Comment détruire l'ennemi? Les solutions sont peu nombreuses: pesticides autorisés ou lutte biologique. Mais peu importe, il faudra recommencer les traitements régulièrement.

Comment détruire l'ennemi? Les solutions sont peu nombreuses: pesticides autorisés ou lutte biologique. Mais peu importe, il faudra recommencer les traitements régulièrement.

Attention! Pas de précipitation, s'il vous plaît. Il n'y a rien que vous puissiez accomplir en mai ou juin. Vous devrez attendre au début juillet pour l'utilisation de pesticides spécialisés, comme Merit, de la multinationale Bayer (qui n'est pas vendu aux particuliers, mais seulement aux entreprises oeuvrant dans le domaine horticole), là où les municipalités autorisent son emploi, évidemment.

Et pour la lutte biologique, encore un peu de patience. Celle-ci doit se faire au cours d'une brève période, fin juillet-début août ou encore, fin août-début septembre. Malheureusement, il faut bien le dire: de ce côté, les résultats ne sont guère encourageants.

Des experts scientifiques indépendants le confirment: l'utilisation des nématodes, ces petits vers microscopiques qui parasitent les larves des hannetons, ne peut contrer une invasion massive, comme c'est souvent le cas avec les traitements biologiques. Dans les cas extrêmes, il faut parfois avoir recours aux pesticides, (bien sûr les moins nocifs pour la santé), et prendre toutes les précautions qui s'imposent lors de l'épandage.

Le hanneton européen adulte est inoffensif, mais sa progéniture cause des dommages épouvantables.

Quant à la lutte biologique, elle servira à maintenir la population du hannetons de façon à ce que les dommages soient tolérables. Il ne faut pas s'attendre au miracle, au contraire. À vrai dire, l'application de nématodes donne la plupart du temps des résultats mitigés ou pire, n'a aucun impact lorsqu'elle est faite incorrectement.

Lors des recherches récentes menées en laboratoire à Saint-Jean-sur-Richelieu, au Québec, et en Colombie-Britannique, on a constaté que le taux de succès des nématodes atteignait de 40 à 50%, dans des conditions optimales, c'est-à-dire en milieu sablonneux, là où l'eau servant de véhicule aux parasites circule très bien. Dans un sol lourd, les résultats ne dépassent pas 10%, souvent beaucoup moins, justement parce que la circulation de l'eau est très limitée en milieu argileux, explique Claude Gélinas, agronome-conseil, à Varennes (www.phyto.qc.ca). Le hic, c'est que dans la grande région métropolitaine, notamment sur la Rive-Sud, les terrains sont habituellement argileux. Autre problème: les tests qui ont mené à ces résultats ont été réalisés en laboratoire. Dans la nature, sur le terrain comme on dit, les contraintes sont toujours plus grandes et le taux de succès baisse habituellement d'autant.

Mais un succès de 30 ou 40% , c'est mieux que rien, direz-vous. Sauf que cet objectif est rarement atteint par ceux qui utilisent les nématodes, car ils ne savent généralement pas comment s'en servir. Et la plupart du temps, il faut bien l'admettre, ceux qui vous les vendent l'ignorent aussi. Je ne comprends toujours pas pourquoi pépiniéristes et jardineries offrent encore des nématodes au mois de mai alors que les traitements sont inutiles à cette période de l'année. Il s'agit d'un cas d'ignorance crasse ou pire encore, de fausse représentation. Le sol est à ce moment trop froid ou encore, la bestiole est peu vulnérable en raison de son évolution. La bataille biologique devra être planifiée pour la fin de l'été.

Notre méconnaissance du cycle vital du hanneton européen au Québec est un autre facteur qui rend son contrôle encore plus ardu. C'est qu'en matière de lutte biologique, il est essentiel de bien connaître l'ennemi, dit Louis Simard, biologiste et agronome au bureau d'Agriculture et agroalimentaire Canada, à Saint-Jean-sur-Richelieu. Il faut agir à un moment précis qui reste très limité dans le temps. Trop tôt, trop tard, trop froid, voilà autant d'efforts et d'argent gaspillés . Le scientifique entreprendra d'ailleurs, cette année, un projet de recherche de trois ans afin d'étudier les détails de la biologie du hanneton européen sur les terrains de golf. Son but : déterminer avec plus de précision les périodes où la bête est la plus vulnérable, périodes qui semblent varier de temps à autre. Il faut dire que les restrictions éventuelles en matière de pesticides sur les terrains de golf incitent les propriétaires à s'intéresser au contrôle biologique intégré. Ces données seront évidemment utiles à tout le monde.

En attendant, Louis Simard donne plusieurs conseils dont certains doivent être suivis rigoureusement pour obtenir plus d'efficacité avec les nématodes. Mais si vous rêvez d'une pelouse toujours verte, sans pissenlits, sans hannetons, sans pesticides et sans entretien, mieux vaut utiliser du gazon... synthétique. Ou modifier votre aménagement pour réduire ou éliminer la pelouse.

La bonne espèce

> Il existe au moins trois espèces de nématodes sur le marché québécois, indique Louis Simard. Deux d'entre elles ne sont pas efficaces. Surtout, il faut bien lire les indications sur l'emballage.

> Steinernema feltiae sert plutôt à lutter contre les diptères (mouches et autres) dont la stipule européenne, qui fait des ravages sur les terrains résidentiels dans certaines régions du sud de l'Ontario et en Colombie-Britannique.

> Steinernema carpocapsea est efficace contre la pyrale des prés (présente notamment dans plusieurs gazons de la région de Bois-des-Filion et Charlesbourg), de même que pour le scarabée japonais à l'état larvaire, une peste de plus en plus nuisible au Québec pour les gazons et les arbustes (les adultes mangent du feuillage).

> Heterorhabditis bacteriophora: voilà donc le sympathique nom à retenir. C'est l'un des nématodes les plus efficaces contre la larve du hanneton européen.

> Il existe aussi une souche dont les résultats sont excellents - on parle d'un taux de succès 80 à 85% -, mais le produit est offert seulement en Ontario et la compagnie qui le propose exige de faire les traitements et le suivi elle-même.

La bonne période

> La température du sol, directement sous les racines du gazon, là où l'insecte est présent, doit être au minium de 15 degrés et si possible plus chaude (autour de 20°C) pour une plus grande efficacité. N'hésitez pas à vérifier la température de votre gazon sous les racines. C'est ce qui explique pourquoi en mai, les traitements sont inutiles. Plus encore, vers la fin du mois, la larve s'enveloppe dans une carapace où elle est presque invulnérable.

> Le temps idéal pour utiliser les nématodes semble varier : de la fin juillet à la mi-août ou encore de la fin août au début septembre. Les nouvelles larves, celles qui sont issues de la ponte de juillet, commencent alors à se faire très actives.

La bonne méthode

> Arrosez abondamment avant, pendant et après le traitement. Si vous en avez la chance, faites-le durant une longue période de pluie. Les nématodes ne sont pas des nageurs olympiques. C'est l'eau qui leur permet d'atteindre la proie dans le sol et de la parasiter.

> Ne faites jamais de traitement par temps ensoleillé. Les rayons ultraviolets sont mortels pour notre armée microscopique. Un conseil souvent négligé.

> Enlevez tous les filtres du pulvérisateur ou de l'arrosoir, ce qui est rarement fait.

> Brassez régulièrement la solution d'eau et la poudre de nématodes. Sinon, les bestioles vont tout simplement se noyer faute d'oxygène. Si on laisse la solution reposer trop longtemps, dans un seau, par exemple, c'est la noyade rapide assurée. Cette situation est également méconnue.

> Les nématodes sont des êtres vivants sensibles à la chaleur. Évitez de les trimballer en auto par temps chaud et entreposez-les au frigo. Vérifiez toujours la date de péremption.

Pour réduire l'impact du hanneton

> L'été, maintenez le gazon long lors de la ponte: fin juin, début juillet: 8cm.

> Éteignez les lumières sur le terrain. La lumière attire les insectes adultes. Jetez un coup d'oeil aux pelouses situées près d'un lampadaire...

> Durant et après la période de reproduction, juillet et août, maintenez le gazon sec. La sécheresse du sol devrait entraver le développement des oeufs et des larves.

> En septembre, au contraire, arrosez abondamment et même fertilisez raisonnablement le gazon pour lui donner un coup de pouce. Vous assurez ainsi une meilleure survie aux graminées affaiblies.