(New York) En 2019, les accusations d’un lanceur d’alerte anonyme concernant l’Ukraine ont mené à la première procédure de destitution visant Donald Trump.

Près de quatre ans plus tard, les allégations de Gary Shapley, un lanceur d’alerte qui a lui-même dévoilé son identité, pourraient conduire à la première procédure de destitution à l’encontre d’un membre de l’administration Biden.

« Si ce que dit le lanceur d’alerte de l’IRS [Internal Revenue Service] s’avère, nous allons entamer une enquête en destitution contre le procureur général », a déclaré lundi dernier Kevin McCarthy, président de la Chambre des représentants, sur Fox News.

Mais Merrick Garland n’est pas la seule personne à être visée par les accusations de Gary Shapley, ancien superviseur de l’enquête du fisc américain sur les affaires de Hunter Biden.

Joe Biden risque également d’être éclaboussé par cette affaire, comme le souhaitait Donald Trump en faisant pression sur son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, lors d’un appel téléphonique pour qu’il annonce une enquête sur son rival démocrate.

Que dit Gary Shapley ? En mai dernier, lors d’un témoignage à huis clos devant une commission parlementaire de la Chambre, il a formulé une série d’allégations explosives à propos de l’enquête du ministère de la Justice sur Hunter Biden, ouverte sous Donald Trump, en 2018, et confiée depuis à David Weiss, procureur des États-Unis au Delaware.

PHOTO EVELYN HOCKSTEIN, ARCHIVES REUTERS

Le procureur général des États-Unis, Merrick Garland

Selon la transcription de son témoignage publiée le 22 juin dernier, Gary Shapley a notamment accusé Merrick Garland d’avoir menti au Congrès en affirmant que David Weiss avait le plein pouvoir d’engager des poursuites contre Hunter Biden.

En fait, selon le lanceur d’alerte, David Weiss a affirmé le contraire lors d’une réunion tenue le 7 octobre 2022. En présence d’enquêteurs du FBI et de l’IRS, il aurait affirmé avoir été rabroué par les principaux procureurs fédéraux de Los Angeles et de Washington lorsqu’il a évoqué la possibilité d’inculper le fils du président dans ces juridictions.

Aux dires du lanceur d’alerte, Weiss a également confié avoir réclamé en vain le statut de procureur spécial, qui lui aurait permis de passer outre aux objections des procureurs de Los Angeles et de Washington.

Merrick Garland et David Weiss ont nié cette version des faits. D’autres ont attribué l’ensemble des dénonciations de Gary Shapley à des malentendus ou à des différences de perspective fréquentes entre enquêteurs et procureurs.

Traitement de faveur

Mais un autre lanceur d’alerte de l’IRS, anonyme celui-là, a confirmé le témoignage de Gary Shapley. Et les républicains de la Chambre veulent interroger les autres témoins de la rencontre du 7 octobre 2022 pour obtenir d’autres corroborations.

En attendant, un fait est incontestable : le 20 juin dernier, Hunter Biden a accepté de plaider coupable à deux infractions fiscales mineures dans le cadre d’un accord avec le département de la Justice. Les républicains ont aussitôt dénoncé un traitement de faveur.

Gary Shapley estime que ce traitement de faveur envers Hunter Biden ne date pas d’hier. Et il ajoute que sa dénonciation de la situation à des enquêteurs du Congrès lui a coûté une promotion à l’IRS.

« Les accusations les plus graves ont été écartées », a-t-il dit mercredi dernier sur Fox News.

Le lanceur d’alerte a soutenu que Hunter Biden aurait notamment pu être accusé d’évasion fiscale pour ne pas avoir déclaré les revenus que la société d’énergie ukrainienne Burisma lui a versés en 2014, année où le fils de celui qui était alors vice-président a commencé à siéger au sein de son conseil d’administration. Jusqu’en 2019, Burisma a payé Hunter Biden 1 million de dollars par année.

Gary Shapley a également affirmé avoir été empêché par le département de la Justice de suivre des pistes d’enquête pouvant mener à Joe Biden.

Nous n’avions pas le droit de poser des questions sur ‟papa”. Nous n’avions pas le droit de poser des questions sur le ‟big guy”.

Gary Shapley au sujet de Joe Biden, sur Fox News

Le « big guy » est une référence à un individu mentionné en 2017 dans un courriel retrouvé sur l’ordinateur portable de Hunter Biden et traitant de la façon dont seraient répartis les bénéfices d’une affaire avec une société chinoise. Le « big guy » devait recevoir « 10 % ». Les républicains pensent qu’il s’agit de l’actuel président. Ce dernier a toujours nié avoir été mêlé aux affaires de son fils.

La politique écartée

Mais Hunter Biden a bel et bien évoqué son père dans un message WhatsApp envoyé en 2017 à un partenaire d’affaires chinois potentiel : « Je suis assis ici avec mon père et nous aimerions comprendre pourquoi l’engagement pris n’a pas été respecté. Dites au directeur que j’aimerais résoudre ce problème maintenant avant qu’il ne devienne incontrôlable, et maintenant veut dire ce soir. »

Hunter Biden menace ensuite son interlocuteur en promettant « qu’entre l’homme assis à côté de moi et toutes les personnes qu’il connaît, et ma capacité à être toujours rancunier, vous regretterez de ne pas avoir suivi mes instructions ».

Quelques jours plus tard, le partenaire chinois de Hunter Biden lui a envoyé 5 millions de dollars. Les républicains, qui ont publié récemment ce message inédit jusque-là, y voient la preuve d’un acte d’extorsion impliquant le président, qui n’était alors que simple citoyen.

Mais Joe Biden était-il vraiment assis à côté de son fils au moment de la rédaction de ce message ? Était-il même au courant que son fils utilisait ainsi son nom ?

L’avocat de Hunter Biden met toute allusion à Joe Biden dans les messages liés aux affaires de son client sur le compte de la dépendance au crack dont ce dernier souffrait à l’époque. Gary Shapley a reconnu de son côté que certaines affirmations de Hunter Biden concernant l’implication de son père n’étaient que des « vœux pieux ».

Même s’il est républicain, le lanceur d’alerte jure que la politique n’a rien à voir avec ses allégations. C’est peut-être vrai. Mais cela ne prouve pas ses allégations pour autant.