L’armée israélienne a annoncé samedi qu’elle intensifierait ses frappes sur la bande de Gaza, renforçant la crainte d’une escalade du conflit. Loin d’être suffisante, l’aide humanitaire a commencé à entrer au compte-gouttes dans le territoire palestinien. La situation à l’intérieur de l’enclave est devenue « catastrophique », déclare l’ONU.

CE QU’IL FAUT SAVOIR

  • Un premier convoi d’aide de 20 camions en provenance de l’Égypte est entré samedi à Gaza ;
  • La situation humanitaire à Gaza est désormais « catastrophique », ont alerté samedi cinq agences de l’ONU ;
  • Israël n’a toujours pas amorcé son attaque à l’intérieur de la bande de Gaza en dépit d’une annonce faite par les autorités d’une offensive imminente ;
  • L’État hébreu renforce ses positions à la frontière avec le Liban à la suite d’échanges de tirs avec le Hezbollah et doit surveiller ses arrières avec la Syrie et le Yémen ;
  • Le patron de l’ONU Antonio Guterres a réclamé un « cessez-le-feu humanitaire » à l’ouverture d’un « Sommet pour la paix » au Caire ;
  • La guerre a fait près de 5800 morts de part et d’autre, selon les bilans officiels ;
  • Environ 210 personnes seraient détenues par le Hamas, « incluant des étrangers » ;
  • Le Hamas a libéré vendredi deux otages d’origine américaine, une mère et sa fille, pour des raisons humanitaires.

Remplis d’eau, de nourriture et de médicaments, 20 camions d’aide humanitaire sont entrés samedi matin dans la bande de Gaza par le passage de Rafah, situé à la frontière égyptienne.

Une aide attendue depuis des jours, réclamée par les pays arabes et occidentaux comme par les organisations internationales.

Pour la population gazaouie, il s’agit de la première bonne nouvelle depuis le début du conflit, même si l’ONU s’est s’empressée de qualifier ce premier convoi humanitaire de nettement insuffisant.

Une lueur d’espoir qui s’est assombrie plus tard dans la journée, avec l’annonce d’une intensification des frappes sur Gaza.

« Nous allons multiplier les attaques à partir d’aujourd’hui », a déclaré l’amiral israélien Daniel Hagari, devant des journalistes.

Nous intensifierons nos attaques afin de minimiser les dangers qui menacent nos forces lors des prochaines étapes de la guerre.

Daniel Hagari, amiral israélien

La menace d’une offensive terrestre israélienne plane depuis plus d’une semaine au-dessus de la population gazaouie. Cette intensification des frappes est-elle le signe d’une invasion imminente ?

Peut-être, mais ce n’est pas certain, répond le professeur au Collège militaire royal de Saint-Jean Marc Imbeault.

Oui, bombarder de manière intensive une zone avant de lancer des troupes au sol est une stratégie militaire « classique ».

« Plus vous détruisez les infrastructures de l’ennemi, plus vous l’affaiblissez et vous augmentez vos chances de succès. Le but est de faire le plus de dégâts possible en prenant le moins de risques possible », explique-t-il.

Cela dit, une telle déclaration peut aussi être une façon de mettre de la pression sur le Hamas, ce qui a aussi pour conséquence de susciter la peur.

Il peut aussi y avoir une part de guerre psychologique là-dedans. L’armée israélienne aurait très bien pu intensifier les frappes sans l’annoncer.

Marc Imbeault, professeur au Collège militaire royal de Saint-Jean

Même si elles visent les infrastructures du Hamas, ces frappes feront vraisemblablement des victimes, dont le nombre s’élève à 4300 depuis le début du conflit, au sein de la population palestinienne.

« Gaza est un lieu densément peuplé et où les combattants sont mélangés à la population civile et où les effets collatéraux sont à peu près impossibles à éviter », souligne Pierre Jolicœur, également professeur au Collège militaire royal de Saint-Jean.

Aide humanitaire insuffisante

Mais pour l’heure, c’est la crise humanitaire qui menace surtout la population gazaouie et qui préoccupe à l’international.

Samedi, cinq agences de l’ONU ont sonné l’alarme au sujet de la situation « catastrophique » à Gaza. Des hôpitaux « submergés », des enfants mourant « à un rythme alarmant », privés d’eau, de nourriture et de soins de santé. « Les Gazaouis ont besoin de beaucoup plus, un acheminement massif d’aide est nécessaire », a déclaré le secrétaire général des Nations unies, António Guterres.

Selon l’ONU, il faudrait au moins 100 camions d’aide humanitaire par jour pour répondre aux besoins de la population gazaouie. Or, le poste frontalier de Rafah a été refermé peu après le passage des 20 camions initiaux, samedi matin.

Malgré de nombreux appels à le maintenir ouvert, aucune information concernant son éventuelle réouverture n’a été annoncée. Le président des États-Unis, Joe Biden, a exhorté toutes les parties prenantes au conflit à continuer de laisser entrer l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, en état de siège.

PHOTO SHADI TABATIBI, REUTERS

Des immeubles d’habitation détruits par des frappes israéliennes, à al-Zahra, dans le sud de la bande de Gaza

« J’ai été clair depuis le début de cette crise, tant dans mes déclarations officielles que lors d’échanges en privé : l’aide humanitaire est d’une nécessité cruciale et urgente et elle doit continuer d’être acheminée », a-t-il déclaré dans un communiqué diffusé par la Maison-Blanche.

Pendant ce temps, la situation s’aggrave d’heure en heure dans la petite enclave.

Des médecins de Gaza ont prévenu que 130 bébés prématurés étaient en « danger imminent en raison du manque de carburant » dans les hôpitaux.

PHOTO SAMAR ABU ELOUF, THE NEW YORK TIMES

Bénévole à un point de distribution d’aide humanitaire dans le sud de Gaza

« Le monde ne peut se contenter de regarder ces bébés se faire tuer par le siège de Gaza », a déclaré la directrice générale de Medical Aid for Palestinians, Melanie Ward, dans un communiqué.

« L’eau est le plus grand combat… nous partons à la chasse tous les jours », a témoigné Mahmoud Nasser, un Canadien coincé à Gaza, en entrevue avec La Presse Canadienne.

« Ma femme est enceinte de cinq mois et je m’inquiète beaucoup parce qu’aujourd’hui, nous n’avons plus d’eau en bouteille et qu’elle boit de l’eau sale dont je ne suis pas sûr qu’elle soit hygiénique… », a-t-il poursuivi.

Tensions à la frontière libanaise

Autre foyer de tension : la région du nord d’Israël, frontalière avec le Liban. Israël a tué six combattants du Hezbollah, samedi, lors de combats transfrontaliers, a déclaré l’allié du Hamas.

De son côté, l’État hébreu a soutenu avoir échangé des tirs avec le Hezbollah dans au moins quatre zones différentes le long de la frontière libanaise.

Les hostilités ont forcé les habitants des deux côtés à fuir leurs maisons.

Par ailleurs, l’armée israélienne a affirmé dimanche avoir tué, lors de frappes aériennes, des « terroristes » s’abritant dans un souterrain de la mosquée al-Ansar de Jénine, en Cisjordanie.

Selon le Tsahal, la mosquée servait de « centre de commandement » et appartenait à des agents du Hamas et du Djihad islamique.

Désaccords au Sommet pour la paix

Samedi, des dirigeants de nombreux pays arabes et occidentaux se sont réunis au Caire, en Égypte, à l’occasion d’un Sommet pour la paix.

S’ils ont appelé à un cessez-le-feu pour permettre l’entrée de l’aide humanitaire dans Gaza, les représentants des pays occidentaux et arabes n’ont pas pu s’entendre sur un communiqué final.

Selon des diplomates arabes cités par l’Agence France-Presse, les pays occidentaux réclamaient « un appel à la libération des otages » ainsi qu’une « condamnation claire du Hamas », dont l’attaque sanglante du 7 octobre a fait 1400 morts en Israël, ce qu’ont refusé les pays arabes.

« On demande que le Hamas libère les otages », a exhorté Mélanie Joly, samedi, lors de son allocution au Sommet, rappelant le droit des Palestiniens à l’autodétermination.

« Même en temps de crise, il y a des principes, et même en temps de guerre, il y a des règles. Le Canada soutient le fait qu’à tout moment, toutes les parties impliquées dans un conflit doivent respecter les lois humanitaires internationales », a-t-elle ajouté.

Tard samedi soir, Ottawa a annoncé son intention de mettre fin aux vols d’évacuation depuis Israël à compter de lundi. Le gouvernement a justifié cette décision en invoquant la baisse de la demande et l’existence d’options commerciales de plus en plus nombreuses. « Mon message aux Canadiens qui se trouvent en Israël est clair : si vous voulez quitter [le pays] pour des raisons de sécurité, c’est maintenant qu’il faut le faire », a déclaré la ministre Mélanie Joly.

Bientôt de nouveaux otages libérés ?

De nouveaux otages israéliens pourraient prochainement être libérés, estime le Qatar.

Une médiation menée par ce pays du Golfe a permis d’aboutir vendredi à la libération de deux Américaines enlevées par le Hamas.

« Je ne peux pas vous promettre que cela se fera aujourd’hui, demain ou après-demain. Mais nous sommes sur une voie qui conduira très bientôt à la libération des otages, en particulier des civils », a affirmé un porte-parole du ministère qatari des Affaires étrangères, Majed Al-Ansari, dans une interview au journal Welt am Sonntag.

Plus de 200 otages israéliens et étrangers sont toujours détenus par le Hamas, selon le dernier bilan d’Israël.

Avec l’Agence France-Presse, The Guardian et La Presse Canadienne