Les meilleurs romans de 2020 sont à l’image de l’année : un peu tourmentés, mais absolument captivants.

Quand rien ne va plus

Parti se ressourcer dans une retraite silencieuse, Emmanuel Carrère voulait écrire « un livre sympa sur le yoga » qu’il pratique depuis plusieurs décennies. Mais la vie en a décidé autrement : attentats de Charlie Hebdo, rupture amoureuse, dépression profonde, internement, tout ça entrecoupé de rencontres sensuelles dans des chambres d’hôtel… Ce récit plonge au plus profond de l’expérience humaine et nous raconte le douloureux périple d’être soi. Imparfait, mais terriblement touchant.

Yoga, d’Emmanuel Carrère, chez P. O. L., 400 pages.

La femme obsolète

PHOTO FOURNIE PAR LE SEUIL

Le cœur synthétique, de Chloé Delaume

À l’âge de 47 ans, Adélaïde se retrouve célibataire. Cette attachée de presse dans une maison d’édition n’avait pas prévu le choc qui l’attendait. Fin quarantaine, la majorité des femmes sont frappées d’un mystérieux mal : elles deviennent pratiquement invisibles. Entre les soirées en solitaire et les rencontres décevantes, Adélaïde voit son horizon se rétrécir. Heureusement, les copines sont là ! Un roman décapant et souvent drôle qui, en somme, célèbre l’amitié au féminin.

Le cœur synthétique, de Chloé Delaume, au Seuil, 208 pages.

Coupable malgré elle

PHOTO FOURNIE PAR ACTES SUD

Chavirer, de Lola Lafon

Lola Lafon a une façon originale de nous emmener au cœur d’une histoire. Elle ne prend jamais ses sujets de front, préférant les faire éclater pour nous en montrer les différentes facettes. Dans Chavirer, elle nous raconte l’histoire d’une jeune danseuse remplie de rêves qui deviendra complice d’un réseau pédophile. Victime et coupable, un destin que Cléo portera difficilement toute sa vie. Mine de rien, Lafon réussit à susciter de l’empathie pour cette bouleversante Cléo. À nous de chavirer.

Chavirer, de Lola Lafon, chez Actes Sud, 348 pages.

Un drame inoubliable

PHOTO FOURNIE PAR ALBIN MICHEL

Nickel Boys, de Colson Whitehead

Fondée en 1900, la Florida School for Boys ou Dozier School était une école de réforme qui accueillait les garçons difficiles. Certains ont profité de leur passage pour reprendre le droit chemin, mais d’autres n’ont pas eu cette chance. Car cette école, qui a fermé ses portes en 2011, infligeait aux garçons noirs des traitements d’une cruauté et d’une brutalité absolument effroyables. Cette histoire poignante a valu à son auteur son deuxième prix Pulitzer en carrière.

Nickel Boys, de Colson Whitehead, traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Recoursé, chez Albin Michel, 224 pages.

Quand tout bascule

PHOTO FOURNIE PAR CHEVAL D’AOÛT

Faire les sucres, de Fanny Britt

Un coup dur du destin et un couple s’effondre. Pourtant, de l’extérieur, Mario et Adam avaient l’air si solides. Mais un accident durant leurs vacances idylliques à Martha’s Vineyard les ébranle jusqu’en leur cœur. Dans ce roman très maîtrisé, Fanny Britt touche à des questions fondamentales. Au fond, demande l’auteure, de quel bois sommes-nous faits ? Il n’y a rien comme les épreuves pour révéler qui nous sommes vraiment, une fois que les masques sont tombés et que les artifices ont perdu de leur magie.

Faire les sucres, de Fanny Britt, chez Cheval d’août, 304 pages.

Larmes de bébé

PHOTO FOURNIE PAR LIBRE EXPRESSION

em, de Kim Thúy

Kim Thúy dit de son quatrième roman qu’il est celui de la maturité. Il aborde des choses graves : le massacre de My Lai et l’exode de bébés vietnamiens vers les États-Unis — l’opération Babylift — dans une grande entreprise de relations publiques, sous la présidence de Gerald Ford. L’auteure a su trouver le fil pour raconter avec finesse une histoire terrible et lui insuffler un peu de beauté et beaucoup de délicatesse.

em, de Kim Thuy, chez Libre Expression, 152 pages.

Sois forte, ma fille

PHOTO FOURNIE PAR BORÉAL

La fille de la famille, de Louise Desjardins

Les femmes ayant grandi dans les années 1950 et 1960 se reconnaîtront dans ce portrait que brosse Louise Desjardins d’une époque où l’on n’était pas tendre avec les filles : elles participaient aux travaux de la maison et, si elles en avaient le temps, on les laissait étudier. Mais pas trop longtemps, car l’objectif était de les marier. Chronique du sexisme ordinaire, ce roman écrit avec une pointe d’ironie se lit un sourire en coin.

La fille de la famille, de Louise Desjardins, chez Boréal, 200 pages.

Road trip québécois

PHOTO FOURNIE PAR LES ÉDITIONS XYZ

À train perdu, de Jocelyne Saucier

L’auteure d’Il pleuvait des oiseaux nous revient enfin avec un nouveau roman, l’histoire d’une errance, celle de Gladys Comeau. Une femme sans histoire qui, un jour, prend un train sans raison précise. Du moins de l’extérieur. Elle traversera le nord de l’Ontario et du Québec, un road trip difficile à comprendre pour son entourage. Entre l’histoire ferroviaire du pays et la quête de Gladys, c’est un roman profondément humain sur la quête de sens que nous offre Jocelyne Saucier.

À train perdu, de Jocelyne Saucier, aux Éditions XYZ, 264 pages.