Les forces armées israéliennes étaient aux portes du plus grand hôpital de Gaza, lundi, alors que des milliers de civils, dont plusieurs nouveau-nés, demeuraient coincés sur le site de l’établissement coupé du monde extérieur.

Ce qu’il faut savoir

  • Des combats rapprochés ont lieu au cœur de Gaza.
  • Israël affirme que le Hamas a « perdu le contrôle » de Gaza.
  • Dix Canadiens ont pu quitter Gaza lundi, portant à 346 le nombre de Canadiens ayant quitté le territoire.

Des combats intenses ont été rapportés par différents médias dans les environs immédiats de l’hôpital al-Chifa, tandis que le manque d’électricité dans l’hôpital menaçait la vie de nombreux bébés nés prématurément, dont certains ont déjà perdu la vie dans les derniers jours.

« Hier, je m’occupais de 39 bébés, et aujourd’hui, ils ne sont plus que 36, a déclaré le DMohamed Tabasha, chef du service pédiatrique d’al-Chifa, lors d’un entretien téléphonique avec Reuters lundi. Je ne peux pas dire combien de temps cela va durer. Je peux perdre deux autres bébés aujourd’hui, ou dans une heure. »

Sur X, Médecins sans frontières a relayé les propos d’un médecin de l’hôpital al-Chifa, selon qui les affrontements entre combattants du Hamas et soldats israéliens empêchent les ambulanciers de récupérer les morts et les blessés dans les rues du secteur.

PHOTO MOHAMMED SALEM, REUTERS

Palestinienne consolant son fils après un raid aérien israélien, lundi à l’hôpital de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza

« Nous n’avons ni électricité, ni nourriture, ni eau dans l’hôpital, a-t-il expliqué. Des gens vont mourir dans quelques heures sans respirateurs artificiels qui fonctionnent. »

Quelque 10 000 Palestiniens – patients, personnel et personnes déplacées – s’entasseraient à l’hôpital, d’après l’ONU.

Une « cassure » entre la rue et le politique

Rachad Antonius, chercheur et professeur de sociologie retraité de l’UQAM, dit être estomaqué par le niveau de violence documentée contre la population civile de Gaza, y compris des enfants.

« Même mes amis qui sont d’ordinaire sympathiques à Israël sont absolument révoltés de la façon dont les Palestiniens sont traités », affirme le professeur.

On parle de 11 000 personnes tuées, dont plus de 4000 enfants. Si le centième de ce traitement était fait aux Israéliens, les gouvernements occidentaux se manifesteraient. Mais le sort réservé aux Palestiniens ne provoque que du silence.

Rachad Antonius, professeur de sociologie retraité de l’UQAM

M. Antonius observe une « cassure » entre la réponse de la rue en Occident, avec de nombreuses manifestations en appui aux Palestiniens, et la réponse timide de leurs dirigeants politiques.

« Il y avait 300 000 personnes dans la rue à Londres. Il y avait 40 000 personnes dans la rue à Montréal. L’opinion publique a changé de façon radicale, mais on dirait que ça ne compte pas beaucoup. »

Craig Mokhiber, directeur du bureau de New York du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, a remis sa démission fin octobre pour dénoncer les bombardements israéliens sur Gaza, qu’il a qualifiés de « génocide », relève M. Antonius.

« Les juristes de l’ONU n’utilisent pas le mot “génocide” à la légère. Ce ne sont pas des militants, ce sont des experts du droit humanitaire. Le Hamas a commis des crimes de guerre en ciblant intentionnellement des civils. Mais Israël en commet chaque jour. La population mondiale le voit. Il y a seulement quelques gouvernements occidentaux qui semblent vouloir fermer les yeux. »

De son côté, le président Joe Biden, dont le pays est un allié clé d’Israël dans son offensive contre le Hamas, a déclaré à la Maison-Blanche : « J’espère et je m’attends à des actions moins intrusives à propos de l’hôpital » Al-Chifa. Et d’ajouter : « l’hôpital doit être protégé ».

« Perdu le contrôle »

Lundi également, Israël a affirmé que le Hamas avait « perdu le contrôle à Gaza », au 38e jour de la guerre avec le mouvement islamiste. Le mouvement palestinien, classé organisation terroriste par Israël, les États-Unis et l’Union européenne, n’a pas réagi à ces affirmations.

PHOTO FOURNIE PAR L’ARMÉE ISRAÉLIENNE, REUTERS

Soldats israéliens prenant position dans la bande de Gaza, lundi

L’armée israélienne, qui a fait état lundi de 44 soldats tués depuis le début de la guerre, estime que quelque 240 personnes ont été emmenées en otages dans la bande de Gaza le 7 octobre, et s’y trouvent toujours.

L’armée a déclaré lundi avoir des indices montrant que les combattants du Hamas ont détenu des otages dans un hôpital pour enfants.

Sous l’hôpital Rantisi, dans le nord de la bande de Gaza, l’armée israélienne dit avoir rassemblé « des indices qui font penser que le Hamas détenait des otages ici », comme un biberon de bébé ou un bout de corde attaché à une chaise, a dit le porte-parole de l’armée Daniel Hagari, vidéo à l’appui.

Dix Canadiens ont traversé en Égypte

Par ailleurs, dix autres Canadiens, résidents permanents et membres de leur famille ont pu traverser lundi le poste-frontière de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, pour trouver refuge en Égypte.

PHOTO ALEXANDER ERMOCHENKO, REUTERS

Israéliens marchant dans une rue bordée de maisons détruites durant l’assaut initial du Hamas, dans le kibboutz de Kfar Aza, lundi

C’est ce qu’a confirmé Affaires mondiales Canada (AMC) dans un communiqué, en réitérant que l’ambassade canadienne au Caire « leur fournit actuellement une assistance consulaire, de la nourriture, l’hébergement et des produits de première nécessité pendant qu’ils organisent leurs plans de voyage ».

Au total, 356 ressortissants canadiens ont jusqu’ici été en mesure de traverser en Égypte par le poste frontalier de Rafah. Dimanche, le gouvernement fédéral avait affirmé que 234 d’entre eux y étaient déjà parvenus, ce qui s’ajoutait à la centaine de personnes ayant déjà évacué mardi et jeudi de la semaine dernière.

Lundi, des Canadiens qui ont fui la bande de Gaza affirment que la définition canadienne de la famille les a obligés à faire le choix déchirant de laisser derrière eux des êtres chers. Le Conseil canadien pour les réfugiés, de son côté, préconise une définition plus large de la famille, afin que les personnes qui fuient Gaza puissent trouver refuge auprès de leurs proches au Canada.

Pendant ce temps en Cisjordanie, cinq Palestiniens âgés de 21 à 29 ans ont été tués lors d’affrontements avec les forces israéliennes à Tulkarem, dans le nord de la Cisjordanie occupée, selon Amin Khader, le directeur de l’hôpital Thabet où les morts ont été constatées.

Avec l’Agence France-Presse