La première ministre thaïlandaise a mis en garde samedi contre le risque d'un nouveau «cycle de violences» si le processus de «réconciliation» du pays n'avance pas, après trois jours d'intenses perturbations au parlement et le report de l'examen d'une loi sous la pression de la rue.

«Le pays a beaucoup souffert. Si la réconciliation peut faire avancer le pays, elle est souhaitable», a déclaré lors de son intervention télévisée hebdomadaire Yingluck Shinawatra, soeur de l'ancien premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, renversé par un coup d'État en 2006.

«Si nous ne commençons pas (la réconciliation), le pays sera dans un cycle de violences. Si nous ne faisons rien, le pays n'aura pas de porte de sortie», a-t-elle ajouté.

La société thaïlandaise est profondément divisée entre les masses rurales et urbaines défavorisées favorables à Thaksin et les élites de Bangkok gravitant autour du palais royal qui le détestent et voient en lui une menace pour la monarchie.

Ces divisions avaient été mises en lumière au printemps 2010, lorsque jusqu'à 100 000 «chemises rouges» pro-Thaksin avaient occupé le centre de la capitale pour réclamer la démission du gouvernement de l'époque, avant d'être délogés par l'armée. La crise, la plus grave qu'ait connue la Thaïlande moderne, avait fait plus de 90 morts et 1 900 blessés.

Le parlement devait examiner cette semaine un projet de loi de «réconciliation nationale», qui comprend une amnistie des condamnations considérées comme politiques de ces dernières années.

Le mouvement royaliste des «chemises jaunes», ennemis intimes des «rouges», et le Parti démocrate (opposition) dénoncent une manipulation pour faire revenir Thaksin, qui vit en exil pour échapper à une condamnation à deux ans de prison pour malversations financières.

Mercredi et jeudi, le parlement a été plongé dans le chaos, les forces de l'ordre ayant dû intervenir pour protéger le président de la chambre, visé notamment par des jets de document de députés, pendant que des milliers de «jaunes» manifestaient à l'extérieur.

Et vendredi, alors que les «jaunes» bloquaient l'entrée du parlement, le débat a été dans un premier temps reporté à la semaine prochaine.

Finalement, un responsable du parti au pouvoir Puea Thai a indiqué samedi à l'AFP que la session du parlement prévue les 6 et 7 juin était annulée et que le débat sur le projet de réconciliation était «reporté indéfiniment».

Alors les «jaunes» ont annulé également leurs manifestations, tout en appelant samedi sur leur site internet à «rester en alerte».

Dans ce contexte, Thaksin, qui avait assuré en avril qu'il devrait être de retour en Thaïlande cette année, s'est montré plus prudent samedi.

«Je ne sais pas si je pourrai rentrer ou non à la maison, et quand. Je pense que je pourrai rentrer un jour», a-t-il déclaré par téléphone lors d'un rassemblement de milliers de «rouges» dans un stade en banlieue de Bangkok.