(Austin) Une juge du Texas, où les interruptions volontaires de grossesse (IVG) sont interdites sauf rares exceptions, a autorisé jeudi à avorter une femme dont la grossesse pourrait selon son médecin menacer la vie et la fertilité, mais le procureur général a aussitôt prévenu que cette décision n’empêcherait pas les poursuites contre le personnel de santé.

Cette affaire illustre les casse-tête auxquels patientes et médecins sont confrontés depuis l’annulation par la Cour suprême de la garantie fédérale du droit à l’avortement en juin 2022, dans la foulée de laquelle plusieurs États américains ont restreint, voire interdit les IVG.

La Texane Kate Cox, 31 ans, a eu la confirmation la semaine dernière que son fœtus était atteint de trisomie 18, anomalie chromosomique associée à des malformations graves.

Lors d’une audience d’urgence, la juge d’un tribunal d’Austin, Maya Guerra Gamble, lui a accordé de pouvoir avorter, estimant que l’idée que Mme Cox puisse perdre la possibilité de devenir de nouveau mère était « choquante ».

L’avocate du Center for Reproductive Rights (Centre pour les droits reproductifs), qui a déposé plainte au nom de Mme Cox et de sa gynécologue, a dit à la presse être « soulagée ».

« Je veux souligner à quel point il est impardonnable que Kate ait dû supplier la justice pour obtenir » un avortement, a dit Molly Duane.

Mme Duane n’a pas voulu dire quand la jeune femme allait avorter, « pour sa sécurité, celle de sa famille et celle de son médecin ».

« Je dirai juste que nous travaillons avec elle pour déterminer le moyen le plus rapide de lui fournir un avortement », a-t-elle ajouté.

Exception

Le soulagement de Kate Cox et de ses avocats pourrait toutefois être de courte durée.

Dans un communiqué, assorti d’une lettre adressée à des hôpitaux texans, le procureur général Ken Paxton, un républicain ultraconservateur, a mis en garde contre « les potentielles implications de long terme » si ces établissements autorisaient l’avortement.

Qualifiant la juge de « militante », il a affirmé que sa décision en faveur de la plaignante « ne protégera pas » ces hôpitaux, « ni aucune autre personne, d’être tenus pour responsables au civil et au pénal pour violation des lois texanes sur l’avortement ».

Car le Texas interdit toutes les IVG, y compris en cas d’inceste ou de viol. Seule exception : en cas de danger de mort ou de risque de grave handicap pour la mère. Mais les défenseurs du droit à l’avortement affirment que les exceptions sont trop floues et que les médecins sont terrifiés à l’idée d’être poursuivis en justice.

Ken Paxton dit d’ailleurs dans sa lettre ne pas être convaincu que le cas de Mme Cox corresponde bien à l’une des exceptions autorisées.

« Il est clair que le procureur général du Texas pense qu’il est mieux placé pour exercer la médecine que les médecins de son État », a grincé l’avocate Molly Duane pendant l’audience.

Son collègue Marc Hearron, du Center for Reproductive Rights, a dénoncé dans un communiqué la réaction de M. Paxton, l’accusant de « semer la peur » et de tenter de « démolir le système judiciaire ».

Prendre l’avion

Le fait que le fœtus de Mme Cox, qui est enceinte de 20 semaines et a deux enfants, soit atteint de trisomie 18 signifie qu’il risque de mourir in utero. Même si la grossesse va à son terme, la probabilité que le bébé soit mort-né ou meure quelques jours plus tard est élevée.

Des échographies ont révélé qu’il présentait notamment des anomalies à la colonne vertébrale et à l’abdomen et que le développement de son crâne et de son cœur était anormal.

En raison de césariennes antérieures, le déclenchement du travail comporte en outre un risque élevé de rupture de l’utérus, ce qui pourrait tuer Mme Cox ou l’empêcher de tomber enceinte à l’avenir si une hystérectomie est nécessaire, d’après la plainte.

Depuis l’annulation de la garantie constitutionnelle du droit à l’avortement, de nombreuses Américaines sont obligées d’entreprendre des voyages pénibles et coûteux pour avorter.

Pour Kate Cox, qui s’est encore rendue aux urgences cette semaine après de fortes douleurs selon son avocate, ce n’était pas une option.

« Sauter dans un avion en plein milieu d’une urgence médicale […] est une violation des droits de la personne », a dit Molly Duane. « Texane de toujours », « Kate veut pouvoir être soignée chez elle. Lui dire de prendre l’avion et de quitter l’État n’est pas une réponse » appropriée.