(Anvers) Chaque minuscule contenant de plastique avait à peine la taille d’un ongle et pesait 0,2 gramme. Et pourtant, les sachets de poudre blanche saisis dans un sous-sol de Bruxelles témoignent à coup sûr de la vigueur du marché de la drogue en Europe.

Une vague de violence sans précédent déferle sur la Belgique et les Pays-Bas, dont les ports d’Anvers et de Rotterdam sont les plus populaires auprès des narcotrafiquants latino-américains qui importent leur marchandise sur le continent.

En Belgique, le ministre de la Justice est contraint de vivre dans une maison de sûreté, hors de la portée des criminels. Aux Pays-Bas, la mort fauche des gens de plus en plus en vue et l’héritière au trône néerlandais pourrait même avoir été contrainte d’interrompre ses études universitaires parce qu’on craignait pour sa sécurité.

« Il faut presque voir ça comme une guerre », a dit Aukje de Vries, la ministre néerlandaise responsable des douanes du pays.

Les dirigeants du port d’Anvers, dans le nord de la Belgique, ont annoncé mardi un nouveau record : 110 tonnes de cocaïne y ont été saisies l’an dernier, soit 23 % de plus qu’en 2021 et deux fois plus qu’il y a cinq ans.

« Nous sommes stupéfaits, a dit à l’Associated Press le ministre belge des Finances, Vincent Van Peteghem. Ça veut aussi dire que la quantité de drogue qui entre en Europe (sans être détectée) par le biais de nos ports est également en hausse. Et ça, évidemment, ça a un impact énorme. »

La cocaïne n’est pas seulement source de dépendance et de mort, mais aussi de violence et d’affrontements entre groupes de criminels.

Anvers a été le théâtre au cours des trois dernières années de dizaines d’attaques à la grenade, d’incendies et de petites attaques à la bombe. Ces gestes sont souvent posés par des bandes qui essaient de s’approprier une portion du lucratif trafic de la cocaïne.

Une victime innocente a été fauchée lundi soir dans cette ville plus souvent associée au peintre Peter-Paul Rubens.

« Une fillette d’à peine 11 ans qui évidemment n’a rien à voir avec les groupes criminels est maintenant la victime d’une narcoterreur qui se fait de plus en plus impitoyable », a dénoncé le procureur d’Anvers, Franky De Keyzer.

La situation s’est tellement détériorée en Belgique que le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne doit se cacher puisque des groupes criminels pourraient vouloir s’en prendre à lui.

Les meurtres et les gestes d’intimidation se multiplient également aux Pays-Bas, au moment où les narcotrafiquants se disputent le contrôle d’un marché d’une valeur de plusieurs milliards de dollars. Les 50 tonnes de cocaïne saisies l’an dernier au port de Rotterdam constituent aussi un record.

On compte parmi les victimes les plus en vue l’avocat d’un individu qui devait témoigner contre des trafiquants de drogue et le reporter judiciaire Peter R. de Vries, qui était proche du même témoin.

Des menaces dont la nature n’a pas été précisée ont contraint la princesse Amalia, qui doit un jour monter sur le trône néerlandais, à abandonner ses études à Amsterdam et à rentrer chez elle. La sécurité aurait aussi été resserrée autour du premier ministre Mark Rutte. La criminalité reliée à la drogue serait en cause dans les deux cas.

En Belgique, même si la violence semble moins intense, l’impact de la cocaïne et du crack demeure immanquable.

L’inspecteur en chef du quartier des Marolles (vu dans les aventures de Tintin) a indiqué que la cocaïne sud-américaine semble être devenue la nouvelle « normale ».

Kris Verborgh a expliqué que le produit de base coûte 500 euros par kilo en Colombie. Le produit fini vaut 70 000 euros dans les rues belges.

« C’est une quantité énorme d’argent que tu peux gagner relativement facilement », a-t-il dit.

Les saisies effectuées dans les ports d’Anvers et de Rotterdam ne représentent qu’une goutte d’eau face à ce trafic qui relie la Colombie, le Pérou et la Bolivie aux grandes capitales européennes.

Les 11 000 habitants des Marolles comptent parmi les plus pauvres des 1,2 million d’habitants de Bruxelles. Mais 0,2 gramme de cocaïne se vend 20 euros, ce qui place la dose à la portée de tous.

« Ils ciblent vraiment les sans-abri », a dit l’inspecteur Verborgh.

Les revendeurs offrent du crack prêt à être consommé dans des rues anciennement tranquilles ou même dans le métro, au vu et au su de familles. Les groupes ont commencé à intimider les résidents pour assurer leur silence. Ils lancent aussi des pierres aux voitures de police et tentent d’empêcher les policiers d’entrer dans certains secteurs.

Depuis la mi-octobre, 115 arrestations ont été effectuées dans le quartier. Mais les groupes sont tellement puissants qu’un nouveau revendeur arrivera au même endroit quelques minutes plus tard.

Ce commerce illicite attire de plus en plus les jeunes. « Il y a quelques années, on voyait rarement des gens de 12 ou 14 ans, dit M. Verborgh. Aujourd’hui, ils font essentiellement partie des bandes. »

La semaine dernière, la police des Marolles a trouvé de la drogue, des balances précises, un drone, du gaz poivré et deux épées dans un sous-sol apparemment abandonné. Deux adolescents ont été arrêtés, dont un jeune de 14 ans.

« C’est un problème parce que normalement, un jeune de 12 ou 14 ans devrait être à l’école », a dit l’inspecteur Verborgh.