La Chine a annoncé jeudi avoir arrêté pour «infraction à la loi» un éminent intellectuel ouïghour connu pour dénoncer depuis Pékin la répression visant les habitants de sa région d'origine, le Xinjiang, aux confins occidentaux du pays.

Le professeur Ilham Tohti a été interpellé mercredi et conduit dans un endroit inconnu, en compagnie de sa mère, a relaté à l'AFP son épouse, Guzaili Nu'er.

Cette arrestation a été réalisée grâce à une opération mobilisant des dizaines de policiers, a-t-elle précisé.

Ilham Tohti est «détenu dans le cadre d'une procédure criminelle», car il est «suspecté d'avoir commis des violations de la loi», a confirmé jeudi Hong Lei, porte-parole de la diplomatie chinoise.

M. Tohti, 45 ans, est un économiste enseignant à l'Université centrale des nationalités, dans le nord-ouest de la capitale chinoise.

Soutenu par de nombreux intellectuels et militants réformistes, il est connu pour avoir fondé Uighurbiz.net, un site d'information sur le Xinjiang en chinois et en ouïghour.

Ce site est bloqué en Chine depuis les émeutes interethniques qui avaient secoué en 2009 Urumqi, la capitale du Xinjiang, y faisant près de 200 morts.

Constamment surveillé, en particulier lors de ses déplacements au Xinjiang, interdit de facto de quitter le territoire, Ilham Tohti se savait dans le collimateur des autorités chinoises.

«J'ai demandé (aux policiers) où ils l'emmenaient, mais ils ne m'ont rien dit», a déclaré la femme de l'intellectuel, en déplorant de surcroît que l'arrestation se soit produite devant les deux enfants du couple.

Les forces de sécurité ont selon elles passé l'appartement familial au peigne fin, emportant des ordinateurs et des téléphones portables.

Les Ouïghours, musulmans turcophones, forment la première ethnie du Xinjiang.

Cette immense région bordant l'Asie centrale est régulièrement secouée par des troubles en raison des fortes tensions entre Han (ethnie majoritaire en Chine) et Ouïghours.

Ces derniers se disent aussi exclus de la vigoureuse croissance dopée par les efforts d'investissements de Pékin et entravés dans la pratique de leur religion et de leur culture.

Le 28 octobre dernier, Pékin a été le théâtre, selon la police, d'un attentat perpétré par des extrémistes venus du Xinjiang.

Selon la thèse officielle, trois Ouïghours d'une même famille ont précipité leur voiture chargée de bidons d'essence contre l'entrée de la Cité interdite, dans une attaque-suicide qui avait fait également deux morts et 40 blessés.

Le professeur Tohti avait mis en garde contre la tentation d'accuser sans preuve ou de stigmatiser les Ouïghours après ces faits qui avaient entraîné un renforcement du contrôle des autorités sur le Xinjiang.