Comme d’autres nutritionnistes, Houda Hatem est présente sur Instagram. Ce qui est original, c’est que la jeune femme de Pierrefonds y donne notamment — avec humour — des conseils aux musulmans pour mieux vivre le ramadan, qui commence le 13 avril. Rencontre en six points.

Pas de gruau pour déjeuner

Même si les immigrants formaient 12,6 % de la population du Québec en 2011, rares sont les nutritionnistes d’origine étrangère. Cela complique la vie de certains patients, qui peuvent être gênés d’expliquer qu’ils mangent un tajine aux légumes ultra cuits plutôt qu’une salade au chou frisé.

« Plusieurs clientes me disent : “J’ai déjà consulté une nutritionniste, mais elle ne me comprenait pas vraiment”, témoigne Houda Hatem, membre de l’Ordre professionnel des diététistes du Québec (OPDQ). Or, manger satisfait des besoins physiques, mais aussi sociaux et culturels. “Quand j’étais en stage dans un CHSLD, j’ai vu qu’un patient d’origine égyptienne avait du gruau pour déjeuner, se souvient la nutritionniste. J’ai dit : ‘Ça ne va pas marcher.’ Ma superviseure l’a par la suite reconnu. ‘Tu avais raison, le résidant préférerait avoir du fromage et du pain’, m’a-t-elle dit.”

Consultations en ligne

Née en Algérie, Houda Hatem a grandi à Montréal. C’est au cégep de Saint-Laurent qu’elle a eu l’idée de devenir nutritionniste. « Dans un cours de sport, on a abordé la nutrition et les emballages, se rappelle la jeune femme. J’ai trouvé ça tellement intéressant. Je me suis dit que j’allais aider les gens. Travailler avec eux, pour qu’ils trouvent des solutions créatives à leurs problèmes. Dès le départ, je savais que je ne proposerais pas une solution One size fits all. »

Diplômée de l’Université McGill en 2018, Houda Hatem est devenue nutritionniste en milieu hospitalier et en pratique privée. Houda nutrition — c’est le nom de son site internet — propose des consultations en ligne basées sur l’alimentation méditerranéenne, particulièrement aux femmes qui ont tendance à oublier de prendre soin d’elles.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

« J’essaie d’aborder le concept d’alimentation intuitive, dit Houda Hatem. Pendant le mois de ramadan, c’est plus difficile, parce qu’on va réprimer notre faim et notre soif pour jeûner. »

Mois de ramadan

Cette année, le 13 avril est le premier jour du ramadan, selon l’Association musulmane du Canada. Pendant un mois, les musulmans pratiquants adultes et en santé doivent jeûner de l’aube jusqu’au coucher du soleil. Si certains se réjouissent de ne plus avoir à préparer de lunchs (oui, oui), d’autres stressent à l’idée de grossir en mangeant trop, le soir venu. « Même si l’objectif devrait être spirituel, non pas de perdre du poids, ça revient », constate Houda Hatem.

« Pendant le ramadan, on a une plus grande sensibilité aux aliments, explique-t-elle. Notre corps va avoir des envies alimentaires. Il va rechercher le sucre, qui est une source d’énergie. Des gens ont aussi envie d’aliments salés. Je leur explique que c’est parce que le corps n’est pas hydraté. Le corps va chercher du sel, parce que le sel retient l’eau. Le ramadan est une excellente période pour avoir des discussions sur l’alimentation. »

Boire et manger la nuit

Au début du ramadan, les Montréalais qui pratiquent ce jeûne religieux pourront boire et manger entre 19 h 38 et 4 h 43 le lendemain matin — une période qui raccourcit quotidiennement, comme les nuits. Deux repas sont normalement proposés : l’iftar au coucher du soleil et le suhoor avant l’aube. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) émet des recommandations alimentaires pour le mois de ramadan, conseillant par exemple de boire beaucoup d’eau une fois la nuit tombée.

Pour être énergisé durant la journée, Houda Hatem suggère de manger des aliments protéinés et riches en fibres avant le lever du soleil, comme du quinoa, des pistaches, du yogourt grec, des figues, des abricots secs et du son de blé ou d’avoine. Sur Instagram, elle rappelle avec humour qu’il vaut aussi mieux réduire d’avance le café…

Jeûne à la mode

Le jeûne du ramadan est un « jeûne sec », selon Le grand livre du jeûne, publié par la Dre Évelyne Bourdua-Roy, médecin de famille, et la neuroscientifique Sophie Rolland, aux éditions Pratico Pratique. « La déshydratation qu’il provoque ajoute un degré de difficulté qui ne semble pas avoir de bénéfice particulier d’un point de vue médical », écrivent-elles. Ce jeune sans liquide pourrait être dangereux pour les reins s’il se prolongeait au-delà d’une journée, ce qui n’est pas le cas pendant le ramadan. « Nous respectons le choix de ceux qui le pratiquent pour des raisons religieuses et les soutenons pendant leur jeûne », précisent les autrices.

« Le jeûne intermittent est un peu venu briser le tabou du jeûne, estime Houda Hatem. C’est à la mode, alors que le ramadan, ça fait 1400 ans que des gens le font, sans que ça soit à la mode… » La nutritionniste souligne que ramadan n’égale pas famine. « Dans un état de famine, le corps va chercher des protéines dans les muscles et son immunité est affectée, rappelle-t-elle. Ce n’est pas ça : on mange quand même deux repas par jour. »

Ramadan en pandémie, bis

Pour la seconde fois, le ramadan est assombri par la pandémie. « Je m’accrochais à l’idée que cette année, ça pourrait être normal, dit Houda Hatem. Mais non. » Habituellement, le repas du soir du ramadan est l’occasion de se rassembler, chez les gens ou dans les mosquées. « L’année dernière, j’ai mangé tous mes repas de ramadan seule chez moi, se souvient la jeune femme. J’avais fait un repas Zoom avec mes parents et mes sœurs, c’est tout. Ce ramadan-ci, je suis heureusement avec mes parents. »

> Consultez le compte Instagram d’Houda Hatem