La masculinité n’est pas une maladie, mais il y a des façons d’être un homme qui causent bien des maux aux gars et à leur entourage. Dans La masculinité antitoxique, Michel Dorais fait le tour de la question et propose un plan d’action aux hommes de bonne volonté.

Le discours au sujet des hommes change et des voix s’élèvent ici et là pour les inviter à se transformer. Le journaliste Mickaël Bergeron l’a fait en janvier dans Cocorico, essai convivial dont le sous-titre est « les gars, faut qu’on se parle ». Revoici maintenant Michel Dorais, éminent sociologue de l’intimité et de la sexualité, avec une proposition semblable : inviter les hommes à se regarder dans le miroir et à prendre acte de ce qui, dans leur façon d’être ou d’agir, doit changer pour qu’ils puissent être des agents positifs dans leur entourage.

« On n’est pas condamné à être toxique, précise d’emblée Michel Dorais. Ce sont les comportements qui sont toxiques, pas les personnes. Ça revient beaucoup dans le livre et c’est une chose à laquelle je tiens beaucoup. »

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

Michel Dorais, sociologue et essayiste

Sans être une somme des travaux du sociologue, La masculinité antitoxique bénéficie visiblement de ses nombreuses années d’intervention sociale et de ses décennies passées à enseigner et à faire de la recherche. Il brosse un portrait nuancé des hommes et de leurs comportements nocifs, en détaille les impacts sur eux-mêmes et sur les êtres qu’ils aiment, mais sans jamais verser dans la culpabilisation.

Il nomme la violence, le sexisme, le manque d’introspection et bien d’autres choses encore dans un seul but : inciter au changement. « Il y a une grande différence entre culpabiliser quelqu’un et le responsabiliser. Si je juge que quelqu’un est coupable dès le départ, ça ne va pas changer ses comportements », estime l’essayiste, qui a pris sa retraite de l’enseignement il y a un peu moins d’un an.

Virilité toxique

La masculinité antitoxique revient sur des éléments connus : la difficulté qu’ont les hommes à gérer leurs émotions, à demander de l’aide, à s’affranchir de vieux stéréotypes associés à la virilité (la force, la compétitivité, etc.), la pression sociale qui fait que les garçons et les hommes incitent leurs semblables à rentrer dans le rang de la masculinité. Or, Michel Dorais insiste sur un détail : ce n’est pas la masculinité le problème, c’est la virilité.

« Il y a beaucoup de façons d’être masculin. Les jeunes hommes, surtout, ont parfois des façons plus excentriques d’êtres masculins », relève-t-il, en citant Harry Styles, Timothée Chalamet et Hubert Lenoir, qui intègrent tous une part de féminité ou d’androgynie.

On voit désormais que la masculinité est plurielle, alors que la virilité est souvent définie comme l’envers du féminin.

Michel Dorais, sociologue et essayiste

Sans défendre une vision binaire des choses, Michel Dorais expose à quel point le rejet de valeurs ou de comportements dits « féminins » parce que socialement encouragés dans l’éducation des filles manque aux hommes qui adhèrent à une vision toxique de la virilité. Il pense à l’empathie, à la compassion, à l’expression de l’intimité, à l’écoute et à la patience. « Les gars finissent par l’apprendre, c’est vrai, reconnaît-il, mais souvent un peu tard. »

Cet homme antitoxique, c’est d’abord un gars qui apprend à contrôler ses émotions négatives (sa colère, qui peut virer en violence), à se regarder dans le miroir plutôt que de rendre les femmes responsables de son malheur (il pense notamment aux « célibataires involontaires », au discours misérabiliste et revanchard). Et plus largement, c’est un homme soucieux d’agir activement pour favoriser le respect et l’égalité entre les gens et les genres.

« On a besoin d’hommes bienveillants. On veut une société bienveillante, estime Michel Dorais. Et les hommes ont besoin de modèles de bienveillance. » Il croit que tout être humain peut en aider un autre, mais il constate aussi que certains hommes ont tendance à n’accorder de la crédibilité qu’à d’autres hommes. « Ça ne devrait pas, mais il y a des gars qui accordent de l’importance à ça », dit-il.

Plutôt que de juger, encore, il propose aux hommes antitoxiques d’agir en mentors, d’être solidaires de cette marche vers l’égalité, que les femmes ou les minorités sexuelles ou de genre n’ont pas à porter seules. « On a vu ce qui s’est passé dans le sport récemment, dit-il, évoquant les initiations humiliantes et les agressions sexuelles au hockey mineur. On a vu que, trop souvent, la solidarité est utilisée négativement. La solidarité, c’est d’abord d’empêcher ton ami de commettre un geste qui pourrait l’envoyer en prison. »

La masculinité antitoxique

La masculinité antitoxique

Trécarré

231 pages