(Bakhmout) Des duels d’artillerie se poursuivaient vendredi à Bakhmout, épicentre des combats dans l’est de l’Ukraine, et des bombardements ailleurs dans le pays, malgré l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu unilatéral décrété par la Russie à l’occasion du Noël orthodoxe.

Des journalistes de l’AFP ont entendu des tirs côté ukrainien comme côté russe après le début du cessez-le-feu dans cette ville aux rues en grande partie détruites et désertées, mais leur intensité était moindre par rapport aux jours précédents.

Des dizaines de civils étaient rassemblés dans un bâtiment servant à la distribution de l’aide humanitaire, où des bénévoles ont organisé une célébration de Noël, distribuant des mandarines, des pommes et des biscuits, une heure avant l’entrée en vigueur à 4 h (heure de l’Est) de la trêve russe.

Pavlo Diatchenko, un policier de Bakhmout, a assuré que la trêve était une « provocation » russe qui n’aiderait pas les civils de la ville. « Ils sont bombardés jour et nuit et quasiment chaque jour, il y a des personnes tuées », dit-il.

L’armée russe a assuré respecter sa trêve, mais accusé les troupes ukrainiennes de « continuer à bombarder les villes et les positions russes ».

Le chef adjoint de l’administration présidentielle ukrainienne, Kyrylo Tymochenko, a rapporté deux frappes russes sur Kramatorsk (est) ayant touché un immeuble résidentiel sans faire de victimes. Plus tôt, avant la trêve, il avait évoqué un bombardement russe sur Kherson (sud).

Les autorités séparatistes prorusses de l’est de l’Ukraine ont, pour leur part, fait état de plusieurs bombardements ukrainiens sur leur bastion de Donetsk avant et après l’entrée en vigueur théorique du cessez-le-feu, annoncé la veille par le président Vladimir Poutine.

Suivant un appel du du patriarche orthodoxe russe Kirill, mais aussi une proposition du chef de l’État turc Recep Tayyip Erdogan, M. Poutine avait demandé à son armée d’observer un « cessez-le-feu sur toute la ligne de contact entre les parties à partir de 12 h (4 h (heure de l’Est)) le 6 janvier jusqu’à minuit (16 h (heure de l’Est)) le 7 janvier ».

Le cessez-le-feu russe « pas crédible »

Le chef de la diplomatie de l’Union européenne (UE) Josep Borrell a qualifié d’« hypocrisie » le cessez-le-feu annoncé par Moscou, le jugeant « pas crédible ».

« Le Kremlin manque tout à fait de crédibilité et cette déclaration d’une volonté de cessez-le-feu unilatéral n’est pas crédible », a déclaré Josep Borrell à la presse en marge d’une visite à Fès, au Maroc.

« La réponse qui nous vient à tous à l’esprit, c’est le scepticisme face à tant d’hypocrisie », a-t-il estimé.

Pour que le cessez-le-feu puisse être considéré comme valable, « il faut avoir un arrêt complet des attaques militaires. Il faut avoir le retrait des troupes (russes) et de leur matériel militaire du territoire ukrainien », a expliqué M. Borrell, après avoir rencontré des étudiants de l’Université euro-méditerranéenne.

« En l’absence de telles actions concrètes, un cessez-le-feu unilatéral apparaît comme une tentative de la Russie de gagner du temps pour regrouper ses troupes et essayer de restaurer sa réputation internationale qui est bien endommagée », a souligné M. Borrell.

Il a par ailleurs pointé du doigt la « propagande » russe qui impute « aux sanctions européennes » la responsabilité de la flambée mondiale des prix des denrées alimentaires et de l’énergie qui pénalise particulièrement l’Afrique.

« C’est complètement faux. C’est l’armée russe qui a détruit les silos de grains, qui a détruit et semé des mines dans les champs, détruit les routes et bloqué les ports de l’Ukraine », a souligné le haut responsable européen.

C’est la première fois qu’une trêve d’ampleur est annoncée en Ukraine depuis le début de l’invasion russe en février 2022. De courts arrêts des combats avaient précédemment été observés localement, comme pour l’évacuation des civils de l’usine Azovstal de Marioupol (sud-est) en avril.

L’Ukraine a mis en doute la sincérité de l’initiative russe, la balayant comme un « acte de propagande ». Selon son président Volodymyr Zelensky, il s’agit d’une « excuse dans le but d’au moins arrêter l’avancée de nos troupes dans le Donbass et d’apporter équipements, munitions, et rapprocher des hommes de nos positions ».

Une nouvelle aide américaine

Les États-Unis fourniront une nouvelle aide militaire de 3 milliards de dollars pour l’Ukraine, ce qui constitue l’enveloppe la plus importante jusqu’à maintenant, a annoncé vendredi la Maison-Blanche.

Cette assistance, dont le détail sera donné par le Pentagone plus tard dans la journée, doit aussi inclure des véhicules blindés d’infanterie et de transport de troupes ainsi que des obusiers, a précisé la porte-parole de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre.

Washington et Berlin avaient déjà annoncé jeudi qu’ils livreraient à Kyiv des blindés d’infanterie, de type Bradley côté américain et de modèle Marder côté allemand, mais n’avaient pas indiqué les modèles.

En service depuis les années 1970, les Marder sont des blindés légers destinés au transport de troupes. Leur armement principal est un canon de 20 mm.

Les Bradley sont des engins plus ou moins de la même famille, en service depuis le début des années 1980. Dans le modèle m2, ils sont équipés d’un canon de 25 mm ainsi que d’un lanceur de missile antichar, et peuvent transporter, en plus de l’équipage, six combattants.

Le Bradley « n’est pas un char d’assaut, c’est un tueur de chars d’assaut », a noté jeudi le général Ryder, porte-parole du Pentagone.

« Nous sommes convaincus que cela va beaucoup aider (les forces ukrainiennes) sur le champ de bataille », a-t-il ajouté.

La France avait été la première à franchir le pas en annonçant mercredi la livraison prochaine de ses chars de combat légers AMX-10 RC, dont est dotée l’armée française.

Les quantités et les délais n’ont pas été précisés à ce stade.

Berlin s’est aussi engagé à fournir une batterie de défense antiaérienne Patriot, comme l’a déjà fait Washington.