(San Diego) De San Diego à New York, de Washington à Chicago, la crise migratoire met à l’épreuve la patience d’édiles démocrates, accusant désormais eux aussi le président Biden de ne pas en faire assez pour leurs villes qui arrivent à un point de rupture.

Illustration la plus frappante des dysfonctionnements dans la politique d’accueil américaine : des centaines de migrants sont amassés dans le sud de la Californie, le long de l’imposant mur à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

« La réalité c’est que nous n’avons pas de fonds suffisants », déplore auprès de l’AFP Nora Vargas, élue démocrate du comté de San Diego, qui compte plus de 3 millions d’habitants.

« Et pendant que nous continuons d’établir un plan, le nombre [de migrants] continue lui d’augmenter », déclare-t-elle, assurant avoir dû déclarer « un état de crise humanitaire » la semaine dernière.

La question de l’immigration est depuis longtemps un sujet enflammé aux États-Unis, républicains et démocrates présentant deux visions radicalement différentes sur comment remettre à neuf un système défaillant.  

Intransigeante

Un nombre record d’arrivées à la frontière sud — plus de 2,2 millions au cours des 12 derniers mois — met à l’épreuve la position habituelle des démocrates qui se veut bien plus conciliante.

Et depuis plusieurs mois, le Texas — frontalier du Mexique — et son gouverneur républicain Greg Abbott ont décidé de déplacer le problème, littéralement. Les migrants nouvellement arrivés sont transportés par autocars vers New York, Chicago, ou encore Washington, forçant leurs maires démocrates à traiter une crise qui jusque-là se concentrait sur les villes frontalières.

PHOTO FREDERIC J. BROWN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un agent frontalier américain observe des migrants du Texas descendre d’un autocar à San Diego, en Californie, le 10 octobre.

Plus de 100 000 migrants sont arrivés à New York au cours de l’an passé, et le maire Eric Adams comme la gouverneure Kathy Hochul (tous deux démocrates) ont adopté une ligne intransigeante.

« Nous n’avons pas les capacités » d’accueil, a déclaré Kathy Hochul à CNN le mois dernier.  

« Nous sommes à notre limite, si vous allez quitter votre pays, allez ailleurs » que New York, a-t-elle lancé.

« Abandonné »

Pour Eric Adams, pas de doute sur la responsabilité de la crise.

« Le président et la Maison-Blanche ont abandonné cette ville », a déclaré le maire en avril.

PHOTO JAMIE KELTER DAVIS, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Des demandeurs d’asile vivant dans des tentes devant un commissariat de police de Chicago, en Illinois, le 30 septembre.

Le gouverneur démocrate de l’Illinois, J. B. Pritzker — pourtant conseiller de la campagne de réélection de Joe Biden — n’y est pas allé de main morte non plus, après l’arrivée de plus de 15 000 migrants dans son État du nord du pays.

« Le manque d’intervention et de coordination à la frontière de la part de l’État fédéral a créé une situation intenable pour l’Illinois », a-t-il écrit dans une lettre à la Maison-Blanche.

À un peu plus d’un an de l’élection présidentielle, Joe Biden se retrouve en position de vulnérabilité sur ce dossier de l’immigration, car aux critiques démocrates s’ajoutent bien sûr les piques acerbes de l’opposition. Les républicains s’attachent ainsi à dépeindre le président comme ayant transformé les frontières des États-Unis en passoire.

Pour Robert Vivar, un missionnaire du diocèse épiscopal de San Diego, les migrants sont bloqués dans un système qui n’est pas adapté à la situation et que démocrates comme républicains n’arrivent pas à remanier.

« Les partis ne peuvent pas s’accorder sur une réforme de l’immigration à la hauteur de la dignité requise pour faire face non seulement aux besoins des migrants cherchant protection, mais également ceux des employeurs ici aux États-Unis », affirme l’ecclésiastique anglican, qui note la contribution des migrants au marché du travail.

Le problème, selon l’élue Nora Vargas, réside dans l’éloignement du pouvoir central, à Washington.

« Des décisions sur notre frontière sont prises à plus de 5000 km de distance », affirme-t-elle.

« Ils ont besoin de venir ici eux-mêmes, mais avec une mentalité objective pour observer quels sont les problèmes et y trouver de vraies solutions. »