On l’a connu à 7 ans. Revu à 14 ans. Puis de nouveau retrouvé, à 21 ans sonnés. Pour illustrer le quotidien, les défis, et surtout l’avenir, ô combien incertain, d’une famille avec un enfant (pardon : un adulte) polyhandicapé, La Presse ont passé 24 heures avec Philou. Et ses parents, surtout…

Philippe Brosseau (Philou) n’a pas changé. C’en est presque choquant. Cela fait pourtant sept bonnes années, or on a l’impression de ne jamais l’avoir quitté. À part sa grosse voix, il a gardé ses mêmes yeux doux, ses beaux cils courbés, et son impayable sourire de charmeur. Qu’il est, d’ailleurs !

Pour le reste, tout est pareil : il est toujours dans son fauteuil, aussi immensément dépendant qu’avant. À tous les égards : du lever au coucher en passant par les couches à changer et les repas à donner. Même la nuit, il faut encore (et toujours !) le retourner : une fois, deux fois, trois fois. Pour un sommeil fatalement entrecoupé. Bref, sa vie n’a pas évolué d’un iota. Ou à peine, au cours des 21 dernières années.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Philou n’a presque pas changé : il a toujours les mêmes yeux doux qu’on lui connaît.

Même s’il est aujourd’hui un homme, il ne prononce toujours pas un mot, et il est encore nourri à la cuillère. Il le sera jusqu’à la fin de ses jours.

« Les plus vieux ne sont pas sexy », dira sa mère, Diane Chênevert, lors de notre incursion dans son quotidien, tout récemment. « À l’âge adulte, elle est partie, la pitié. » Elle le sait et elle le voit. Fondatrice et directrice générale du Centre Philou, un organisme sans but lucratif offrant des services aux familles de personnes polyhandicapées, cette « pitié », comme elle dit, se mesure aussi en « dons ». Beaucoup plus facile d’aller chercher des sous pour les tout-petits, disons.

C’est sûr qu’ils sont moins cute. C’est un fait !

Diane Chênevert, mère de Philippe Brosseau

Pendant ce temps, son quotidien à elle, en tant que maman de ce grand enfant, n’a pas trop bougé non plus. Depuis 21 ans, avec son conjoint Sylvain Brosseau, Diane nourrit, porte, lave et change ce bébé géant. Religieusement. Nuit et jour. Jour après jour.

Tout en lui parlant, tout le temps. Dans une sorte de monologue sans fin. « Hein, Philippe ? », « let’s go, Philippe ! », « on regarde District 31, Philippe ? ». « Bon Dieu que je me répète ! »

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Demandez-lui comment elle va, elle vous répondra « fatiguée ». C’est une évidence. Non seulement son « train train » est épuisant et incessant, mais son fils, avec ses 45 kg, s’est aussi alourdi avec le temps. Tandis qu’elle, sait-elle (et constate-t-elle), va en vieillissant. « J’ai vraiment pris un coup de vieux dans les dernières années… » Elle a de plus en plus de mal à le porter seule. Pour le changer, le laver, le coucher, elle requiert l’aide de son fidèle conjoint, qui lui non plus ne va pas « dans la bonne direction ». « C’est clair que dans quelques années, ça ne va pas être drôle, renchérit-il. Comment on va faire pour être capables de nous en occuper ? On a de la difficulté à monter une chaîne de trottoir ! » Imaginez l’hiver. Imaginez dans 10 ans…

  • Diane peine aujourd’hui à lever seule son fils, qui pèse 45 kg.

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    Diane peine aujourd’hui à lever seule son fils, qui pèse 45 kg.

  • De plus en plus, elle requiert l’aide de son cher conjoint, Sylvain Brosseau.

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    De plus en plus, elle requiert l’aide de son cher conjoint, Sylvain Brosseau.

  • Objectif : passer du bon temps avec leur enfant. En famille.

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    Objectif : passer du bon temps avec leur enfant. En famille.

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Le « trou noir » des 21 ans

Mais il y a pire. À 21 ans, aussi majeurs et vaccinés soient-ils, pour Philou et tous les autres comme lui, c’est le « trou noir ». Finie, officiellement, l’école. Où vont ces jeunes, alors ? Que font-ils de leurs journées ? Et leurs parents ? Beaucoup de questions, peu d’options.

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Quel avenir pour ce grand bébé ?

Quelques rares centres de jour peuvent certes les accueillir, mais pour une poignée d’heures ici ou là, seulement. Sinon ? C’est la maison (et l’arrêt de travail conséquent d’un parent). Ou bien le CHSLD. Une avenue que les parents de Philou n’ont jamais envisagée.

Dans les dernières années, plusieurs parents de grands enfants handicapés se sont mobilisés pour dénoncer ce gouffre éducatif. À l’école secondaire Joseph-Charbonneau, on a monté un projet pilote (SASEFA, pour Services adaptés en santé/éducation de la formation adulte), pour accueillir quelques jeunes adultes, au-delà des fatidiques 21 ans. De son côté, le Centre Philou a aussi ouvert une « école » avec une trentaine de places pour les 21 à 29 ans. C’est là que va désormais Philou, symboliquement rebaptisé Philippe, depuis sa majorité.

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Philou restera avec ses parents aussi longtemps que ce sera physiquement possible, souhaitent-ils ardemment.

Sauf que là ne s’arrête pas le « trou noir ». Parce qu’à 21 ans, ce ne sont pas que les services éducatifs qui prennent le bord. Tous les services tout court s’évaporent. Exit le pédiatre et tous les spécialistes pour enfants affiliés (physios, ergos, etc.). « Trouve-toi un médecin généraliste, toi ! » Non, ça ne se précipite pas pour avoir un jeune polyhandicapé comme patient, comprend-on.

Les yeux de Diane se remplissent d’eau. « Oui, je suis émotive. Surtout maintenant. […] Nous, on est chanceux, très, très chanceux, on a quand même bien réussi notre vie, dit-elle. Mais il y en a beaucoup qui n’ont rien. […] L’idée, c’est de ne pas nous asseoir sur nos lauriers et de continuer nos batailles. »

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Si s’occuper de Philou est de plus en plus compliqué avec les années, Diane et Sylvain souhaitent se concentrer sur le moment présent et profiter de leur fils.

On va arrêter de brailler, mais on va continuer à se battre.

Diane Chênevert, mère de Philippe Brosseau

C’est un changement de taille : outre la fatigue et les émotions en montagnes russes (les larmes ne sont jamais loin chez Diane), on sent les parents ici nettement plus lucides qu’avant. Sereins ? Pas exactement. Mais moins anxieux, assurément. Apaisés, peut-être. Après avoir été « frustrés » des années, habités par un immense (infini) sentiment d’injustice, Diane et Sylvain se sont faits à l’idée. « Je ne dirais pas qu’on l’a accepté, mais on fait avec. » Ils ont surtout fait le pari, une fois tout cela digéré, de profiter désormais de leur fils. Pleinement. Parce qu’ils l’aiment infiniment. « On a réussi à passer à travers, il n’y a plus grand-chose qui va nous étonner. Est-ce qu’on baisse les bras ? On est fatalistes ? Ou carrément juste fatigués ? Je n’ai pas mis le doigt dessus. Mais on veut juste profiter de notre jeune… »

Le temps qu’il leur reste. Chaque nuit, Diane se lève aussi pour s’assurer que son Philou respire encore.

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Diane et Sylvain aiment leur fils immensément, et ça paraît.

Qu’a Philou ?

Né bleu, avec un nœud dans le cordon, Philippe Brosseau n’a jamais eu de diagnostic précis. Manque d’oxygène à la naissance ? Maladie génétique ? Virus ? Mystère. Seul et unique verdict : paralysie cérébrale aiguë. Conséquence : le jeune homme est lourdement handicapé physiquement, mentalement, sans parler de toutes ses autres comorbidités (épilepsie, scoliose, problèmes respiratoires, etc.). Bref : dépendant à vie. Et à la merci d’un étouffement ou d’une éventuelle pneumonie. Combien sont-ils, comme lui ? Impossible de le savoir exactement, les statistiques officielles réunissant, sous un même chapeau, toutes les personnes vivant avec une « incapacité », des aveugles aux accidentés de la route. De son côté, Diane Chênevert – après analyse de leur prévalence en Europe (où les polyhandicapés sont un groupe à part), en décortiquant les chiffres des écoles spécialisées et les demandes de financement pour « soins exceptionnels » – estime « grosso modo » qu’il y aurait 3000 Philou au Québec.

Relisez nos reportages

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Philou à 7 ans

Il avait 7 ans la première fois que nous avons passé 24 heures avec Philou, cet enfant lourdement handicapé.

Lisez « Une journée dans la vie de Philou », 28 janvier 2008

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Philou à 14 ans

Sept ans plus tard, nous sommes retournés le voir, découvrant au passage tous les nouveaux défis à relever.

Lisez « Un bébé dans un corps d’ado », 30 mars 2015

24 heures avec Philou

Ses journées n’ont pas trop changé en 21 ans. Le regard que ses parents portent sur lui, si. Parce que Philippe est un homme, maintenant. Immersion, en 12 temps.

  • 13 hI On rejoint Philippe Brosseau dans les locaux du Centre Philou, un mercredi après-midi. Les retrouvailles, sept ans après notre dernier reportage, sont émouvantes. Il n’a presque pas changé. Dans sa main, il tient sans relâche un hochet. Ou plutôt : un « shake a shake », pour exprimer sa joie, un « oui », un « non ». Sur demande. Ou pas. Il crie surtout beaucoup sa joie.

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    13 hI On rejoint Philippe Brosseau dans les locaux du Centre Philou, un mercredi après-midi. Les retrouvailles, sept ans après notre dernier reportage, sont émouvantes. Il n’a presque pas changé. Dans sa main, il tient sans relâche un hochet. Ou plutôt : un « shake a shake », pour exprimer sa joie, un « oui », un « non ». Sur demande. Ou pas. Il crie surtout beaucoup sa joie.

  • 13 h 30 I Ici, dans l’école, ouverte en 2018, pour les 21-29 ans, chaque élève est jumelé à un « accompagnateur-éducateur ». Les professionnels ne les lâchent pas d’une semelle (ou d’un pneu), pour les stimuler, les changer, les nourrir, leur administrer leur cocktail de médicaments, et les stimuler encore. « Philou a le meilleur sourire, nous dit Allison Randolph. Ce sont vraiment des jeunes qui ont la plus grande joie de vivre au monde. »

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    13 h 30 I Ici, dans l’école, ouverte en 2018, pour les 21-29 ans, chaque élève est jumelé à un « accompagnateur-éducateur ». Les professionnels ne les lâchent pas d’une semelle (ou d’un pneu), pour les stimuler, les changer, les nourrir, leur administrer leur cocktail de médicaments, et les stimuler encore. « Philou a le meilleur sourire, nous dit Allison Randolph. Ce sont vraiment des jeunes qui ont la plus grande joie de vivre au monde. »

  • 14 hI La journée de Philippe est divisée en différentes activités : étirements, yoga, musique, cuisine. Ici, c’est l’heure de l’informatique. Il « choisit » un jeu, à l’aide d’un bouton « oui » ou « non ». Le programme pédagogique est entièrement orienté vers des apprentissages associés à la « vraie vie ». Ça n’a l’air de rien, et pourtant, en fin de journée, Philippe est brûlé.

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    14 hI La journée de Philippe est divisée en différentes activités : étirements, yoga, musique, cuisine. Ici, c’est l’heure de l’informatique. Il « choisit » un jeu, à l’aide d’un bouton « oui » ou « non ». Le programme pédagogique est entièrement orienté vers des apprentissages associés à la « vraie vie ». Ça n’a l’air de rien, et pourtant, en fin de journée, Philippe est brûlé.

  • 15 h 30 I C’est la fin de la journée, bien méritée, pour Philippe. « Il travaille très fort », nous confie son éducatrice, tout en se battant avec son lourd fauteuil, dans l’entrée glacée de sa maison. Une routine hivernale aussi inévitable qu’éprouvante. « Quand il y a une tempête, c’est l’enfer, on doit être trois à le pousser… »

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    15 h 30 I C’est la fin de la journée, bien méritée, pour Philippe. « Il travaille très fort », nous confie son éducatrice, tout en se battant avec son lourd fauteuil, dans l’entrée glacée de sa maison. Une routine hivernale aussi inévitable qu’éprouvante. « Quand il y a une tempête, c’est l’enfer, on doit être trois à le pousser… »

  • 17 h 30 I À la maison, la gardienne (gracieuseté d’un programme d’aide gouvernemental) le nourrit. C’est un gros changement dans la vie de la famille. Longtemps, Diane Chênevert, sa mère, a tenu à tout faire. Ensemble. En famille. « Je n’aimais pas ça qu’on ne fasse pas ça en famille. Mais à un moment donné, tu es plus capable. Tu es juste très, très fatiguée, et tu as juste envie de t’asseoir. […] Ça nous aura pris 20 ans à trouver une routine ! », sourit-elle, mi-résignée, mi-apaisée.

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    17 h 30 I À la maison, la gardienne (gracieuseté d’un programme d’aide gouvernemental) le nourrit. C’est un gros changement dans la vie de la famille. Longtemps, Diane Chênevert, sa mère, a tenu à tout faire. Ensemble. En famille. « Je n’aimais pas ça qu’on ne fasse pas ça en famille. Mais à un moment donné, tu es plus capable. Tu es juste très, très fatiguée, et tu as juste envie de t’asseoir. […] Ça nous aura pris 20 ans à trouver une routine ! », sourit-elle, mi-résignée, mi-apaisée.

  • 18 hI L’heure du bain. Philippe est de plus en plus lourd, et ça paraît. C’est ici, déshabillé et sans vêtements (normalisants), dans les bras de son père, Sylvain Brosseau (le « mari adoré » avec qui Diane partage sa vie depuis 30 ans), qu’apparaît son infinie vulnérabilité. C’est que son dos est cambré à 90 degrés. Une opération pour tenter de le redresser, il y a quelques années, a malheureusement échoué. Il est donc condamné à porter un corset à jamais.

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    18 hI L’heure du bain. Philippe est de plus en plus lourd, et ça paraît. C’est ici, déshabillé et sans vêtements (normalisants), dans les bras de son père, Sylvain Brosseau (le « mari adoré » avec qui Diane partage sa vie depuis 30 ans), qu’apparaît son infinie vulnérabilité. C’est que son dos est cambré à 90 degrés. Une opération pour tenter de le redresser, il y a quelques années, a malheureusement échoué. Il est donc condamné à porter un corset à jamais.

  • 21 hI Une fois nourri, lavé, changé, Philou s’assoit avec ses parents. Il est calme, et un parfum de normalité plane. On ne l’entendra pour ainsi dire pas du reste de la soirée. Après avoir vécu 20 ans dans « l’environnement de Philou », pour et seulement pour lui, c’est un peu comme si, désormais, les choses étaient inversées : « Il est dans notre environnement. » La grande sœur, Camille, étant partie vivre en appartement, le couple « a accepté le fait que Phil est [sa] troisième roue ! », dira même Diane en riant.

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    21 hI Une fois nourri, lavé, changé, Philou s’assoit avec ses parents. Il est calme, et un parfum de normalité plane. On ne l’entendra pour ainsi dire pas du reste de la soirée. Après avoir vécu 20 ans dans « l’environnement de Philou », pour et seulement pour lui, c’est un peu comme si, désormais, les choses étaient inversées : « Il est dans notre environnement. » La grande sœur, Camille, étant partie vivre en appartement, le couple « a accepté le fait que Phil est [sa] troisième roue ! », dira même Diane en riant.

  • 2 hI La nuit, Diane se lève religieusement toutes les trois heures, à minuit, 3 h, puis 6 h, pour tourner son fils, question d’éviter qu’il ne s’ankylose. C’est ainsi chaque nuit. Depuis toujours. Et c’est acquis : elle n’a même pas besoin d’un réveil. Depuis 21 ans : « J’entends une mouche voler… »

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    2 hI La nuit, Diane se lève religieusement toutes les trois heures, à minuit, 3 h, puis 6 h, pour tourner son fils, question d’éviter qu’il ne s’ankylose. C’est ainsi chaque nuit. Depuis toujours. Et c’est acquis : elle n’a même pas besoin d’un réveil. Depuis 21 ans : « J’entends une mouche voler… »

  • 8 hI Vers 8 h, Diane réveille son garçon, après avoir elle-même avalé un bon café. Dans une autre vie, elle en buvait 14 (oui, 14 !) par jour. Mais plus aujourd’hui. Un gros filtre lui suffit pour lancer sa journée. Et la routine qui repart de plus belle : changement de couche, lait, purée et, nouveauté, le rasage de Philippe. L’automne dernier, il a même fait Movember avec son père ! (Il aime aussi le scotch, mais ça n’a rien à voir !)

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    8 hI Vers 8 h, Diane réveille son garçon, après avoir elle-même avalé un bon café. Dans une autre vie, elle en buvait 14 (oui, 14 !) par jour. Mais plus aujourd’hui. Un gros filtre lui suffit pour lancer sa journée. Et la routine qui repart de plus belle : changement de couche, lait, purée et, nouveauté, le rasage de Philippe. L’automne dernier, il a même fait Movember avec son père ! (Il aime aussi le scotch, mais ça n’a rien à voir !)

  • 8 h 50 I Une éducatrice vient chercher Phil pour l’emmener à l’école, à moins de 100 m de la maison, pour une autre journée bien remplie. Diane Chènevert ne le cache pas : tous ses projets qu’elle a lancés, ce Centre Philou au grand complet, ont un peu sauvé sa santé mentale depuis toutes ces années. « À cent mille à l’heure… »

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    8 h 50 I Une éducatrice vient chercher Phil pour l’emmener à l’école, à moins de 100 m de la maison, pour une autre journée bien remplie. Diane Chènevert ne le cache pas : tous ses projets qu’elle a lancés, ce Centre Philou au grand complet, ont un peu sauvé sa santé mentale depuis toutes ces années. « À cent mille à l’heure… »

  • 10 hI Activité toute spéciale, de type « spa », ce matin. Il s’agit d’un émouvant hommage à Shayne, jeune polyhandicapé mort en s’étouffant la semaine d’avant. Les élèves se font donc masser par leur accompagnateur, touchent des textures, expérimentent le chaud et le froid, au son d’une douce musique relaxante. Parce que Shayne, qui avait le même âge que Philippe, aimait ça, le spa.

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    10 hI Activité toute spéciale, de type « spa », ce matin. Il s’agit d’un émouvant hommage à Shayne, jeune polyhandicapé mort en s’étouffant la semaine d’avant. Les élèves se font donc masser par leur accompagnateur, touchent des textures, expérimentent le chaud et le froid, au son d’une douce musique relaxante. Parce que Shayne, qui avait le même âge que Philippe, aimait ça, le spa.

  • 10 h bisI « Avant, je me garrochais au bureau. » Au grand dam de son mari, et de leur qualité de vie. Mais plus maintenant. Une fois fiston parti, Diane, qui aura bientôt 62 ans, prend désormais quelques minutes pour respirer, lire son journal, et finir son café. « Oui, j’ai gagné en qualité de vie, sourit-elle. Mais ça ne veut pas dire que je suis moins fatiguée… »

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    10 h bisI « Avant, je me garrochais au bureau. » Au grand dam de son mari, et de leur qualité de vie. Mais plus maintenant. Une fois fiston parti, Diane, qui aura bientôt 62 ans, prend désormais quelques minutes pour respirer, lire son journal, et finir son café. « Oui, j’ai gagné en qualité de vie, sourit-elle. Mais ça ne veut pas dire que je suis moins fatiguée… »

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En finir avec le « trou noir »

Le Centre Philou offre différents services aux familles de personnes polyhandicapées : centre de répit, école, même une garderie. Prochaine mission : assurer un avenir aux quelque 200 familles qui y reçoivent des services. Pour ces grands enfants si dépendants. Résumé des derniers projets, en trois temps.

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Hannah « sert » le café du Philou Café, avec l’aide de son accompagnatrice-éducatrice. L’activité s’inscrit dans une philosophie qui vise à « impliquer » ces jeunes adultes dans la communauté, à la hauteur de leurs capacités.

Un centre d’hébergement en chantier

Qui va s’occuper de ces jeunes quand leurs parents ne seront plus aptes à le faire ? C’est la grande question que tout le monde se pose, et sur laquelle Diane Chênevert, fondatrice et directrice générale, planche activement ces jours-ci. Son rêve : un « habitat », comprenant un centre de jour, mais aussi un lieu de vie (et de nuit), pour les 21 ans et plus polyhandicapés, où ceux-ci seraient « accompagnés » (on parle d’accompagnement individualisé), et surtout « intégrés ». L’idée ? Surtout pas les « parker », résume-t-elle, mais plutôt les « impliquer dans la communauté ». Objectif : « Qu’ils se sentent utiles ! » Une philosophie qui s’inscrit dans le prolongement de celle de son « école » (pour les 21 à 29 ans, ouverte depuis 2018), où plusieurs activités vont précisément en ce sens. Pensez : horticulture, confection de confitures, pourquoi pas des expositions, au moyen de collectes de fonds, réalisées par les jeunes, évidemment avec l’aide de leurs accompagnateurs-éducateurs. « Pourquoi ils ne le pourraient pas ? »

Un centre d’expertise à venir

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Philou et sa mère, Diane Chênevert, dans les couloirs colorés du centre

En collaboration avec le CHUM et Sainte-Justine, le Centre Philou souhaite monter un centre d’expertise pour les familles de personnes polyhandicapées, une clientèle certes minoritaire, mais pour le moins mal servie. L’idée : assurer une « fluidité » dans les services, de l’enfance à l’âge adulte. « Mieux les connaître, mieux les accompagner, pour mieux les soigner », résume Diane Chênevert, qui a vu personnellement tous les services offerts à son fils s’évaporer quand il a eu 18 ans. Un peu à la manière d’un groupe de médecine de famille (GMF), ce centre d’expertise réunirait des médecins, mais aussi des conseillers pédagogiques, financiers, travailleurs sociaux, etc.

Une garderie nouvellement inaugurée

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La garderie, avec un ratio d’un pour un, mise avant tout sur le développement du plein potentiel de ces enfants.

En chantier depuis deux ans, la garderie (0-5 ans) du Centre Philou venait d’obtenir formellement son permis la veille de notre passage, à la mi-mars. Il s’agit, sauf erreur, de la première garderie pour enfants polyhandicapés au Québec. Avec ses 10 places (et autant d’intervenants, de nouveau dans un ratio d’un pour un), cette garderie privée non subventionnée cible ici le développement complet des enfants, avec des activités structurées (de type développement sensoriel, moteur, etc.), des jeux libres, même de la musique, le tout inspiré du programme pédagogique (Accueillir la petite enfance) pour les services de garde éducatifs à l’enfance du ministère de la Famille. À contre-courant de la tendance actuelle de l’inclusion, cette garderie table davantage sur le « développement du plein potentiel » ici et maintenant des enfants, en vue de mieux les inclure « plus tard », résume Diane Chênevert. À noter que le Centre Philou est essentiellement financé par des dons privés (60 %), ainsi que par des subventions gouvernementales (40 %).