(Moscou) Un tribunal de Moscou a commencé à juger lundi à huis clos l’opposant Vladimir Kara-Mourza, qui risque jusqu’à 25 ans de prison, notamment pour haute trahison, dernier exemple de la répression accélérée des détracteurs du Kremlin.

Les autorités russes ont multiplié les poursuites contre les critiques de Vladimir Poutine depuis le lancement de son offensive contre l’Ukraine, et le cas de M. Kara-Mourza, 41 ans, est l’un des plus emblématiques.

Dans une même affaire, il est visé par trois graves accusations : « haute trahison », diffusion de « fausses informations » sur l’armée russe, et travail illégal pour une organisation « indésirable ».

L’un de ses avocats, Vadim Prokhorov, a indiqué à l’AFP que l’opposant risquait jusqu’à 25 ans de prison pour ces trois chefs d’inculpation cumulés.

« Nous sommes revenus aux temps staliniens. Nous sommes revenus aux énormes peines staliniennes », a dénoncé M. Prokhorov, après l’audience à huis clos de lundi.

Et « les autorités veulent régler tout ça à une vitesse cosmique », a-t-il ajouté, indiquant que la prochaine audience était prévue dès jeudi.  

PHOTO FOURNIE PAR LA COUR MUNICIPALE DE MOSCOU VIA REUTERS

Vladimir Kara-Mourza discute avec son avocat lors d’une audience préliminaire, le 6 mars.

Vladimir Kara-Mourza, en détention provisoire depuis avril 2022, est un opposant de longue date à Vladimir Poutine. Il a failli mourir après avoir été, selon lui, empoisonné à deux reprises, en 2015 et 2017, des tentatives d’assassinat qu’il attribue au régime russe.  

Triple accusation

Au printemps dernier, il a été inculpé pour diffusion de « fausses informations » sur l’armée après son intervention en mars 2022 devant des députés américains de l’Arizona, lors de laquelle il avait critiqué l’offensive russe en Ukraine.  

Puis, en août 2022, il a été accusé de travailler avec une « organisation indésirable », un crime passible de prison aussi, pour avoir organisé une conférence de soutien aux prisonniers politiques en Russie.  

Enfin, en octobre, les autorités ont ouvert contre lui une troisième affaire pour « haute trahison », le plus grave des chefs d’inculpation, pour avoir critiqué les autorités dans des interventions publiques à l’étranger, a indiqué son avocat à l’agence de presse d’État russe Tass.

M. Kara-Mourza est en outre classé « agent de l’étranger », un statut qui rappelle celui des « ennemis du peuple » utilisé à l’époque soviétique.

« En vrai patriote de la Russie, il est accusé de haute trahison pour son infatigable combat pour une Russie sans Poutine », a écrit lundi son épouse, Evguénia, sur Twitter.  

« Je suis toujours à un battement de cœur de distance de toi, mon amour, et je continuerai de me battre pour et avec toi aussi longtemps qu’il le faut », a-t-elle ajouté.

Russe de naissance, M. Kara-Mourza a également la citoyenneté britannique, ayant déménagé au Royaume-Uni avec sa mère à l’âge de 15 ans.

Adulte, il s’est rapproché de l’opposition russe, en particulier de Boris Nemtsov — assassiné par balles à deux pas du Kremlin en 2015 — et de Mikhaïl Khodorkovski, richissime homme d’affaires qui a passé une décennie en prison pour son opposition à Vladimir Poutine.

Dans un entretien accordé à l’AFP, en 2021, il avait assuré ne pas avoir l’intention de quitter la Russie, malgré les risques.  

« Nous sommes des hommes politiques russes, notre place est en Russie », disait-il alors. Il estimait que « le plus grand cadeau » que les opposants à Vladimir Poutine pouvaient lui faire, c’était « d’abandonner et de fuir ».

La plupart des détracteurs du maître du Kremlin sont aujourd’hui en prison ou en exil.

Alexeï Navalny purge une peine de neuf ans de prison pour fraude, une affaire largement vue comme étant politique. Il avait été arrêté en janvier 2021 à son retour en Russie, après une convalescence en Allemagne à la suite d’un empoisonnement en Sibérie dont il accuse le Kremlin.  

Une autre figure de l’opposition, Ilia Iachine, purge une peine de huit ans et demi de colonie pénitentiaire après avoir été condamné en décembre pour ses critiques de l’offensive contre l’Ukraine.