Nos fistons, qui rassemble certaines des « chroniques de papa » de Marc Cassivi, montre que derrière ses airs de grand baveux, c’est un cœur bien tendre.

Il a une grande gueule, Marc Cassivi. Il suffit de le lire dans les pages de La Presse pour penser qu’il fait exprès pour se faire haïr. Il a le sens de la formule assassine et n’en fait pas un usage modéré. Il faut le connaître pour savoir que, oui, il aime taper sur les mêmes clous et se fait un point d’honneur d’être le caillou dans la chaussure de pas mal de monde.

Il n’est pourtant pas difficile à aimer, Marc.

Transparence totale : ce n’est pas parce qu’il est un collègue depuis plus de 20 ans à La Presse que je le désigne par son prénom. Marc est avant tout un très grand ami. On s’est connus dans un journal étudiant il y a 30 ans, où on a rencontré un autre Alexandre, Sirois celui-là, lui aussi à La Presse. On ne s’est plus quittés depuis, tous les trois. Pas bien longtemps, en tout cas.

Il a presque été le premier d’entre nous à devenir papa. L’autre Alex l’a devancé de quelques jours. Ils ont deux fils chacun. Moi, l’inverse. Ses « fistons », je les ai donc connus au berceau, mais jamais aussi intimement que dans ces « chroniques de papa » que Marc signe depuis environ 10 ans les dimanches dans La Presse. Des textes aujourd’hui réunis dans Nos fistons, recueil touchant et fort bien tourné.

Ses fils, nos enfants

Remarquez : son livre ne s’intitule pas « mes », mais « nos » fistons. Marc, au fond, parle de ses fils autant que des vôtres. De mes filles aussi. Son sujet, c’est d’abord le lien qui nous unit à nos enfants, notre rôle de parent. « Être père, c’est une partie importante de ce que je suis », me dit Marc, qui est issu d’une famille de quatre enfants. Ce « désir d’être père », il l’a toujours eu en lui, comme une évidence.

Ses chroniques sont d’abord des « tranches de vie », qui s’attachent à ce que le quotidien a de plus ordinaire. « Ce ne sont ni les chroniques d’un père indigne ni celles d’un père qui a de l’allure », précise Marc. Il ne se voit pas comme un modèle de « nouveau père », tout en étant conscient de ne pas agir comme ceux d’avant. Comme bien d’autres papas d’aujourd’hui.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Marc Cassivi

On est impliqués dans pas mal tout, mais il faut reconnaître que la charge mentale, ce n’est pas nécessairement moi qui l’ai. Ce n’est pas moi qui prends les rendez-vous médicaux et tout ça, mais on en fait plus et on a envie d’être présents dans la vie de nos enfants.

Marc Cassivi

Changer des couches, donner le bain à bébé, lui faire à manger, faire rire son enfant en le revirant la tête en bas (avant le repas, de préférence), donner des bisous sur ses petits bobos et, plus tard, l’aider à panser les grandes blessures sur son cœur, ça va de soi pour bien des papas de notre âge. En fait, on aime vraiment ça.

Ce que montre Nos fistons, c’est moins le défi d’être parent que le bonheur d’être papa, que Marc raconte avec une infinie tendresse. Il pose sur ses fils un regard tantôt émerveillé, tantôt irrité (« Ils nous challengent », dit-il à propos des enfants), toujours aimant. « L’affection a toujours été présente. Le défi, c’est de ne pas avoir l’air cucul, dit-il, mais j’assume. »

Un regard sur la société

Ce qui distingue son recueil de chroniques, c’est aussi l’habileté avec laquelle Marc parle de la société en parlant de ses garçons. Il évoque l’apprentissage de la lecture et le sexisme à l’école, dit la peur qui l’habite quand des gars de l’âge de ses fils sont abattus en pleine rue à Montréal parce qu’ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment, parle de profilage racial en évoquant les cheveux d’un de ses fistons et, quand il raconte qu’il fait le ménage de son sous-sol, c’est surtout pour dire que son aîné gagne en autonomie et... avouer qu’il n’est vraiment pas pressé de le voir partir.

Souvent, l’anecdote de départ est une chose qui s’est passée pendant ma semaine : être père, voir ses enfants grandir, c’est aussi jeter un regard sur le monde qui permet d’aborder bien des thèmes. Après, je suis conscient que ma famille est privilégiée et que mes gars vont bien. Pas mal tous mes chums ont des enfants qui ont eu plus de défis que les miens...

Marc Cassivi

Il ne dit pas ça pour se vanter. Marc avoue d’ailleurs avoir parfois des scrupules à raconter une vie de famille plutôt « banale ». Il me semble plutôt que c’est ce qui fait la beauté de ses histoires. Des drames, il y en a partout, tout le temps. On ne prend pas suffisamment le temps de raconter les connivences qu’on développe avec ses enfants à travers les films qu’on regarde, les discussions qu’on a, les activités qu’on partage, les silences et l’intimité qu’on respecte.

Marc dit que ses fistons ont toujours le dernier mot sur ses chroniques, mais que ceux-ci ne le censurent presque jamais. En fait, ils se fichent même un peu que leur père publie un livre où il est question d’eux... Un jour, ils mesureront leur chance d’avoir accès à ce regard porté sur leur enfance et leur adolescence, narrées d’une plume habile et attentive, pleine d’humour et surtout d’amour.

Vous trouvez ça cucul ? J’assume.

En librairie le 13 juin

Nos fistons

Nos fistons

Somme Toute

176 pages