Pyongyang a tiré mercredi un nouveau missile balistique qui s'est pour la première fois abattu dans les eaux japonaises, provoquant la colère de Tokyo et aggravant un climat déjà très tendu avec Séoul et Washington.

L'armée américaine a indiqué que le Nord avait en fait lancé simultanément deux missiles Rodong de portée intermédiaire, l'un ayant vraisemblablement explosé au lancement.

Ces tirs interviennent quelques semaines après que Pyongyang eut menacé de lancer une «action physique» contre le bouclier antimissiles américain qui doit être déployé en Corée du Sud, et quelques semaines avant de nouvelles manoeuvres conjointes entre Américains et Sud-Coréens.

Le Japon a affirmé que l'un des missiles s'était abattu à 250 km au large de sa côte nord, à l'intérieur de sa Zone économique exclusive (ZEE).

«C'est un acte scandaleux qui ne saurait être toléré», a déclaré à la presse le premier ministre japonais, Shinzo Abe, qui a parlé d'une «menace sérieuse à la sécurité du pays».

Les États-Unis ont condamné de leur côté une violation claire des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU qui interdisent explicitement à Pyongyang d'utiliser la technologie des missiles balistiques.

«Cette provocation ne sert qu'à renforcer la détermination de la communauté internationale à contrer les activités interdites» de la Corée du Nord, a déclaré Gary Ross, le porte-parole du Pentagone.

L'Union européenne a estimé que la Corée du Nord avait «clairement violé» ses obligations découlant des résolutions de l'ONU.

Le ministère allemand des Affaires étrangères a accusé Pyongyang d'avoir «délibérément mis en péril la sécurité d'un autre pays».

«Problématique et dangereux»

Le Commandement stratégique américain a indiqué que les deux missiles avaient été tirés d'une zone dans l'ouest de la Corée du Nord vers 18h50 (HE) mardi.

«Les premières indications sont que l'un des missiles a explosé immédiatement après son lancement, tandis que le second a pu être suivi au-dessus de la Corée du Nord jusqu'en mer du Japon», a-t-il déclaré.

C'est la première fois qu'un missile est tiré dans les eaux japonaises. En 1998, seul le second étage d'un missile de moyenne portée nord-coréen avait fini sa course dans les eaux japonaises, côté Pacifique.

Le porte-parole du gouvernement japonais, Yoshihide Suga, a indiqué qu'aucun avertissement n'avait précédé ce tir.

«Du point de vue de la sécurité maritime et aérienne, c'est un acte extrêmement problématique et dangereux», a-t-il dit.

Le Rodong est une version améliorée du Scud. Sa portée est de l'ordre de 1300 km.

Pyongyang a réalisé depuis son quatrième essai nucléaire en janvier une série de tirs de missiles balistiques, en violation de toutes les résolutions de l'ONU.

La Corée du Nord avait le 19 juillet tiré trois missiles balistiques, dont un Rodong, qui, selon Pyongyang, simulaient des frappes nucléaires préventives sur des ports et des aérodromes sud-coréens.

«Invasion»

Washington et Séoul avaient annoncé auparavant un accord sur le déploiement au Sud du bouclier antimissiles THAAD (Terminal High Altitude Area Defence) américain d'ici la fin de l'année prochaine, face à la multiplication des menaces venues de Corée du Nord.

Condamné par Pyongyang, ce projet inquiète également Moscou et Pékin.

Le chef de la diplomatie sud-coréenne, Yun Byung-Se, a estimé que le tir de mercredi ne faisait que «souligner la nécessité de déployer le THAAD».

Les tensions se sont également aggravées à l'approche du lancement le 22 août de vastes exercices militaires conjoints entre la Corée du Sud et les États-Unis qui impliquent plusieurs dizaines de milliers de militaires.

La Corée du Nord voit les manoeuvres annuelles dites «Ulchi Freedom» comme une provocation et comme la «répétition générale d'une invasion» de son territoire. Mais Séoul et Washington soutiennent que leur visée est purement défensive.

«Notre engagement en faveur de la défense de nos alliés, parmi lesquels la République de Corée et le Japon, face à ces menaces, est à toute épreuve», a déclaré mercredi M. Ross. «Nous sommes prêts à nous défendre et à défendre nos alliés contre toute attaque ou provocation.»

Alors que les résolutions de l'ONU lui interdisent tout programme nucléaire ou balistique, la Corée du Nord a revendiqué ces derniers mois une série d'avancées dans ces programmes.

De nombreux experts s'accordent à dire que Pyongyang a progressé dans ses efforts pour mettre au point un missile intercontinental (ICBM) capable de porter le feu nucléaire sur le continent américain.

Réunion d'urgence du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité va tenir des consultations mercredi après-midi à la suite des nouveaux tirs de missiles nord-coréens, ont indiqué des diplomates.

Cette réunion a été convoquée à la demande des États-Unis et du Japon.

L'ambassadrice américaine Samantha Power a indiqué que Washington et Tokyo avaient demandé cette « réunion d'urgence ». Elle devrait se tenir à partir de 16 h locales.

L'ambassadeur adjoint britannique Peter Wilson a souligné que c'était la première fois qu'un missile nord-coréen terminait sa course dans la Zone économique exclusive au large du Japon.

« C'est quelque chose que le Conseil devrait prendre très au sérieux, c'est une violation évidente des résolutions du Conseil », a-t-il affirmé.

Plusieurs résolutions des Nations unies interdisent au régime communiste nord-coréen toute activité balistique ou nucléaire.

Mais Pyongyang a déjà mené quatre essais nucléaires, dont le dernier en date en janvier, et toute une série d'essais balistiques.

Les États-Unis sont toujours en négociation avec la Chine, seule alliée de Pyongyang, pour tenter de mettre au point une réaction formelle du Conseil en réponse à un précédent tir nord-coréen depuis un sous-marin en juillet. Mais ces discussions piétinent, selon des diplomates.

La dernière déclaration formelle adoptée par le Conseil en réponse à un essai balistique nord-coréen date du 23 juin, à la suite du lancement de deux engins de moyenne portée.

La Corée du Nord avait le 19 juillet tiré trois missiles balistiques qui, selon Pyongyang, simulaient des frappes nucléaires préventives sur des ports et des aérodromes sud-coréens.

Début mars, le Conseil de sécurité avait alourdi considérablement l'arsenal des sanctions internationales contre la Corée du Nord à la suite de l'essai nucléaire du 6 janvier et d'un tir de fusée effectué le 7 février.

Il avait alors imposé notamment un contrôle systématique de tous les cargos au départ ou à destination des côtes nord-coréennes.