« Il fallait avoir une vision »
Daniel Revah avait pratiquement tout prévu, lorsqu’il a pris en main la transformation de l’ancienne maison mère des Sœurs des Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie, à Outremont. Les travaux d’excavation effectués dans le roc pour aménager 300 places dans un stationnement souterrain ont été particulièrement difficiles. Mais c’est la pandémie qui lui a donné le plus de fil à retordre, révèle-t-il avec une certaine sérénité.
La transformation extrême de l’imposant bâtiment, construit en 1925 sur le flanc nord du mont Royal, au 1420, boulevard du Mont-Royal, est très avancée. Les copropriétaires d’une quarantaine d’appartements ont emménagé l’automne dernier, avec 18 mois de retard. Ils profitent déjà de la piscine intérieure, du court de squash et de la salle d’entraînement. Certains font même du yoga dans la magnifique chapelle. Ils seront plus nombreux dans environ trois mois, lorsque 45 logements de plus seront prêts. Il en reste une cinquantaine à vendre, d’une superficie moyenne de 2000 pi2, à des prix variant entre 1,7 et 4,5 millions.
« L’immeuble fait 630 000 pi2, indique M. Revah. Au centre-ville, de 600 à 900 appartements seraient construits dans une superficie équivalente. Il fallait avoir une vision. »
Dès le départ, le projet s’est voulu très haut de gamme. Le promoteur a confié la conception des plans à l’architecte Karl Fischer, dont l’équipe a poursuivi le travail après sa mort, en mars 2019.
L’immense bâtiment a été divisé en six, pour le rendre plus intime. « Il y a six ascenseurs, qui desservent différentes sections, en place dès le début, explique Sabine Karsenti, courtière immobilière et ancienne directrice des ventes. Il y a des culs-de-sac partout. Et il y a quatre entrées de garage. Chaque ascenseur mène presque directement à un nombre restreint d’appartements. »
Daniel Revah, président de Corev Immobilier, était armé d’une solide expérience lorsqu’il s’est lancé dans l’aventure.
Il avait auparavant converti d’autres bâtiments existants en copropriétés, comme le 10, Saint-Jacques, dans le Vieux-Montréal, et le Redfern, dans Westmount. Il venait aussi d’achever la construction d’un immeuble en copropriété de 40 étages, au centre-ville de Montréal.
Devant la lenteur des ventes des appartements situés au rez-de-chaussée, dont les plafonds n’avaient que 9 pieds (2,7 m) de hauteur, il a décidé de casser la dalle pour baisser le plancher de 4 pieds (1,2 m). En agissant ainsi, il a aussi fallu découvrir la fondation, qui a été recouverte de pierre St-Marc.
Les premiers acheteurs ont fait acte de foi, révèle-t-il. « On leur faisait visiter un immeuble qui était Beyrouth et on leur montrait les vues, se souvient-il. Ils étaient quand même en mesure de voir l’espace et les plafonds de 13 ou 14 pieds de hauteur. On a pu jouer avec la plomberie et garder des hauteurs de presque 12 pieds pour tout le monde. Presque 80 appartements ont vraiment pu être personnalisés. Maintenant, c’est un peu différent. On est à une autre étape. »
La pandémie
La pandémie a compliqué encore davantage les travaux, multipliant les retards. Maintes fois, le promoteur a été confronté à la détresse des acheteurs, aux prises avec leurs propres drames quand la COVID-19 frappait à répétition et que le chantier était constamment mis sur pause. Tout ce temps, les factures continuaient à s’accumuler.
« C’était lourd à porter pour un seul homme », souligne Sabine Karsenti, qui a joué un rôle important auprès des clients pour calmer les appréhensions.
Daniel Revah tient d’ailleurs à féliciter les 75 premiers acheteurs, qui leur ont fait confiance à tous deux. Les dépôts étaient considérables et leur totalité n’était pas garantie, au début.
Les dépôts ici étaient de 400 000 $, 500 000 $ et même 3 millions. Les prix dépassaient 1000 $ le pied carré.
Daniel Revah, président de Corev Immobilier
Pour donner une idée, un condo s’est vendu à lui seul 12 millions. Un autre copropriétaire, collectionneur de voitures, a déboursé près de 1 million pour faire l’acquisition de 11 places de stationnement.
« Il fallait être fou », s’exclame-t-il en pensant aux écueils traversés depuis qu’il a eu un coup de cœur pour la chapelle.
« Elle a été ma source d’inspiration, confie-t-il. Elle est tellement belle, je voulais la restaurer. Elle n’est pas à moi, je la lègue au syndicat de copropriété. Mais j’aimerais bien qu’il y ait l’option de la louer, pour faire par exemple une collaboration avec l’école de musique Vincent-d’Indy, à côté. »
Permettre à l’occasion de rendre la chapelle accessible à un plus large public fait partie de la demande que le promoteur a effectuée, afin d’ajouter au bâtiment d’autres usages que le résidentiel. Autoriser l’intégration d’un restaurant, la location d’espaces de celliers et l’agriculture urbaine intérieure sont aussi soumis à la consultation publique, soulevant de vives protestations dans le voisinage.
Peu importe ce qu’il adviendra, M. Revah prend la situation avec philosophie. Car ce n’est plus de son ressort. Malgré les nombreux défis, il s’en est très bien tiré, assure-t-il. Et il est content de l’avoir fait.
Consultez le site du 1420 boulevard Mont-RoyalRectificatif
Dans une version précédente de ce reportage, nous indiquions que Sabine Karsenti était directrice des ventes. Elle l’a longtemps été, mais ne l’est plus. Toutes nos excuses.
Le respect du passé
Avenue Querbes, dans Outremont, la transformation d’une ancienne chapelle et de l’immeuble patrimonial voisin avance rondement. Après avoir métamorphosé l’ancien couvent des Sœurs missionnaires de l’Immaculée-Conception, ancré sur le flanc nord du mont Royal, les trois entrepreneurs à la tête de l’entreprise Demonfort cherchent cette fois-ci à se montrer dignes de la confiance que leur ont accordée les Clercs de Saint-Viateur.
« Autant les sœurs missionnaires que les clercs nous ont choisis parce que notre approche concordait avec l’image qu’ils se faisaient de la suite des choses, indique Florent Moser, cofondateur de l’entreprise. C’est un legs qu’ils ont fait et c’est notre responsabilité de faire quelque chose qui va durer longtemps. Il faut que chaque projet ait du sens dans l’environnement où il se trouve. »
L’ancien couvent des religieuses, qui domine le chemin de la Côte-Sainte-Catherine, à Outremont, est devenu un lieu accueillant pour des familles et des couples de tous les âges. Le complexe Maisons Outremont renferme dorénavant 65 appartements. Le futur complexe La Chapelle – Maisons Outremont II, quant à lui, comportera 78 appartements en copropriété. Comme son nom l’indique, l’ancienne chapelle des Clercs de Saint-Viateur, qui englobera des espaces communs, se trouve au cœur du projet, lui donnant un cachet particulier. Dans les deux cas, Demonfort a fait appel à l’agence ACDF Architecture.
« De toutes les transformations de bâtisses patrimoniales qu’on a faites par le passé, le projet La Chapelle est celui où on est le plus confortable, estime Florent Moser, qui, comme ses associés, Ali Lakhdari et David Lafrance, a grandi à Outremont et y habite toujours. L’expérience nous aide à comprendre les enjeux et les difficultés qui peuvent survenir dans ce type de projet. »
Le trio, très actif dans Outremont, a par ailleurs une bonne idée de ce que recherche l’arrondissement.
On fait des projets difficiles à refuser parce qu’on n’arrive pas avec des propositions qui sortiraient de l’ordinaire ou qui seraient mal placées dans Outremont. On comprend bien où nos projets s’implantent.
Florent Moser, cofondateur de Demonfort
Le nombre relativement restreint d’unités, dans chacun des deux complexes, leur convient aussi parfaitement. « La clientèle n’en est pas à son premier achat et veut faire certaines modifications, précise-t-il. À 65 ou 78 condos, la personnalisation des appartements est encore gérable. »
Six vastes appartements seront aménagés aux trois étages supérieurs de l’édifice datant de la fin du XIXe siècle, qui se trouve à côté de la chapelle. Elle est depuis longtemps surnommée La Bastille, à cause de son allure de forteresse. Le rez-de-chaussée sera réservé à une garderie. Au-dessus, un nouvel ascenseur central ouvrira directement dans deux condos par étage. Les 72 autres logements, d’une superficie minimale d’environ 1200 pi2 (111,4 m2), seront situés dans un nouvel immeuble en forme de L, qui mettra en valeur l’ancienne chapelle, comme un écrin.
« L’intérêt pour les copropriétaires habitant dans du neuf, c’est qu’ils pourront quand même avoir accès à la chapelle, indique Sabine Karsenti, courtière immobilière et directrice des ventes. Les luminaires de l’ancienne chapelle seront restaurés et réintégrés. Celle-ci sera chaleureuse et se trouvera près de l’entrée principale. Il y aura un salon, un endroit pour travailler, une salle de conférence, une salle de réception avec une cuisinette et une bibliothèque, en haut. »
« Il n’y a pas beaucoup d’endroits qui offrent ce type d’architecture, renchérit M. Moser. Il ne faut pas renier le passé, où il s’est fait des choses intéressantes. Je crois que cela attire des gens, qui aiment avoir une propriété unique. »
Certification LEED
Florent Moser, Ali Lakhdari et David Lafrance, qui ont tous trois des enfants et sont dans la quarantaine, visent une certification LEED (Leadership in Energy and Environmental Design – ce qu’ils font aussi dans le projet Perspectives Bates). Chaque place dans le stationnement souterrain pourra ainsi être dotée d’une borne de recharge pour voiture électrique.
« On pense que c’est vers cela que tout va se diriger, note M. Moser. Il faut faire l’effort. »
La gestion des déchets est l’un des grands défis auxquels ils sont confrontés. « Lors de la démolition, tous les éléments comme le béton, l’acier et la brique ont été séparés pour être ensuite récupérés. Cela part de là. Ensuite, quand on construit, il faut gérer les déchets. Chaque type de matériau a son conteneur. Le but est de recycler le plus possible et d’avoir le moins de choses enfouies. »
Les règles à suivre sont multiples. Mais d’entrée de jeu, donner une nouvelle vie à un site où il y avait déjà de l’habitation n’a pas un gros impact négatif sur la planète, fait-il remarquer. « On densifie, dit-il. Et on verdit, en enlevant de l’asphalte. C’est plus de trouble que d’acheter une grande terre. Mais pour moi, c’est la meilleure manière de faire. »