(Lewiston, Maine) Deux fusillades. De nombreux morts. Des citoyens bouleversés que l’on exhorte à rester chez eux en attendant que le suspect soit localisé. Et une opération du FBI au domicile de ce dernier, qui y aurait laissé une lettre de suicide. Les autorités ont poursuivi leur traque jeudi au lendemain d’une tragédie qui a secoué la nation.

L’atmosphère dans la coquette municipalité de Lewiston était surréelle jeudi. On s’attendait à croiser l’horreur et le choc à chaque coin de rue, mais c’était le calme plat dans cette ville du Maine plongée dans un drame sans nom. Des hordes de journalistes venus des quatre coins du pays se déplaçaient dans les rues désertes entre les magasins fermés et les écoles vides.

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Les allures de ville fantôme de l’endroit faisaient presque oublier qu’une chasse à l’homme se déroulait depuis 24 heures.

« Si vous voyez quelque chose, appelez la police. Surtout, restez à la maison », répétait en boucle l’animateur de la radio locale.

La tuerie, dont l’auteur serait Robert Card, a fait 18 morts et 13 blessés, selon un bilan fourni en point de presse.

Sept personnes, une femme et six hommes, ont perdu la vie au salon de quilles, huit dans un restaurant à une douzaine de minutes de là. Trois victimes ont succombé à leurs blessures à l’hôpital après avoir été atteintes par balle à l’un des deux endroits.

PHOTO FOURNIE PAR LE LEWISTON MAINE POLICE DEPARTMENT, ASSOCIATED PRESS

Le présumé tireur Robert Card

Le suspect de 40 ans, un réserviste de l’armée américaine et instructeur certifié en armes à feu aux prises avec des problèmes de santé mentale, était toujours activement recherché en fin de soirée jeudi.

Des témoins présents au salon de quilles Just-In-Time Recreation ont raconté comment des clients s’étaient cachés sous les tables et dans les machines au bout des pistes. « J’étais couchée au-dessus de ma fille, ma mère était couchée au-dessus de moi », a décrit Riley Dumont à ABC.

Au lieu de pleurer publiquement les victimes, les résidants étaient confinés chez eux. Il n’y avait pour le moment ni hommages rendus aux morts et aux blessés, ni fleurs, ni banderoles faisant écho à la tragédie.

« On est pris chez nous, et c’est ça le plus stressant. On attend l’arrestation », a résumé Phil Robson, qui habite tout près du resto-bar ciblé que le tireur a pris pour cible mercredi en fin de soirée.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Policier montant la garde devant le Central Maine Medical Center, à Lewiston

Le suspect est toujours au large. Il est décrit comme « armé et dangereux » et pourrait refaire surface à tout moment.

La fuite du suspect a trouvé un écho jusqu’à la frontière canado-américaine. L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a lancé « un avis de guet armé et dangereux » dans ses systèmes « auquel tous les agents ont accès à l’interne pour les alerter du risque important que présente » le suspect.

Le FBI chez le suspect

Il faut se rendre à Bowdoin, la ville natale de Robert Card située à une demi-heure de route des lieux du drame, pour constater l’ampleur des recherches. Un hélicoptère survolait le vaste secteur.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Le suspect était toujours activement recherché jeudi en fin de soirée, à Bowdoin, non loin de Lewiston.

La police s’activait sur Meadow Road, où la famille du suspect habite depuis des décennies. Le FBI s’est présenté à la maison du suspect, a constaté La Presse sur place. Les agents ont lancé des bombes assourdissantes à l’intérieur et ont fouillé le domicile. Toujours pas de trace de Robert Card, alors que le soleil se couchait. Les autorités perquisitionnaient dans le domicile et ignoraient si le suspect se trouvait à l’intérieur, a expliqué la police de l’État du Maine sur les réseaux sociaux.

Une lettre de suicide y a été trouvée par les enquêteurs, a rapporté le réseau ABC. Cette missive, adressée au fils du suspect, ne préciserait toutefois pas le motif de la fusillade de masse survenue mercredi.

Un trio de policiers protégeait le périmètre pour ne pas nuire à l’opération.

Les parents et d’autres membres de la famille du suspect habitent sur cette rue. Ils sont bien connus dans le voisinage et possèdent une vaste terre.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Richard Goddard habite la maison adjacente à celle des parents du suspect Robert Card.

« Ils sont fermiers de père en fils. Une bonne famille qui travaille fort. Je n’ai rien de mauvais à dire sur eux », a expliqué Richard Goddard. Il occupe la maison adjacente à celle des parents de Robert Card.

La tuerie l’a tenu éveillé la nuit dernière. Personne ne s’attend à un tel évènement, personne ne s’attend à connaître l’auteur d’une telle atrocité, estime le voisin. Il reste aux aguets et s’étonne que les autorités n’aient toujours pas retrouvé le suspect. « Il pourrait être ici. Il connaît très bien ce coin, c’est comme son territoire. »

Il avait eu vent des enjeux de santé mentale du suspect, qu’il entendait des voix.

« Qu’est-ce que ça va prendre pour qu’on aide les gens qui en ont besoin ? Pourquoi ont-ils accès à des fusils ? », a-t-il déploré.

Ce n’est pas les armes, le problème, croit M. Goddard. « C’est les gens qui les utilisent, le problème. »

« On pouvait éviter ça »

Hunter Kassam pense qu’il s’agit d’une tuerie qu’on aurait pu empêcher. La tristesse et le désarroi face à l’évènement qui ébranle sa communauté ont été de courte durée.

« C’est une honte que ce soit arrivé, parce qu’on pouvait éviter ça. C’est une honte que cet homme ait pu facilement avoir des armes. J’espère que les politiciens regardent ça et vont faire quelque chose », s’est indigné le citoyen de 27 ans.

PHOTO ROBERT F. BUKATY, ASSOCIATED PRESS

Miia Zellner accrochait des cœurs un peu partout dans la municipalité éprouvée.

Sa conjointe Miia Zellner, professeure d’art plastique, pense aux victimes. Elle accrochait de petits cœurs en carton partout dans la ville en soutien à ceux directement touchés quand La Presse l’a croisée en matinée.

« J’ai de la difficulté à réaliser ce qui se passe. On a peu d’informations sur les victimes. C’est peut-être des gens que je connais, que j’ai croisés », a-t-elle confié.

Avec Vincent Larin et Émilie Bilodeau, La Presse