient d’arriver Ismaël Bamba avec ses enfants Bilal et Maissa (qui n’avaient pas encore leur petit frère né pendant la nuit suivant la prise de la photo !).
Micheline a été la brigadière d’Ismaël de 1992 à 1998 et elle fait partie intégrante de sa vie de quartier. « Micheline a toujours été autour », dit-il avant de lui faire une accolade.
Son « garde du corps »
Le matin, Micheline estime escorter quelque 250 enfants et assurer leur sécurité. Ceux de l’école, mais aussi du CPE Chez-nous chez-vous, situé juste en face.
Beau temps, mauvais temps, elle est fidèle au poste avec un horaire fractionné, ce qui est propre au métier. « Après autant d’années, j’aurais changé de domaine si ça ne me convenait pas », dit la femme au corps menu et au tempérament si calme.
Le temps qu’elle déteste le plus ? Une pluie fraîche et humide de novembre. « Là, je me dis : c’est vrai que je devrais prendre ma retraite. Mais le lendemain, il fait beau et c’est oublié. »
Car des gens qui lui demandent quand elle va prendre sa retraite, il y en a beaucoup. À commencer par son mari, Jean Charles Pyton, néanmoins à ses côtés tous les matins, accoté sur la clôture de l’école.
« Mon garde du corps », dit-elle.
« Je viens l’encourager, mais ça fait 12 ans que je l’achale pour qu’elle prenne sa retraite avec moi », dit-il, pince-sans-rire, sous le regard amusé de Micheline.
Sa femme et lui sont mariés depuis 40 ans et ils sont grands-parents. Ils se sont rencontrés à Saint-Hyacinthe, dans un bar qui s’appelait Au p’tit canot.
Un mode de vie
Même si elle a 71 ans, c’est une grosse décision pour Micheline de prendre sa retraite. « Il faut que je me sente prête. J’aime ce que je fais. Ça me fait voir des gens et ça me fait bouger. »
J’y vais un jour à la fois. Cette année, c’était plus difficile. J’ai été absente deux mois, car j’ai eu une opération. Je veux continuer, mais c’est la santé qui va décider.
Micheline Benoît
« J’étais contente et fière d’être de retour », souligne-t-elle. Et croyez-nous : parents et enfants étaient fort heureux et soulagés de la retrouver avec son dossard jaune et son panneau d’arrêt.
Il faut dire que pour Micheline, être brigadière est presque un mode de vie. Tous les matins, elle se lève avant le soleil. « Sais-tu pourquoi ? Si tu veux que je ne sois pas de mauvaise humeur, je dois avoir 45 minutes sur ma berceuse avec mon café et mon déjeuner. »
Micheline commence le premier de ses trois quarts de travail à 7 h 35, puis elle retourne chez elle pendant la matinée. Après la période de travail du dîner – longue mais plus tranquille –, la brigadière avait l’habitude d’aller prendre un café au bistro l’Enchanteur, mais depuis la pandémie, elle a un autre arrangement. « L’école, avec qui j’ai une bonne relation, me prête un petit local pour que je puisse faire de la lecture. Ça me permet de me reposer et de revenir à ma traverse, puis mon mari vient me chercher. »
Micheline est une grande femme de cœur et une personne importante pour notre école. Il ne faut pas sous-estimer son apport dans la vie scolaire des enfants. Avant les classes, ils commencent leur journée avec son sourire et sa douceur.
Amélie Pelletier-Houde, directrice de l’école Sainte-Cécile
Micheline affectionne aussi grandement le contact avec les petits. « C’est vivant et tellement vrai, un enfant… Et c’est tellement important d’aimer ce qu’on fait », insiste-t-elle.