Une communauté dévastée, des vies perdues, un homme en cavale. Au moins 18 personnes ont été tuées et une dizaine d’autres ont été blessées mercredi soir dans des fusillades survenues en plusieurs lieux à Lewiston, dans l’État du Maine. Si plusieurs questions restent en suspens, on sait déjà que cette tuerie de masse sera parmi les plus meurtrières des 40 dernières années aux États-Unis.

Au moins 18 personnes ont perdu la vie, selon ce qu’ont avancé jeudi les autorités. Lors d’un bilan en soirée mercredi, un conseiller municipal avait toutefois évoqué un total de 22 morts sur les ondes de CNN. On parlait alors d’entre 50 et 60 blessés, mais la police locale a finalement confirmé jeudi un bilan de 13 blessés, lors d’une conférence de presse.

« Nous sommes actuellement confrontés à un évènement de tir actif. Veuillez rester à l’écart des routes pour permettre aux secouristes d’accéder aux hôpitaux », avait indiqué mercredi soir sur les réseaux sociaux la police locale de Lewiston, en publiant des photos du suspect toujours en fuite.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE LA POLICE DE LEWISTON

Cette Subaru Outback a été identifiée comme étant le véhicule du suspect.

La photo d’un véhicule considéré comme celui que le suspect aurait utilisé a aussi été publiée en ligne. La police a précisé que le pare-chocs avant de cette voiture pourrait être peint en noir.

Au moment de publier, deux secteurs avaient été désignés par les autorités comme des lieux visés par des fusillades : le restaurant Schemengees et le salon de quilles Sparetime Recreation, situé quelque 6 km plus loin. Selon le journal local The Sun, qui citait un porte-parole de la municipalité, des coups de feu auraient aussi été tirés dans un centre de distribution Walmart, une information qui a toutefois été démentie par la suite par un porte-parole de la chaîne.

PHOTO STEVEN SENNE, ASSOCIATED PRESS

Un policier surveille le Central Maine Medical Center à Lewiston.

Robert Card, un ancien militaire âgé de 40 ans, a été identifié comme une personne d’intérêt de l’enquête. L’homme « doit être considéré comme armé et dangereux », a déclaré la police de Lewiston. La police de l’État du Maine, de son côté, a demandé aux gens de s’abriter et de rester à l’intérieur de leur domicile en tout temps, avec les portes verrouillées.

Le bilan des décès pourrait s’alourdir, mais déjà, la tuerie de Lewiston sera l’une des plus meurtrières des quatre dernières décennies aux États-Unis. Au sommet de cette triste liste, on retrouve la tuerie de Las Vegas, qui s’est produite en octobre 2017 pendant un festival de musique country en plein air, et qui a fait 58 morts.

Problèmes de santé mentale en jeu ?

D’après plusieurs médias américains citant des sources policières, Robert Card venait de perdre son emploi dans un centre de recyclage. Le père de famille divorcé était aussi un instructeur d’armes à feu formé faisant partie de la réserve de l’armée stationnée à Saco, ville située à 80 kilomètres au sud de Lewiston.

Toujours selon ces sources, M. Card aurait récemment composé avec des problèmes de santé mentale, ayant notamment menacé de tirer sur la base de la Garde nationale à Saco. Il aurait également été interné dans un établissement de santé mentale pendant au moins deux semaines, l’été dernier.

En point de presse tard mercredi soir, le commissaire au département de la Sécurité publique du Maine, Mike Sauschuck, a confirmé qu’un véhicule d’intérêt avait été repéré à Lisbon, à environ 10 kilomètres de Lewiston.

Pour la suite, « des centaines de policiers travaillent sur le dossier […] pour que nous puissions ramener le suspect à la justice », a-t-il prudemment détaillé.

« Notre objectif est de mener une enquête et de bien faire les choses », a ajouté M. Sauschuck, en refusant de s’avancer davantage sur la progression de l’enquête ou sur le profil de Robert Card. Une cellule de crise a toutefois été mise en place et du soutien psychosocial était offert à la population à l’Auburn Middle School, a précisé M. Sauschuck.

« Ça va être un long processus », a expliqué le maire d’Auburn, Jason Levesque, en point de presse. Il a du même coup confirmé que des familles avaient déjà été informées de la mort tragique d’un proche, durant la nuit de mercredi à jeudi.

« Les armes de guerre n’ont pas leur place »

Vu la gravité et l’ampleur de l’évènement, le FBI a aussi offert du personnel et des ressources aux autorités locales du Maine. « Nous sommes prêts à les aider avec toutes les ressources disponibles dont ils ont besoin, y compris la réponse aux preuves, le soutien aux enquêtes et le soutien tactique, ainsi que l’assistance aux victimes », a confirmé la section bostonienne du FBI.

Une équipe du Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs s’est également rendue sur place. Le Central Maine Medical Center, de son côté, a confirmé qu’un protocole spécial avait été mis en œuvre pour traiter les nombreuses victimes de ces fusillades.

PHOTO ROBERT F. BUKATY, ASSOCIATED PRESS

De nombreux policiers ont été déployés sur les lieux.

« Lewiston est connu pour sa force et son courage et nous aurons besoin des deux dans les jours à venir », a réagi le maire de la ville, Carl Sheline, dans une déclaration envoyée à plusieurs réseaux américains, où il souligne avoir « le cœur brisé pour notre ville et notre population ».

À Washington, le président Joe Biden a été mis au fait de la situation, a fait savoir la Maison-Blanche en soirée. Sur X, la gouverneure du Maine, Janet Mills, a quant à elle affirmé qu’elle suivait le dossier de près. « J’exhorte toutes les personnes vivant dans la région à suivre les directives de l’État et des autorités locales. Je continuerai de suivre la situation et je resterai en contact étroit avec les responsables de la sécurité publique », a-t-elle brièvement souligné.

Comme tous les Mainois, je suis horrifié par les évènements de Lewiston ce soir. C’est ma ville natale. […] Nos cœurs se brisent pour ceux qui sont touchés.

Jared Golden, représentant du 2district du Maine

En fin de soirée, des voix se faisaient déjà entendre pour condamner l’abondance des armes à feu aux États-Unis. Parmi elles, la gouverneure de l’État de New York, Kathy Hochul, a dénoncé le fait que « de nouvelles vies sont perdues à cause de la violence armée ». « Les armes de guerre n’ont pas leur place dans les rues américaines. Combien de morts par arme à feu devons-nous encore subir avant que ce pays revienne à la raison ? », s’est-elle interrogée.

Lewiston est situé dans le sud du Maine, non loin de Portland. Avec quelque 36 000 habitants, c’est la deuxième ville en importance de cet État américain.

Le Maine, pas un habitué des tueries

Depuis 2014, environ 2000 tueries de masse, qui sont définies par un minimum de quatre morts, sont survenues aux États-Unis. Seulement deux d’entre elles se sont produites dans le Maine. La première avait fait quatre morts en mai dernier, à Bowdoin, une ville située à une vingtaine de kilomètres à l’est de Lewiston. Le nombre de victimes de meurtres par arme à feu dans le Maine était respectivement de 19 et 17 en 2020 et 2021, montrent les données du Maine Department of Health and Human Services. En 2022, la police avait recensé 29 meurtres durant toute l’année dans le Maine, dont 15 dans un contexte de violence familiale.