(Phoenix) Les patients souffrant de coups de chaleur et de brûlures causées par l’asphalte envahissent les hôpitaux. Les climatiseurs tombent en panne dans les refuges pour sans-abri. Le Bureau du médecin légiste déploie des glacières de la taille d’une remorque pour conserver les corps, et ce, pour la première fois depuis les débuts de la COVID-19.

Pendant 31 jours d’affilée, du dernier jour de juin à l’avant-dernier jour de juillet, Phoenix a atteint une température d’au moins 43,3 °C, battant le record de 18 jours établi en 1974. La ville a battu un autre record la semaine dernière, en accumulant le plus grand nombre de jours de chaleur d’au moins 46 °C au cours d’une année civile, dans le cadre d’une vague de chaleur mondiale qui a fait de juillet le mois le plus chaud jamais enregistré sur Terre.

C’est le mois de juillet infernal de Phoenix : un mois entier de chaleur impitoyable qui a mis à mal la santé et la patience des habitants de cette ville de 1,6 million d’habitants, tout en mettant à rude épreuve une campagne régionale visant à protéger les sans-abri et les personnes âgées, qui sont les plus vulnérables.

« Je n’en peux plus », a déclaré Rae Hicks, 45 ans, la semaine dernière, alors qu’elle était assise avec son fils de 7 ans sur le sol d’un centre de rafraîchissement à Tempe, leurs valises regroupées autour d’eux.

Il faisait 47,8 °C dehors, et ils n’avaient nulle part où aller après la fermeture du centre ce soir-là, comme des milliers d’autres personnes à Phoenix qui se retrouvent sans abri à cause de la hausse des loyers et d’une recrudescence des expulsions.

La chaleur record a fait de leur été un jeu désespéré de survie : ils passent la journée dans des bibliothèques, des supermarchés et des centres de secours, et la nuit, ils dorment dans des motels, des voitures ou des refuges pour éviter les rues brûlantes.

Avec au moins deux mois de chaleur supplémentaires à venir, certains résidants ont affirmé qu’ils ne savaient pas combien de temps ils pourraient encore tenir.

PHOTO MATT YORK, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Sans-abri tentant de se rafraîchir avec un peu d’eau à l’extérieur d’un refuge au centre-ville de Phoenix, le 14 juillet dernier

« C’est usant pour les gens », a affirmé Kevin Conboy, médecin assistant à Circle the City, une organisation caritative médicale qui soigne les sans-abri de Phoenix. « La température de chacun oscille autour de 37,8 °C. Tout le monde se plaint de se sentir si épuisé, si fatigué. »

Même les bus médicaux de l’association succombent à la chaleur, ce qui les oblige à cesser leurs activités pour être réparés.

Morts de chaud

Le médecin légiste de Phoenix a signalé 25 décès liés à la chaleur cette année et a déclaré qu’il enquêtait également sur 249 autres décès liés à la chaleur. L’année dernière, le comté de Maricopa a enregistré un nombre record de 425 décès liés à la chaleur.

Les hôpitaux de la région de Phoenix disent également avoir traité plus de personnes pour des problèmes de chaleur et de brûlures en juillet qu’au cours des étés précédents, en les perfusant avec du sérum physiologique froid ou en les plaçant dans des sacs mortuaires remplis de glace qui fuient parfois et font glisser les infirmières dans des flaques d’eau glacée.

« Nous sommes très occupés », a confirmé la Dre Kara Geren, urgentologue au Valleywise Health Medical Center, dans le centre de Phoenix.

Nous avons de tout, des crampes jusqu’aux coups de chaleur et à la mort.

La Dre Kara Geren, urgentologue au Valleywise Health Medical Center

La Dre Geren a indiqué que le service des urgences traitait cet été un plus grand nombre de sans-abri et de toxicomanes souffrant de maladies liées à la chaleur, ainsi qu’un plus grand nombre de personnes qui se brûlent les jambes et le dos en tombant sur un trottoir dont la température peut atteindre 82 °C. Cette semaine, une octogénaire est venue à l’hôpital pour faire soigner ses brûlures après être tombée devant chez elle, puis être restée allongée sur la chaussée brûlante pendant deux heures avant que quelqu’un n’entende ses appels à l’aide.

La flore affectée, la population à bout

Les énormes cactus saguaro s’effondrent sous l’effet de la chaleur, et les agaves, les créosotiers et les cactus en forme de tonneau qui jonchent les autoroutes jaunissent. Les sentiers de randonnée sont fermés à midi depuis plus d’un mois pour protéger les randonneurs (et les ambulanciers qui doivent les secourir).

PHOTO LILIANA SALGADO, ARCHIVES REUTERS

Un cactus saguaro en train de se dessécher sous l’effet de la chaleur, près de Phoenix, le 25 juillet dernier

Même les médias locaux ont semblé atteindre un point de rupture la semaine dernière, lorsque l’Arizona Republic s’est écrié : « Le brasier ne s’arrêtera-t-il jamais ? »

Austin Davis, qui dirige une petite organisation caritative d’aide aux sans-abri appelée AZ Hugs, passe ses journées à essayer de répondre aux appels de personnes sans abri qui cherchent désespérément à éviter de dormir dans la chaleur.

Je ne peux pas vous dire combien de personnes m’ont appelé en pleurant, en demandant une chambre d’hôtel, en disant qu’elles ne pouvaient pas passer une autre journée comme ça.

Austin Davis, de l’organisation caritative d’aide aux sans-abri AZ Hugs

De nombreux refuges de Phoenix sont pleins, et les listes d’attente pour les logements financés par l’État durent des semaines, voire des mois, selon les familles interrogées. Elles trouvent le numéro de M. Davis griffonné sur les tableaux blancs des centres de rafraîchissement, l’obtiennent des employés des refuges ou d’autres personnes dans la rue, et appellent pour tenter une dernière fois d’obtenir de l’aide. Jeudi après-midi, il avait 268 textos non lus.

PHOTO ADRIANA ZEHBRAUSKAS, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Un homme se repose dans un centre de rafraîchissement, vendredi dernier à Tempe, en Arizona.

« Ma famille dort dans le parc en ce moment, mon mari et nos sept enfants », peut-on lire dans l’un d’eux. M. Davis a répondu en demandant les dates de naissance, les revenus et d’autres informations dont il aurait besoin pour commencer à les mettre en contact avec des programmes de logement et d’hébergement, et il a terminé par deux émojis de cœur.

Un autre appel est venu de Melissa Duckett, 40 ans, qui dormait dans sa voiture avec sa femme et leur fils de 11 ans depuis qu’elle avait été expulsée, au printemps. Mme Duckett a expliqué qu’ils vivaient dans un appartement subventionné, mais qu’ils avaient pris du retard dans le paiement du loyer lorsqu’elle est tombée malade.

Lorsque les vagues de chaleur ont commencé à s’abattre sur le centre de Phoenix à la fin du mois de juin, ils avaient envisagé de se rendre à Flagstaff, où il faisait plus frais. Mais leur voiture est tombée en panne à cause de la chaleur. Leur nouveau répit était une caravane que M. Davis avait équipée de lits superposés et d’un climatiseur en état de marche, en guise de palliatif d’urgence pour les familles.

« Nous allons simplement nous réjouir d’être à l’abri de la chaleur », a indiqué M. Duckett.

Cet article a été publié à l’origine dans le New York Times.

Lisez l’article original du New York Times (en anglais, abonnement requis)