Céramique Au grès du temps

Dans son atelier au premier étage d’une vieille maison du Plateau Mont-Royal, à Montréal, la céramiste Zeynep Boyan donne forme à des objets sculpturaux où les époques se confondent. Rencontre avec l’un des talents à découvrir au SOUK, le rendez-vous annuel des amateurs d’art et de design québécois, dès le 29 novembre.

Le bras gauche de Zeynep Boyan abrite un détail d’une colonne antique. L’artiste, originaire de la Turquie, s’est fait faire ce tatouage à Istanbul, il y a six ans, en s’inspirant des colonnes de différents sites archéologiques de la métropole.

« Les colonnes servaient autrefois de fondations ; elles permettaient à un bâtiment de tenir debout. Elles reflètent ma façon de vivre et de penser. J’ai besoin de pouvoir m’appuyer sur ce genre de fondations pour avancer », confie celle qui cultive avec passion une fibre nomade depuis l’âge de 17 ans.

Un rapide coup d’œil à son atelier permet de retrouver autour d’elle la présence de ces lignes fortes, qu’il s’agisse des tables d’appoint présentées au salon IDS de Toronto en janvier dernier ou des petites sculptures hissées sur un piédestal auxquelles elle met la dernière main pour la prochaine édition du SOUK, à laquelle elle participera. Le hasard a mené l’artiste à investir une ancienne maison où un architecte a décidé, au siècle dernier, d’intégrer des colonnes d’inspiration antique en fonte. Le mariage de styles à travers les époques en est d’autant plus intrigant.

Bons profils

La jeune femme est arrivée au Québec par un beau jour blanc d’hiver, en 2021, alors que la pandémie amenait encore les gens à se calfeutrer chez eux. La touche-à-tout, diplômée en cinéma de la prestigieuse École supérieure des arts Saint-Luc, à Bruxelles, qui remplissait alors des carnets d’esquisses sans but précis, a profité de cet isolement pour mettre la main à l’argile et, peu à peu, se familiariser avec la matière.

« Cette parenthèse hors du temps m’a permis d’explorer cette forme de créativité dans le calme alors que la situation à l’extérieur était chaotique », raconte-t-elle. Le septième art accompagne toujours la démarche créative de Zeynep. « Le miroir face à ma table de travail est comme une sorte de caméra. Il est très important dans ma pratique. J’y observe toujours le reflet de mes sculptures. Il me guide », explique celle qui accorde par ailleurs un soin particulier à la documentation de son travail, notamment sur son compte Instagram @zeynep.boyan. « Je considère mes photos comme des portraits de mes sculptures », dit-elle en souriant.

Penchant naturel

On retrouve aussi çà et là ses collections de pierres ramassées lors de voyages, au Québec ou ailleurs. Une forme, une texture, un ton… La nature inspire beaucoup l’artiste qui a d’ailleurs choisi le grès, une terre mêlée de sable, pour donner corps à ses créations. « J’aime avoir l’impression que la céramique aurait pu être trouvée dans la nature, car j’ai une profonde admiration pour son œuvre », souligne-t-elle.

Ses modules de rangement « Units », dévoilés le mois dernier à la semaine du design néerlandaise, présentent ainsi un fini délicatement granuleux qui accentue leur singularité. « Plutôt que d’avoir un objet froid, je souhaite célébrer l’imperfection et l’originalité de celui-ci », appuie-t-elle. Il se dégage inévitablement de son travail une invitation à la curiosité, celle qui pousse à aborder sans cesse une chose de notre environnement familier avec un regard neuf et à se laisser émerveiller un peu plus par elle chaque jour.

Consultez le site de Zeynep Boyan (en anglais) Consultez le site du SOUK MTL