(Ottawa) Le système de défense antiaérienne promis à l’Ukraine par le Canada il y a plus d’un an n’arrivera pas de sitôt sur le champ de bataille. Aux États-Unis, la fabrication de cet équipement dont Kyiv a cruellement besoin n’a pas encore commencé. Et pendant ce temps, les missiles russes continuent de pleuvoir sur l’Ukraine.

Dans le jargon militaire, on appelle cette coûteuse batterie de missiles sol-air le NASAMS.

À 406 millions US pièce (environ 550 millions CAN), ce don annoncé par le gouvernement canadien en janvier 2023 représente tout de même, à lui seul, 12,5 % du total de l’aide militaire canadienne à l’Ukraine, qui est de 4 milliards jusqu’en 2029.

Mais contrairement aux chars Leopard, aux lance-roquettes ou aux obusiers M777, qui ont pu être puisés à même les stocks des Forces armées canadiennes, et donc livrés rapidement, le NASAMS acheté auprès des États-Unis est loin d’être arrivé à destination.

D’abord, la paperasse n’est pas encore réglée. Si le contrat a été signé, Washington et Kyiv en sont encore à finaliser la lettre d’acceptation. Une fois cette ultime étape administrative franchie, l’entreprise Raytheon pourra démarrer la production, qui peut durer deux ans, selon le Wall Street Journal.

Le porte-parole du ministère de la Défense nationale, Alexandre Tétreault, signale que le ministre Bill Blair a rencontré l’ambassadeur des États-Unis au Canada, David Cohen, « pour lui demander d’accélérer le délai de livraison » de cette « acquisition essentielle pour l’Ukraine ».

Il ne s’est pas buté à de la résistance, assure une porte-parole de l’ambassade : « Compte tenu des besoins pressants en Ukraine, les États-Unis et le Canada discutent des moyens par lesquels les États-Unis pourraient tenter d’accélérer la livraison du NASAMS financé par le Canada. »

Au même moment, les forces ukrainiennes réclament désespérément de l’armement. La contre-offensive de l’été dernier est loin d’avoir donné les résultats escomptés, et au cours des dernières semaines, l’armée russe a intensifié ses bombardements sur les infrastructures énergétiques de l’Ukraine.

Manque de planification

« En achetant un équipement à l’étranger qui n’existe pas, qu’il faut construire, c’est évident qu’il y a des délais de production et de livraison », constate Justin Massie, professeur titulaire du département de science politique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Ça montre les faiblesses de planification dans l’acquisition dans les Forces armées canadiennes, parce que si elles avaient eu des défenses antiaériennes à leur disposition avant le début de l’invasion, elles auraient pu en fournir aux Ukrainiens en attendant de s’en procurer de nouvelles pour nos forces.

Justin Massie, professeur titulaire du département de science politique de l’UQAM

N’empêche, « même si le processus d’acquisition se déroule beaucoup moins vite qu’on le voudrait, cela va tout de même nettement plus rapidement que la norme pour l’achat de ce type d’équipement », observe de son côté David Perry, de l’Institut canadien des affaires mondiales.

Le représentant du groupe de réflexion militaire fait remarquer que le Canada a été parmi les premiers à « envoyer un message » en annonçant le don d’un NASAMS, « alors que les autres alliés étaient plus prudents, de crainte de se mettre à dos la Russie et de provoquer une escalade du conflit ».

Les États-Unis, la Norvège et la Lituanie figurent parmi les pays qui en ont expédié ou acheté.

Mais ultimement, les Ukrainiens ne lèveront certainement pas le nez sur le système de défense antiaérienne, quel que soit le moment où il leur parviendra, souligne Justin Massie : « Les besoins seront toujours là, parce qu’ils vont continuer à être sous la menace russe peu importe ce qu’il adviendra de la guerre. »

« L’autre chose, ce que les Ukrainiens nous disent, c’est qu’ils ont aussi besoin de missiles, et le Canada n’en a pas offert depuis janvier 2023. Les missiles, chaque fois qu’on est attaqué, il faut les utiliser, donc il faut constamment renflouer les stocks », enchaîne le codirecteur du Réseau d’analyse stratégique.

« La priorité numéro un » en Ukraine bombardée

De passage en Lituanie, jeudi, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a réaffirmé l’importance capitale de la défense aérienne.

« Nous avons été attaqués aujourd’hui, cette nuit, tôt le matin. Encore une fois, Kharkiv, encore une fois, Odessa, Zaporijjia, la région de Kyiv, beaucoup de nos régions, de gens chez nous », a-t-il regretté.

« C’est pourquoi la défense aérienne est pour nous […] la priorité numéro un », a insisté le président.

En même temps, les forces terrestres ukrainiennes sont aussi mises à rude épreuve, et il y a pénurie de soldats volontaires.

Pour pallier la disette, le Parlement ukrainien a voté une loi afin de mobiliser plus d’hommes face aux assauts de la Russie, ce qui ne s’est pas fait sans controverse.

Avec l’Agence France-Presse