(New York) Début juin, Moms for Liberty, un regroupement de parents d’élèves, se voit coller l’étiquette d’« extrémiste » par une organisation qui recense les groupes haineux et extrémistes aux États-Unis.

Mi-juin, l’antenne de Moms for Liberty de l’Indiana soulève la controverse en citant une déclaration attribuée à Adolf Hitler dans son bulletin d’information.

Fin juin, l’organisation nationale attire cinq candidats présidentiels du Parti républicain, et non les moindres, à son deuxième « sommet » annuel, tenu à Philadelphie.

Donald Trump, Ron DeSantis et Nikki Haley profitent de l’occasion pour couvrir ses membres d’éloges.

De toute évidence, Moms for Liberty suscite des sentiments diamétralement opposés. Fondée en Floride pour protester contre le port du masque à l’école, l’organisation est devenue en deux ans et demi une force incontournable au sein de la droite américaine, avec plus de 250 antennes dans 45 États et plus de 110 000 membres.

La menace de la COVID-19 étant largement passée, Moms for Liberty se consacre désormais à la lutte contre un autre péril : l’endoctrinement « woke ».

Dans le cadre de cette bataille, l’organisation appuie des candidats aux élections scolaires et s’oppose à la mention de certains sujets en classe, dont l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Elle réclame en outre le retrait de livres traitant de sexualité ou de racisme dans les écoles et milite en faveur de projets de loi destinés à interdire aux mineurs les soins de transition de genre.

En collant l’étiquette « extrémiste » à Moms for Liberty dans son rapport annuel, le Southern Poverty Law Center (SPLC) note que cette organisation n’est pas la première à mobiliser les conservateurs en invoquant les « droits parentaux » et les « valeurs familiales ».

« Des cris de ralliement similaires ont été adoptés par ceux qui s’opposaient à la déségrégation des écoles pendant le mouvement des droits civiques et par la Majorité morale des années 1980 », fait valoir Susan Corke, directrice du SPLC.

Les activités de Moms for Liberty montrent clairement que les principaux objectifs du groupe sont d’alimenter l’hystérie au sein de la droite et de rendre le monde moins confortable ou moins sûr pour certains élèves – principalement ceux qui sont noirs, LGBTQ ou issus de familles LGBTQ.

Susan Corke, directrice du Southern Poverty Law Center

Deux des trois fondatrices de Moms for Liberty, Tiffany Justice et Tina Descovich, ont répondu à la désignation du SPLC dans une déclaration écrite. « Les deux tiers des Américains pensent que le système d’éducation publique est aujourd’hui sur la mauvaise voie. C’est pourquoi notre organisation se consacre à donner aux parents les moyens de participer à l’éducation de leurs enfants dans les écoles publiques », ont-elles affirmé.

Objectif : censure

Or, selon les sondages, la plupart des Américains, y compris près de la moitié des républicains, s’opposent à l’une des plus importantes activités de Moms for Liberty : la censure de livres dans les écoles.

Activités qui n’ont de cesse. La semaine dernière, l’organisation a forcé le retrait de cinq livres jugés pornographiques des bibliothèques de la commission scolaire du comté de Leon, en Floride. L’un des livres, intitulé Lucky, est le récit autobiographique de la romancière Alice Sebold sur la façon dont son viol à 18 ans a transformé sa vie.

La commission scolaire du comté de Leon avait déjà retenu l’attention après le retrait d’un livre illustré pour enfants intitulé I Am Billie Jean King, où la pionnière du tennis féminin évoque en passant son homosexualité. Le livre fait l’objet d’un examen après la contestation d’un parent.

En Floride, ces contestations et interdictions de livres découlent d’une loi promulguée par le gouverneur Ron DeSantis. Lors de son discours au sommet annuel de Moms for Liberty à Philadelphie, le candidat présidentiel a dit voir dans les critiques ciblant l’organisation « un signe que nous gagnons cette bataille ».

« Moms for Liberty n’est pas un groupe haineux », a renchéri Donald Trump au même endroit.

PHOTO MATT ROURKE, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

L’ancien président des États-Unis Donald Trump lors du sommet annuel de Moms for Liberty à Philadelphie, le 30 juin dernier

Vous [Moms for Liberty] êtes la meilleure chose qui soit arrivée à l’Amérique.

Donald Trump lors du sommet annuel de Moms for Liberty à Philadelphie

Des idéologues et complotistes d’extrême droite faisaient pourtant partie de la liste des orateurs à Philadelphie. Figuraient parmi ceux-ci l’avocate KrisAnne Hall, membre de la milice antigouvernementale Oath Keepers et du groupe nationaliste blanc League of the South, et l’auteur James Lindsay, promoteur d’une théorie du complot selon laquelle les États-Unis sont menacés par une « révolution culturelle maoïste » orchestrée par de hauts responsables du gouvernement fédéral et d’institutions élitistes.

Ne jamais s’excuser

Dans un des ateliers tenus durant le sommet, Christian Ziegler, président du Parti républicain de Floride, a déploré de son côté les excuses formulées par l’antenne de Moms for Liberty de l’Indiana après la publication sur sa page Facebook de cette déclaration attribuée à Hitler : « Seul celui qui possède la jeunesse gagne l’avenir. »

« Il ne faut jamais s’excuser. Jamais », a-t-il déclaré aux participants de l’atelier consacré aux relations avec les médias. « C’est mon point de vue. D’autres personnes ont des avis différents sur la question. Je pense que s’excuser vous rend faible. »

Christian Ziegler est marié à l’autre fondatrice de Moms for Liberty, Bridget Ziegler, qui a célébré son élection à la commission scolaire du comté de Sarasota en présence de membres du groupe néo-fasciste Proud Boys. Il a résumé ainsi son message aux participants de l’atelier, selon le compte rendu d’un chercheur du groupe de réflexion conservateur American Enterprise Institute :

« Votre produit, ce sont les droits parentaux. Votre produit est la protection des enfants et l’élimination de l’endoctrinement et de la sexualisation des enfants. Vous êtes la base. Vous êtes sur le terrain. Vous êtes les mères, les grands-parents, les familles qui sont touchés. Les histoires que vous racontez aident à établir un récit. »