Plus qu’une mode passagère, la culture du potager domestique est devenue une importante activité partagée par des dizaines de milliers de citadins au Québec. Une recherche d’envergure menée depuis trois ans par le Laboratoire sur l’agriculture urbaine (AU/LAB) démontre l’ampleur du phénomène dans la grande région métropolitaine.

Selon plusieurs centres de jardin interrogés par La Presse, les ventes de plantes potagères connaissent aussi une croissance soutenue.

Les travaux du Laboratoire, dont les conclusions finales sont attendues vers la fin de l’année, sont financés par Québec, le Fonds vert et le consortium Ouranos, qui étudie l’impact des changements climatiques. Les chercheurs ont ainsi cartographié une dizaine d’arrondissements et de municipalités à l’aide de photos satellites afin de calculer le nombre de jardins potagers individuels et leurs superficies. Ils ont aussi vérifié sur le terrain les données des cartes et ils ont interrogé bon nombre de ces jardiniers urbains.

Légumes frais très prisés

Dans l’arrondissement de Saint-Léonard, par exemple, 30 % des lots résidentiels ont un potager, soit 3010 jardins pour une superficie totale de 10 hectares, ce qui représente 220 jardins au kilomètre carré. Dans Parc-Extension, le quartier le plus densément peuplé à Montréal, les résidants entretiennent un potager sur 26 % des lots résidentiels, ce qui est considérable compte tenu de la petite superficie de l’arrondissement. À Montréal-Nord, on dénombre 106 potagers au kilomètre carré et 85 dans la zone résidentielle de Terrebonne.

À Longueuil, des extrapolations réalisées à partir du territoire étudié qui comptait 1235 potagers laissent croire que 22,6 hectares seraient consacrés au jardinage dans la ville.

Si les chiffres varient selon la superficie du territoire, l’importance de la zone résidentielle et parfois même l’origine ethnique, l’étude démontre une grande popularité du jardinage domestique, selon le directeur scientifique du Laboratoire, le chercheur Éric Duchemin.

Lors de la validation des données cartographiques sur le terrain, on a constaté par ailleurs que 16 % des potagers n’avaient pas été identifiés, soit parce qu’ils étaient masqués par de la végétation, soit parce qu’ils étaient trop petits, « un constat qui révèle que l’importance du jardinage avait même été sous-évaluée », précise M. Duchemin.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le nombre de potagers à la maison est en nette progression.

Faire ses propres semis

À Brossard, on a compté 2324 jardins dans la partie résidentielle, soit 95 par kilomètre carré. Dans ce cas particulier, chaque mètre carré de jardin produisait 4 kg de légumes, soit l’équivalent de 238 tonnes, la consommation annuelle de légumes frais pour 3200 adultes. Mais ces résultats varient considérablement d’un territoire, d’un jardin et d’une année à l’autre, souvent du simple au double, fait valoir le directeur du Laboratoire. Organisme indépendant, AU/LAB est associé notamment à l’UQAM et au Carrefour de recherche, d’expertise et de transfert en agriculture urbaine (CRETAU).

Le chercheur mentionne qu’un grand nombre de jardiniers font leurs propres semis et que les légumes les plus populaires sont, dans l’ordre, les tomates, les haricots, les laitues, l’ail et les poivrons.

Pour leur part, les centres de jardin vendent surtout des transplants de tomates, de poivrons, de cucurbitacées (concombres, courges, courgettes) et de fines herbes. L’offre augmente chaque année et la demande est telle que certaines entreprises vendent même des plants de betteraves, de carottes et d’oignons verts pour les jardiniers néophytes.

Rappelons qu’un sondage mené l’an dernier indiquait que 40 % de la population du Grand Montréal cultivait un potager. Les entreprises commerciales agricoles urbaines sont passées de 50 à 70 au Québec au cours des deux dernières années. Par ailleurs, plusieurs municipalités ou quartiers ont des projets visant à augmenter la surface consacrée à l’agriculture citadine, notamment Rivière-des-Prairies, Pointe-aux-Trembles, Gatineau, Longueuil ou encore Québec, qui veut autoriser l’agriculture en façade, autant d’indices que le jardinage urbain est en pleine expansion.