Elsie Reford a passé plus de 30 ans à transformer une forêt d’épinettes en sanctuaire de plantes. Son arrière-petit-fils a consacré l’équivalent de sa vie à préserver cet héritage devenu une référence en horticulture. Avec un troisième ouvrage sur le sujet, Alexander Reford ouvre un autre pan de l’histoire de son aïeule et dévoile certains des plus beaux trésors des Jardins de Métis.

Si elle revenait dans son paradis fleuri, Elsie Reford retrouverait ses jardins métamorphosés par le temps. Sans doute serait-elle ravie de découvrir des œuvres d’art semées parmi ses plantes. Elle serait à coup sûr étonnée que son parcours ait inspiré autant d’artistes et d’artisans. Un roman, un spectacle de cirque, de la musique de chambre, une biographie et plusieurs livres d’horticulture prennent leur source dans les beautés qu’elle a créées avec une infaillible détermination.

Elsie collectionnerait probablement ces honneurs avec l’enthousiasme contenu d’une châtelaine, fière, mais secrètement offusquée que des millions de visiteurs aient pu s’introduire dans le camp de pêche familial. Elle réservait sa villa Estevan aux invités de marque et gardait les 100 acres hérités de son oncle en bordure du fleuve et de la rivière Mitis comme une forteresse, à l’abri du bruit des voitures et de toute machinerie horticole.

  • L’allée royale

    PHOTO LOUISE TANGUAY, FOURNIE PAR LES JARDINS DE MÉTIS

    L’allée royale

  • Les jardins du ruisseau

    PHOTO LOUISE TANGUAY, FOURNIE PAR LES JARDINS DE MÉTIS

    Les jardins du ruisseau

  • Bal à la villa, une installation de Robert Desjardins et d’Annie Ypperciel

    PHOTO LOUISE TANGUAY, FOURNIE PAR LES JARDINS DE MÉTIS

    Bal à la villa, une installation de Robert Desjardins et d’Annie Ypperciel

  • Aube par l’artiste Jean Brillant

    PHOTO LOUISE TANGUAY, FOURNIE PAR LES JARDINS DE MÉTIS

    Aube par l’artiste Jean Brillant

  • L’installation Réflexions colorées de l’architecte Hal Ingberg

    PHOTO LOUISE TANGUAY, FOURNIE PAR LES JARDINS DE MÉTIS

    L’installation Réflexions colorées de l’architecte Hal Ingberg

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Réfractaire à une certaine modernité, elle n’en était pas moins visionnaire, « une mondaine qui mettait chaque jour les mains à la terre avant d’enfiler sa robe de soirée, une meneuse qui n’aimait pas être menée et qui aurait probablement été politicienne ou dirigeante d’entreprise de nos jours », dépeint Alexander Reford en entrevue.

Dans le livre Dans les Jardins de Métis : à la rencontre d’Elsie Reford, l’auteur raconte cette femme d’exception, engagée en politique et pour la condition féminine, passionnée d’art, de pêche, de musique, de mode et de sports, dont les jardins demeurent toutefois le legs le plus tangible. Son sens du design et son audace ont contribué à façonner la culture horticole en climat nordique et lui ont valu de gagner le respect du monde botanique.

Héroïne du monde horticole

PHOTO ARCHIVES DES JARDINS DE MÉTIS

Elsie Reford dans son jardin de lis en 1930

En 1926, alors qu’elle a 54 ans, Elsie se lance dans le jardinage sans rien connaître aux plantes. Elle se gave de lectures horticoles et évite délibérément l’aide de professionnels. Ce côté autodidacte contribuera à donner à ses jardins un aspect particulier. Son œuvre défie les règles horticoles de l’époque et s’exprime selon une esthétique et une approche écologique uniques.

Elle a découvert que l’épaisse couverture de neige combinée à l’humidité du fleuve et de la rivière Mitis créait des microclimats propices à la culture de certaines plantes exotiques.

Alexander Reford

« Personne n’avait encore tenté de créer un jardin dans la région du Bas-Saint-Laurent, où les conditions climatiques étaient jugées trop rudes », explique Alexander Reford.

Avec un sol argileux recouvert de terre pauvre, le domaine Estevan était par ailleurs impropre à la culture. La jardinière a remédié à ces lacunes en créant son propre terreau de sable et de feuilles mortes. En 10 ans, elle a ainsi métamorphosé plus de 20 acres de terre hostile en un jardin époustouflant. Les deux décennies suivantes ont été consacrées à le peaufiner, jusqu’à sa mort, en 1967.

Collectionner les plantes comme les tableaux

PHOTO LOUISE TANGUAY, FOURNIE PAR LES JARDINS DE MÉTIS

Fleur de gentiane

L’œuvre d’Elsie Reford est un jardin de collectionneur et diffère du jardin ornemental du fait que les plantes sont regroupées par espèces et par variétés. Cette particularité n’est pas étonnante lorsqu’on connaît la ferveur d’Elsie pour les collections de toutes sortes, essentiellement des tableaux, bijoux et objets d’art. Dans les années 1920, la mondaine fréquentait assidûment les galeries de New York et de Londres. Cet intérêt s’est naturellement transposé aux plantes.

C’est cette collection végétale qu’Alexander Reford présente dans son ouvrage et que Louise Tanguay illustre en photos. Douze plantes emblématiques, parmi les favorites d’Elsie, dont l’azalée, la rose, la pivoine, la gentiane, le lis et le délicat pavot bleu de l’Himalaya qui contribue à la renommée des Jardins de Métis. Dans ses carnets, la jardinière avait minutieusement pris en note les détails de ses explorations. L’auteur les a épluchés pour transmettre ses observations et conseils.

Elsie Reford vénérait les beautés naturelles du site, auxquelles elle ajoutait sa touche. Les Jardins de Métis se suivent le long du ruisseau et sont entrecoupés de petits bois laissés intacts. « Elle a osé introduire des plantes de différents pays du monde sans se laisser freiner par les connaissances de l’époque qui estimaient certaines plantes trop fragiles pour notre climat ou trop complexes à cultiver, souligne son arrière-petit-fils. C’était vraiment une aventurière horticole. »

À l’aube de ses 100 ans, l’héritage enchanteur d’Elsie Reford est toujours bien vivant et lui ressemble : parfumé, intime, audacieux et créatif. De ceux dans lesquels on entre en silence comme dans une cathédrale pour mieux se livrer à la contemplation. Et de tout cela, Elsie ne pourrait qu’approuver !

Les Amis des Jardins de Métis

Cofondé en 1995 par Alexander Reford, Les Amis des Jardins de Métis assure la préservation et le développement durable des lieux en instaurant des pratiques écologiques, comme l’usage de vélos plutôt que de véhicules. L’organisme de bienfaisance propose également des activités culturelles en temps estival.

Consultez le site des Jardins de Métis
Dans les Jardins de Métis : à la rencontre d’Elsie Reford

Dans les Jardins de Métis : à la rencontre d’Elsie Reford

Les Éditions de l’Homme

324 pages