Se glisser dans la peau d’une personne autiste. Voici ce que propose l’œuvre de réalité virtuelle Les pieds en haut : Lou, qui a récemment été récompensée aux Prix Écrans canadiens. Notre journaliste a tenté l’expérience lors de son lancement officiel dans le cadre du mois de l’autisme.

Lunettes de réalité virtuelle au visage, écouteurs sur les oreilles, manettes dans les mains, nous plongeons dans l’univers de Lou, un jeune autiste qui fête son cinquième anniversaire.

Dans l’une des premières scènes, nous nous retrouvons dans une chambre. Notre chambre. Sur le lit trône notre toutou préféré, le seul qui arrive à nous consoler.

Sous nos doigts, les manettes vibrent, signe qu’un mouvement est attendu de notre part. Nous saisissons la peluche et tout devient rose autour de nous, comme si nous venions de plonger dans de la barbe à papa. C’est fascinant.

De retour dans la chambre, une voix nous invite à porter notre attention sur une boîte. Une nouvelle vibration se fait sentir. Nous approchons une main du couvercle et le claquons. D’abord timidement, puis avec force. Une musique s’élève. Dans la vraie vie, nous sourions. Cette pièce musicale improvisée est plutôt amusante. Puis, notre mère apparaît, fâchée d’entendre tant de vacarme. L’écran se noircit.

Dans les minutes qui suivent, nous sommes invités à battre des mains à la manière d’un oiseau, ce mouvement utilisé par de nombreuses personnes autistes pour se calmer. Nous vivons également d’autres frustrations parce que notre façon de jouer n’est pas la même que celle des autres.

Les pieds en haut : Lou nous transporte aussi à l’école secondaire. Autour de nous, nous voyons le regard tantôt intrigué, tantôt méchant des autres élèves. Nous entendons leurs jugements et leurs rires. Derrière les lunettes de réalité virtuelle, nous avons une pensée pour les jeunes autistes qui sont susceptibles de vivre du mépris quotidiennement.

Place à l’empathie

« Plus empathiques, c’est ce qu’on aimerait que les gens soient après avoir vécu l’expérience », nous confie d’ailleurs Martine Asselin, l’une des deux créatrices de cette œuvre unique en son genre.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Annick Daigneault et Martine Asselin

« Notre désir le plus profond, c’était d’amener le spectateur de sa posture passive à une posture active », ajoute sa complice Annick Daigneault.

Les deux femmes, qui ont chacune un fils autiste, sont convaincues qu’en permettant aux gens d’incarner le personnage de Lou, il est possible de « créer des ponts et de favoriser la rencontre et le dialogue ».

« Après l’avoir expérimenté, la prochaine fois que tu vois une personne autiste flapper [battre des mains], tu es moins déboussolé, tu trouves ça moins étrange, tu es moins mal à l’aise par rapport à ce comportement », donne comme exemple Martine Asselin.

On gagne à être curieux les uns envers les autres.

Annick Daigneault

Les deux créatrices ont elles-mêmes témoigné d’une grande curiosité pour l’autisme et ses différentes formes à travers le projet.

Pour imaginer le personnage de Lou, elles ont multiplié les rencontres avec des personnes autistes afin de mieux comprendre leur réalité, car elles ne vivent pas toutes la même chose.

« Il y en a qui n’acquerront jamais la parole. Il y a des gens hypersensibles. D’autres, hyposensibles. […] Sur le plan des rapports sociaux, c’est la même chose. Il y en a qui vont avoir plus de facilité à endosser les codes sociaux. D’autres, moins », explique Martine Asselin.

« L’autisme, c’est une différence neurologique. Ce n’est pas une maladie. C’est une perception, un décodage des informations qui est différent », résume-t-elle.

Un prix et des festivals

Martine Asselin et Annick Daigneault travaillent depuis 2016 sur le collectif d’œuvres Les pieds en haut. Avant de créer Lou, elles avaient donné vie à Mathys. Contrairement à son prédécesseur, ce nouveau volet est en 6D et permet d’être engagé physiquement, spécifie Annick Daigneault.

La semaine dernière, Les pieds en haut : Lou a été couronné Meilleure expérience immersive aux Prix Écrans canadiens. L’œuvre a également été présentée aux festivals internationaux South by Southwest, à Austin, et One World, à Prague.

Très fières de ce rayonnement, les deux créatrices qui militent pour une meilleure inclusion de la neurodiversité travaillent déjà sur le prochain volet : vivre avec l’autisme une fois adulte.

L’œuvre Les pieds en haut : Lou sera présentée le 22 avril à la Place des Arts, à Montréal, et le 29 avril au Musée national des beaux-arts du Québec, à Québec. Elle sera de retour dans la métropole, à la Cinémathèque québécoise, lors des Sommets de l’animation, les 13 et 14 mai.

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