Les fêtes de fin d’année arrivent au grand galop et bien des foyers se posent des questions sur la façon d’organiser leurs soupers familiaux. Fera-t-on encore face à une énième vague accompagnée de son écume de restrictions ? Faut-il encore jouer de prudence avec ses invités ? Et que faire si certains membres de la famille ou amis se montrent réticents ou anxieux à l’idée d’une grande tablée ?

Avant de se pencher sur la gestion psychologique de l’organisation imminente des Fêtes, les professionnels que nous avons consultés ont tous pointé, en préambule, dans la même direction : il faudra d’abord et avant tout se brancher sur les experts virologues et épidémiologistes, ainsi que sur les consignes de la Santé publique données le temps venu, pour obtenir un portrait juste de la situation.

En attendant, nous avons pris la température actuelle auprès de la Dre Cécile Tremblay, microbiologiste-infectiologue au Centre hospitalier de l’Université de Montréal, qui souligne que la COVID-19 pourrait ne pas être la seule à vouloir s’inviter au party.

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La Dre Cécile Tremblay, professeure titulaire au département de microbiologie, immunologie et infectiologie de l’Université de Montréal

« Il faut considérer que nous risquons d’être aux prises avec trois virus respiratoires : la COVID-19, l’influenza et le VRS [virus respiratoire syncytial]. Il faudra adopter une approche syndromique : si on a des symptômes comme de la fièvre, de la toux, un mal de gorge, etc., il faudra se masquer, éviter les contacts, respecter l’hygiène des mains et ne pas se rendre dans des rassemblements », préconise-t-elle. Selon la chercheuse, il serait plus prudent d’organiser les célébrations en plus petits groupes et, surtout, protéger les plus vulnérables comme les personnes âgées ou immunosupprimées.

Congédier la girouette

L’experte en psychologie sociale Roxane de la Sablonnière a quant à elle un message à faire passer au gouvernement : pas de tours de girouette, cette année, s’il vous plaît. « Cette période charnière de l’année devrait vraiment être considérée par les gouvernements. On ne veut pas avoir une période d’incertitude juste avant, comme on en a eu par le passé, avec un va-et-vient entre l’autorisation de se rassembler et son interdiction. Ce contexte d’incertitude est difficile à vivre pour les gens », souligne la professeure au département de psychologie de l’Université de Montréal.

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Roxane de la Sablonnière, professeure au département de psychologie de l’Université de Montréal

« Mieux vaut se parler dès maintenant, voir si des efforts peuvent être fournis dès aujourd’hui pour éviter des restrictions. Il faudrait que le gouvernement se positionne et, idéalement, qu’il ne change pas d’idée en cours de route », plaide-t-elle.

Éviter l’évitement

En attendant de connaître le menu des restrictions de Noël 2022, invités et organisateurs nagent un peu dans la brume et certains montrent des réticences à l’idée de s’attrouper alors que le virus pourrait encore rôder dans la bergerie.

Pour le DJoaquin Poundja, psychologue à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas du CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, la crainte du virus reste utile, du moment qu’elle demeure contrôlée et modérée. Mais des individus plus anxieux pourraient continuer de rechigner même si la Santé publique indique que les feux sont au vert ; en d’autres mots, verser dans le phénomène de l’évitement.

« Les personnes très anxieuses pourraient être tentées d’éviter davantage les rassemblements, mais l’évitement maintient l’anxiété. Quand on évite une source anxiogène, le cerveau peut l’interpréter comme : voilà, tu es hors de danger parce que tu en as évité la source. Cela démontre au cerveau qu’il a raison d’être anxieux », explique le psychologue.

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Joaquin Poundja, psychologue à l’Insitut universitaire en santé mentale Douglas

Pour ces personnes particulièrement réticentes, il recommande de réduire ce réflexe d’évitement de façon graduelle, quitte à se faire épauler par un professionnel de la santé. « Passer d’un évitement complet à aller dans les fêtes, ça risque d’être trop anxiogène pour certaines personnes », prévoit-il. Là encore, la solution de petits regroupements pourrait mieux faire passer la pilule si les craintes sont encore prévalentes.

Le DPoundja préconise aussi de bien se renseigner sur les recommandations fournies par la Santé publique et les spécialistes du domaine afin d’obtenir un portrait réaliste et d’enrayer une surestimation des risques réels — l’effet « microscope ».

Le psychologue se place également du point de vue des organisateurs qui pourraient se heurter aux réserves de leurs hôtes. « Il n’y aura pas une seule recette dans la façon optimale d’interagir face aux personnes invitées plus anxieuses. Ceux qui invitent devraient éviter de les juger ou les critiquer, car cela augmente l’anxiété, mais à l’inverse écouter, dialoguer, développer une empathie. Le soutien est une des meilleures formes de protection par rapport au stress », lance-t-il, rappelant qu’il faudra adapter nos solutions à chaque contexte et profil d’invité particuliers.