Accumulant les victoires dans presque tous les scrutins d’un super mardi sans grand suspense, Joe Biden et Donald Trump ont fait des pas de géant vers un match revanche sans précédent en novembre prochain, rendez-vous électoral qui suscite plus d’angoisse que d’enthousiasme chez les Américains.

Seize États et territoire tenaient des primaires ou des caucus dans le cadre des courses à l’investiture des deux grands partis pour l’élection présidentielle de 2024. Le président démocrate a balayé tous les États où il était en lice, subissant sa seule défaite dans les Samoa américaines contre un entrepreneur inconnu, Jason Palmer, qui n’était pas candidat ailleurs.

Donald Trump, lui, a essuyé son seul revers au Vermont, où Nikki Haley a arraché sa deuxième victoire de la saison électorale après celle de samedi dernier dans le district de Columbia. Elle a récolté 50 % des suffrages contre 46 % pour son rival.

Il s’agissait d’une mince consolation pour l’ancienne gouverneure de Caroline du Sud, qui a été dominée ou écrasée dans les autres États qui tenaient des consultations, y compris la Virginie, où elle fondait des espoirs. Donald Trump y a pourtant été déclaré vainqueur moins de 25 minutes après la fermeture des bureaux de scrutin.

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Nikki Haley entourée de partisans à Forth Worth, au Texas, lundi soir

À la fin de la soirée, Nikki Haley n’avait gagné qu’une poignée de délégués, performance qui remet en question plus que jamais la viabilité de sa campagne.

Donald Trump a remporté des victoires avec des marges d’au moins 50 points de pourcentage dans sept États – Texas, Oklahoma, Arkansas, Tennessee, Alabama, Caroline du Nord et Maine – et d’au moins 25 points de pourcentage dans quatre autres États – Virginie, Minnesota, Colorado et Massachusetts. Il a également triomphé en Californie. Les résultats des caucus de l’Utah et de la primaire de l’Alaska n’avaient pas encore été annoncés au moment où nous écrivions ces lignes.

« Ce n’est pas pour rien que l’on parle du “super mardi” », a déclaré l’ancien président en célébrant ses victoires devant des partisans réunis à Mar-a-Lago en fin de soirée. « C’est la journée la plus importante. Les analystes disent qu’il n’y a jamais rien eu de semblable, qu’il n’y a jamais rien eu d’aussi concluant. C’était une soirée incroyable, une journée incroyable », a-t-il ajouté avant d’attaquer Joe Biden sur plusieurs sujets, dont l’inflation et l’immigration.

« Nos villes sont envahies par la criminalité des migrants », a-t-il déclaré avant d’ajouter que son rival potentiel était « le pire président de l’histoire américaine ».

Il n’a pas évoqué le nom de Nikki Haley lors de son discours prononcé d’une voix éteinte. Sa rivale n’a émis aucun commentaire au cours de la soirée. Elle devra évidemment décider au cours des prochains jours si elle poursuit sa campagne ou y met fin.

Pour Biden, Trump se concentre sur « sa vengeance »

Dans une déclaration écrite, Joe Biden s’est attaqué de son côté à Donald Trump, l’accusant de vouloir « faire reculer » les États-Unis.

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Joe Biden à la Maison-Blanche mardi

« Les résultats de ce soir placent le peuple américain devant un choix clair : allons-nous continuer à aller de l’avant ou allons-nous permettre à Donald Trump de nous faire reculer dans le chaos, la division et les ténèbres qui ont caractérisé son mandat ? », a déclaré le président.

Et d’ajouter : « Si Donald Trump revient à la Maison-Blanche, tous ces progrès seront menacés. Il est motivé par les griefs et la cupidité, il se concentre sur sa propre vengeance, et non sur le peuple américain. Il est déterminé à détruire notre démocratie, à arracher des libertés fondamentales telles que la possibilité pour les femmes de prendre leurs propres décisions en matière de soins de santé, et à accorder une nouvelle série de milliards de dollars de réductions d’impôts aux riches – et il fera ou dira n’importe quoi pour se hisser au pouvoir. »

Joe Biden a facilement triomphé de ses deux adversaires, le représentant démocrate du Minnesota Dean Phillips et l’autrice Marianne Williamson. Il a rencontré une opposition plus importante dans les États qui permettaient aux électeurs de voter « non engagé » ou « aucune préférence ».

Au Minnesota, par exemple, près de 45 000 électeurs, ou 19 %, avaient choisi « non engagé » après le dépouillement de 86 % des voix. Au Michigan, théâtre d’une primaire démocrate le 27 février dernier, des militants et élus démocrates issus de la communauté arabo-américaine avaient encouragé les électeurs à voter « non engagé » pour exprimer leur mécontentement vis-à-vis de la position du président concernant la guerre dans la bande de Gaza. Plus de 100 000 électeurs, ou 13 %, avaient suivi cette consigne.

Délégués en jeu

Les primaires démocrates mettaient en jeu 1420 délégués, soit environ 36 % du total. Joe Biden deviendra le « candidat présomptif » de son parti lorsqu’il pourra revendiquer 1968 délégués. Il pourrait y parvenir le 19 mars lorsque les électeurs de cinq États – Arizona, Floride, Illinois, Kansas et Ohio – participeront à leur tour à des primaires démocrates.

Joe Biden avait commencé ce super mardi avec 246 délégués contre aucun pour ses deux rivaux.

Les primaires républicaines mettaient en jeu 854 délégués, soit plus de 35 % du nombre total. Il faut 1215 délégués pour remporter l’investiture du Grand Old Party. Donald Trump pourrait atteindre ce seuil et devenir le « candidat présomptif » de son parti dès le 12 mars lorsque quatre États – Géorgie, Mississippi, Hawaii et Washington – tiendront des scrutins.

Donald Trump avait commencé la journée avec 273 délégués contre 43 pour Nikki Haley.

Les délégués des deux partis se réuniront à l’occasion de la convention de leur parti respectif, l’été prochain, pour procéder à l’investiture de leur candidat présomptif à la présidence et de leur colistier ou colistière.

Trump et la justice

Sa défaite au Vermont n’aura pas été la seule ombre au tableau pour Donald Trump. Selon des sondages réalisés à la sortie des urnes pour CNN, 32 % des participants à la primaire républicaine de Caroline du Nord et 40 % des participants à la primaire républicaine de Virginie estiment que l’ancien président ne serait pas apte à retourner à la Maison-Blanche s’il était déclaré coupable d’un crime.

Il se trouvait un certain nombre d’indépendants ou de démocrates parmi ces électeurs, qui pouvaient participer à la primaire républicaine de la Virginie ou à celle de la Caroline du Nord. La question est de savoir combien d’électeurs abandonneront vraiment Donald Trump en novembre à cause de ses démêlés avec la justice.

Le premier procès pénal de l’ancien président doit débuter le 25 mars à New York. Donald Trump y est accusé d’avoir falsifié des documents d’entreprise pour cacher un versement de 130 000 $ à l’actrice porno Stormy Daniels avant l’élection présidentielle de 2020.

Duel en Caroline du Nord

Les électeurs étaient conviés à se prononcer sur plusieurs autres courses en ce super mardi. En Caroline du Nord, le lieutenant-gouverneur Mark Robinson a remporté la primaire républicaine pour l’élection au poste de gouverneur de l’État. Qualifié par Donald Trump de « Martin Luther King sur stéroïdes », cet Afro-Américain ultraconservateur devra survivre à des commentaires incendiaires sur les femmes, les musulmans, les juifs et les membres de la communauté LGBTQ+.

Il affrontera le procureur général de Caroline du Nord Josh Stein, qui a remporté la primaire démocrate. Les deux politiciens se livreront une lutte qui aura un retentissement national pour succéder au gouverneur démocrate actuel, Roy Cooper, qui ne peut solliciter un troisième mandat.

Cette lutte pourrait avoir un impact sur l’élection présidentielle en Caroline du Nord, où Barack Obama est le dernier candidat démocrate à avoir triomphé, en 2008.