Samuel Coulombe, 19 ans, a perdu son emploi — une conséquence de la pandémie de coronavirus. Un malheur ne venant jamais seul, il ne peut plus voir son amoureuse, car elle travaille… dans un hôpital de New York. Frédérik Lagacé, 15 ans, est aussi privé de voir sa copine. Ce sont ses parents qui l’en empêchent, car sa sœur tousse un peu.

Près de 900 000 jeunes âgés de 10 à 19 ans vivaient au Québec en 2019, selon l’Institut de la statistique. Parmi eux, des adolescents ne peuvent plus fréquenter leurs amoureux vivant sous un autre toit, tandis que d’autres continuent de roucouler ensemble. Que faut-il exiger, comme parents ?

« Il faut être plus vigilants que pas assez, répond la Dre Julie St-Pierre, pédiatre et fondatrice de la Clinique 180. On sait maintenant qu’il y a une bonne quantité d’enfants qui peuvent être porteurs et être complètement asymptomatiques. Ce qu’ils font, c’est qu’ils excrètent simplement du virus. » Ces jeunes sont contagieux, sans être malades — d’où l’importance de limiter les contacts.

Pas d’accord

Frédérik Lagacé n’est pas d’accord avec l’interdiction de fréquenter sa copine, même si sa sœur a un peu de toux. « Ça fait une semaine que je ne l’ai pas vue, malheureusement, témoigne-t-il. Je comprends qu’elle ne vienne pas chez moi, mais aller chez elle me semble logique. » En attendant, l’adolescent continue de travailler dans un supermarché — on le remercie d’ailleurs d’assurer ce service essentiel.

Les familles font bien d’être strictes, selon la Dre Julie St-Pierre. « En pédiatrie, ce n’est pas rare qu’on demande aux parents de reprendre leur rôle de parents, justement, et d’établir des limites », souligne-t-elle. Le problème s’est posé chez elle : le fils adulte de son mari a dû choisir entre rester chez son père ou aller vivre chez sa copine — il a décidé de s’installer chez cette dernière, le temps de la crise.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

« On peut dire aux jeunes : “Un jour, tu pourras raconter à tes petits-enfants que tu as participé de façon collective à sauver des vies”, dit Dre Julie St-Pierre. Ce n’est pas banal. »

« Ce sont des choix qui ne sont pas faciles à faire, souligne la Dre St-Pierre. Il faut expliquer pourquoi c’est si important. »

Amours virtuels

Samuel Coulombe se résigne à ne pas retrouver son amoureuse au début d’avril, comme prévu. « On joue aux jeux vidéo ensemble et on FaceTime tous les jours », dit-il.

Malgré le fait que ça rend ma relation à distance encore plus difficile, je crois honnêtement que par raison de sécurité, fermer la frontière est la bonne chose à faire.

Samuel Coulombe

PHOTO FOURNIE PAR SAMUEL COULOMBE

Samuel Coulombe, de Saint-Côme, ne peut plus voir sa copine Naima Knox, qui vit à New York.

Sa copine Naima Knox est du même avis. « Beaucoup de gens ne prennent pas la situation au sérieux, souligne-t-elle, alors c’est ce qu’il fallait faire. »

Jusqu’à mardi, Élianne, 17 ans, voyait quant à elle toujours son amoureux, dont la famille travaille à l’extérieur du domicile. Cela inquiétait les parents de l’adolescente, confinés à la maison. Après bien des discussions et des larmes, le jeune couple a convenu d’arrêter de se fréquenter « en vrai ».

« Je comprends la situation », dit Élianne, qui tient à protéger sa grand-mère de 80 ans. La jeune fille communique virtuellement avec son copain, « mais ce n’est pas pareil », fait-elle valoir.

Pareil pour les adultes

« À l’adolescence, le petit chum ou la petite blonde, c’est une source de réconfort, reconnaît la Dre Julie St-Pierre. Surtout quand les parents sont un peu survoltés par tout ce qui se passe : il y en a qui perdent leur travail, qui ont d’autres enfants à charge, qui travaillent dans le réseau de la santé… Mais ce réconfort entre adolescents doit se faire par des réseaux sociaux. Quand on entend le DHoracio Arruda dire que sa femme est à Montréal et qu’il ne la verra pas, on comprend que c’est un effort à faire. »

Cela signifie que les adultes en couple avec une personne ne vivant pas à la même adresse — il y en avait près de 1,5 million au pays en 2017, selon Statistique Canada — devraient aussi cesser les contacts ? « Effectivement, dit la Dre Julie St-Pierre. Vivre dans deux maisons différentes, ça augmente les déplacements et les risques de contagion. C’est un petit sacrifice de quelques semaines qu’on demande aux Québécois. »