Mais travailler chez Louise Blouin Media impliquait parfois de se heurter à des portes scellées par un huissier parce que le loyer était impayé.

Cela impliquait de lire des articles dans le tabloïd New York Post, où la patronne était surnommée « La Reine rouge », un clin d’œil à la volcanique souveraine du roman Alice au pays des merveilles, de Lewis Carroll. Selon l’ancienne rédactrice en chef d’Art+Auction Sarah P. Hanson, cela impliquait aussi de découvrir qu’une année de déductions salariales n’avait pas été versée au gouvernement fédéral (Mme Hanson et trois autres ex-employés ont montré au Times leurs déclarations d’impôts pour appuyer leurs dires).

Il y a des gens qui sont – ou qui se croient – tellement riches qu’ils ne comprennent pas les réalités du travail. Avec Louise, toutes les bonnes choses arrivaient grâce à elle ; toutes les mauvaises choses étaient le résultat d’un complot ourdi contre elle.

Ben Davis, ancien rédacteur en chef d’ArtInfo

La réalité s’est imposée début 2014, quand tout le monde a dû faire ses boîtes à deux jours d’avis. Des documents montrent qu’après avoir pris du retard dans le paiement du loyer, Mme Blouin a rompu le bail un an avant terme. Le personnel a travaillé à distance pendant un mois, puis a emménagé dans de nouveaux locaux dans le quartier financier.

En février 2014, Mme Blouin et Louise Blouin Media ont été poursuivies par Catherine Shanley, ancienne éditrice d’Art+Auction, et son adjointe, Wendy Buckley. Dans leur plainte, les deux femmes réclamaient 235 000 $ en salaire impayé et alléguaient avoir été congédiées pour s’être plaintes de ne pas avoir été payées.

Le procès a duré des années et a mal fini pour Mme Blouin. En 2020, elle a consenti, sans admettre de faute, à payer les plaignantes en 18 versements mensuels. Elles ont reçu 45 000 $, mais le reste n’est jamais venu, selon les avocats de Mmes Buckley et Shanley.

« Honnêtement, je ne m’attendais pas à être payée, a déclaré Mme Buckley. Mais je voulais gagner et je tenais à ce qu’il y ait un coût pour ce qu’elle avait fait. »

L’imprimeur de magazines R. R. Donnelley a aussi poursuivi Mme Blouin et Louise Blouin Media, réclamant 715 000 $. Après trois ans de litige, R. R. Donnelley a reçu 558 550 $.

Lors d’un entretien téléphonique, Mme Blouin a dit n’avoir « aucune idée » de ce qui a poussé tant de gens à l’accuser de ne pas les avoir payés correctement : « Je n’ai pas de créanciers, juste un petit truc de rien du tout avec l’impôt. »

Les arts, pour moi, c’est de la philanthropie. Ce n’est pas une entreprise. C’est ainsi que je le perçois. C’est aider les autres. C’est de la philanthropie, aider les autres à travers les arts. Comment utiliser les arts pour le processus créatif ? Comment utiliser les arts pour la neurologie, le développement des sens et tout ça ? Ça n’a jamais été une question de faire des affaires.

Louise Blouin

Lorsque l’entreprise a manqué d’argent, Mme Blouin a hypothéqué le domaine des Hamptons. La société incorporée détenant la villa au 376, Gin Lane a emprunté 15 millions à la banque Morgan Stanley en 2011, selon les archives publiques. La maison secondaire, au 366, Gin Lane, a permis d’emprunter 8,5 millions à la banque Wells Fargo.

  • Intérieur de la maison originale de La Dune

    PHOTO HEIDI SCHUMANN, THE NEW YORK TIMES

    Intérieur de la maison originale de La Dune

  • La cuisine du 366, Gin Lane, à Southampton

    PHOTO HEIDI SCHUMANN, THE NEW YORK TIMES

    La cuisine du 366, Gin Lane, à Southampton

  • Un escalier au 366, Gin Lane, à Southampton

    PHOTO HEIDI SCHUMANN, THE NEW YORK TIMES

    Un escalier au 366, Gin Lane, à Southampton

  • Un salon à La Dune, avec des livres et un coussin « Louise »

    PHOTO HEIDI SCHUMANN, THE NEW YORK TIMES

    Un salon à La Dune, avec des livres et un coussin « Louise »

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En 2016, Blouin a mis La Dune à vendre. Prix demandé : 140 millions de dollars. Ne trouvant pas preneur, elle a négocié un autre emprunt de 26 millions avec un prêteur, JGB Management.

Après quelques années, le prêt à taux d’intérêt élevé avait enflé à 36 millions. À l’automne 2021, JGB a poursuivi Mme Blouin et tenté de faire saisir La Dune.

Durant la même période, le fisc fédéral a avisé Mme Blouin qu’elle devait six années de retenues salariales non versées par Louise Blouin Media et une autre de ses sociétés, ArtNow. En 2021, le fisc lui a signifié des réclamations totalisant plus de 10 millions de dollars, avec les pénalités.

Mme Blouin a répondu dans une déclaration sous serment qu’elle ne devrait pas être tenue responsable de la dette : « À un moment donné, j’ai été actionnaire », y déclare Mme Blouin. « Une des sociétés porte mon nom, mais je n’en ai jamais été administratrice, gestionnaire, ni employée. » Le fisc fédéral a alors déclaré des privilèges totalisant au moins 4,7 millions de dollars sur les deux propriétés, selon les documents déposés en cour par Mme Blouin.

En 2022, elle s’est entendue avec Bay Point Advisors, qui a repris le prêt de JGB Management, puis assumé la dette résiduelle du prêt de Morgan Stanley.